À l’heure Deux hommes en cavale choix
Un front et deux hommes en cavale ! Charlie Dalin et Thomas Ruyant sont engagés dans une course poursuite avec un front qui s’étend sur 1 000 milles au Nord des Kerguelen. L’objectif : rester à l’avant de ce phénomène, tenter d’esquiver par le Nord le gros de la dépression qui se forme sur leur route puis attraper le flux modéré de l’anticyclone aux abords du cap Leeuwin. Dans un monde idéal, si les deux compères réussissaient à exécuter ce plan d’évasion complexe, ils pourraient faire un break décisif sur leurs poursuivants.
Pour y parvenir, une seule solution : aller vite, très vite. Car cette perturbation, qui va se transformer dans 24 heures en une dépression secondaire virulente, progresse vers eux à la vitesse de 25 nœuds. Il faut donc caler son pas sur cette allure. C’est ce à quoi s’emploient les skippers d’Apivia et LinkedOut, qui maintiennent depuis cette nuit des moyennes élevées : 20 nœuds, autrement dit des surfs à 28/30 nœuds. Un train d’enfer facilité par une mer plus sage et alignée dans le sens du vent de Nord-Ouest.
Bâbord amures, Thomas Ruyant peut s’appuyer sur son foil intègre et faire parler la poudre. « C’est plutôt une bonne journée » commentait avec une relative décontraction Charlie Dalin, l’homme le plus rapide de la journée. On frôle le record de distance en 24 heures (536 milles) détenu par Alex Thomson…
Derrière, en revanche, c’est une toute autre histoire…
« C’est du n’importe quoi ! »
Les neuf bateaux qui naviguent dans le sillage de Charlie et Thomas se sont fait dépasser par le front (50 nœuds dans les rafales !). A l’arrière, l’état de la mer – déplorable- et le fort flux de Sud-Ouest rendent difficile tout compromis vivable.
« On a 45 nœuds et une pluie à l’horizontale » raconte Damien Seguin (Groupe APICIL, 4e) dans une vidéo envoyée du bord avant de ralentir fortement, probablement pour résoudre des soucis techniques. « Je n’ai jamais vu une mer comme ça, elle est défoncée, c’est très dur d’avancer, ça tape, le bateau se barre en survitesse sur des surfs à 29 noeuds mais si tu es trop lent, les vagues te rattrapent et s’explosent sur le tableau arrière, c’est n’importe quoi » confirme Maxime Sorel (V and B-Mayenne, 11e) joint ce matin au téléphone.
« Je choisis une route Nord pour échapper aux conditions météo hasardeuses et avoir des mers plus praticables, confiait à son tour Jean Le Cam (Yes We Cam!, 6e). Les conditions sont musclées depuis plusieurs jours. Il n’y a pas de répit. C’est dur pour les hommes et pour le matos ».
Cette lutte engagée entre l’homme et la nature est une bataille perdue d’avance qui impose, comme le roseau, de plier pour ne pas rompre. Et d’oublier la régate pour se recentrer sur soi, sur son bateau.
Voici presqu’une semaine que le peloton de tête est entré dans l’océan Indien. Presqu’une semaine qu’il endure ses sautes d’humeur et ses mers démontées. Or, ils n’ont parcouru qu’une partie du chemin dans ces mers hostiles. « Le grand Sud, c’est une course d’endurance qui t’use à petit feu » résume parfaitement le navigateur Sébastien Josse, qui connaît bien ces contrées.
Le cap espéré
Pour le reste de la troupe, ce grand Sud se fait pourtant désirer. Après une bonne journée passée dans les calmes, Alan Roura (La Fabrique), Armel Tripon (L’Occitane en Provence), Stéphane le Diraison (Time for Oceans) et Arnaud Boissières (La Mie Câline-Artisans Artipôle), ont vécu le passage du cap de Bonne-Espérance hier (dimanche) comme une libération, une joie. Ce groupe surveille de très près la formation d’une dépression dans le sud de l’Afrique du Sud qui pourrait les enfermer, au près (sic !), le long de la Zone d’Exclusion Antarctique (ZEA).
Cet après midi, Manuel Cousin (Groupe Sétin) était sur le point de doubler la longitude du cap Bonne-Espérance. Prochains sur la liste : Didac Costa (One planet-One ocean) et Pip Hare (Medallia).
Pour les huit retardataires, l’approche de l’Afrique du Sud est encore laborieuse et seul Jérémie Beyou (Charal) affichait ce lundi une vitesse supérieure à 15 nœuds. Lorsque les leaders auront franchi le cap Leeuwin, les derniers entreront juste dans l’océan Indien…