Travaux d’Hercule
Les jolies lignes jaunes, bleues, rouges ou vertes qui serpentent sur la cartographie du Vendée Globe dessinent un charmant tableau multicolore et donnent à la course un visage lisse, presque doux. Mais la réalité du terrain est bien différente de cette image virtuelle. Derrière chaque angle formé par ces lignes, il y a une manœuvre, des efforts sur la colonne de winch, du matossage. Derrière chaque courbe ou oscillation, il y a souvent un problème technique à résoudre. Un bateau qui se met vent arrière pour ralentir ou une grand-voile affalée sur le pont.
Louis courage
Joint ce matin à 5 heures alors qu’il venait juste d’empanner au ras de la zone d’exclusion antarctique, Louis Burton nous comptait ses travaux d’Hercule entamés la veille et dont une partie seulement est résolue. Des heures à débrancher et rebrancher des fils pour voir ses pilotes automatiques fonctionner à nouveau. Et comme dans le Grand Sud, un problème n’arrive jamais seul, il a fallu se remettre à l’ouvrage et aller crapahuter à l’avant, sur le bout dehors, pour enrouler une voile. « Je suis pas mal cramé et j’avoue que je suis passé pas loin de l’abandon» confie Louis qui devait s’atteler à un gros rangement dans le cockpit de Bureau Vallée 2. Il n’est certainement pas seul à devoir maintenir son monocoque en état de marche. Pour ne pas donner de prise à leurs concurrents directs, tous les marins ne dévoilent pas leurs déboires du quotidien. Une omerta stratégique en somme…
Empannage dans l’Indien
« J’ai 30 /35 nœuds et 4,5 mètres de houle, mais la mer est mieux rangée » décrit enfin Burton. Après une relative accalmie cette nuit, le vent est à nouveau rentré pour les 11 échappés de l’océan Indien, toujours emmenés par Charlie Dalin qui a repris de l’avance (233 milles devant Thomas Ruyant). La majorité d’entre-eux a empanné dans la bascule à l’ouest. Les voici engagés dans un long bord bâbord qui va les porter jusqu’à un nouveau front assez costaud dans l’Est des Kerguelen. Le vent va se renforcer progressivement à mesure qu’ils s’approcheront de ce phénomène. Le début de semaine prochaine sera rude au milieu de l’océan Indien.
Calme blanc à l’approche de Bonne Espérance
1800 milles derrière Apivia, le contraste météo est total pour le groupe Roura, Le Diraison, Tripon, Boissière, et plus loin Cousin, totalement arrêté dans une bulle sans vent. A 120 milles du cap de Bonne Espérance, le quatuor tourne en rond dans les méandres de l’anticyclone. Ils ont passé toute la nuit à 1 à 2 nœuds de moyenne, impuissants face à l’emprise des calmes.
Enfin, la queue de peloton est en train de basculer dans un autre monde et d’assister à un changement de décor radical. Le ciel se grise et le vent se renforce à l’entrée des quarantièmes, où la flotte s’ébroue enfin à la lisière d’une dépression australe. « Après plusieurs jours démoralisants à petite vitesse dans l’anticyclone, ce n’est pas évident de changer de mode. Il faut se réhabituer au bateau qui accélère et qui penche » avouait Fabrice Amedeo. Cette nuit, le skipper de Newrest – Art et Fenêtres est passé à 5 milles des l’île Tristan Da Cunha et a eu le temps d’admirer ses sommets noyés dans les nuages.