Coup de chien
Pendant que Jean Le Cam effectuait les opérations de récupération de Kevin Escoffier dans le Sud-Ouest de l’Afrique du Sud, Charlie Dalin passait la longitude du cap de Bonne Espérance mardi à 00h11’ (heure française) après 22j 09h 51’. Les conditions de navigation se sont bien dégradées ces dernières heures sous le continent africain avec le renforcement de la première dépression australe et une mer plus chaotique…
Kevin Escoffier (PRB) va bien : il est désormais à bord de Yes We Cam! (depuis 2h18’) et les deux solitaires ont pu contacter ensemble le PC Course des Sables d’Olonne. Les trois autres monocoques IMOCA qui s’étaient déroutés pour porter assistance, Yannick Bestaven (Maître CoQ IV), Boris Herrmann (SeaExplorer-YC de Monaco) et Sébastien Simon (ARKEA PAPREC) ont ainsi pu reprendre leur route vers les Kerguelen. Le Jury International devra statuer ces prochains jours sur le déroulement des faits de ce lundi 30 novembre. Notons que la pleine lune a grandement facilité les recherches et la récupération de Kevin Escoffier par Jean Le Cam.
La longitude du cap de Bonne Espérance
À plus de 200 milles de la zone où PRB a subi des dégâts considérables, Charlie Dalin (Apivia) continuait sa route vers l’océan Indien, dans l’impossibilité de revenir sur ses pas, tout comme Thomas Ruyant (LinkedOut) à plus de vingt milles en avant de la position de l’accident. L’état de la mer s’était en effet profondément dégradé en fin de journée de lundi avec plus de cinq mètres de creux, et le vent s’est renforcé à près de trente nœuds avec des rafales à plus de 40 nœuds.
En arrivant sur l’Afrique du Sud, cette première dépression australe du Vendée Globe s’est en effet réactivée, tandis qu’une deuxième perturbation pointe déjà ses vents forts le long de la Zone d’Exclusion Antarctique (ZEA) ce mardi dans le Sud du cap de Bonne-Espérance… Normalement, la tête de course ne devrait pas être impactée par cette nouvelle dépression. En revanche, dès vendredi, de hautes pressions se glissent sous l’Afrique du Sud, ce qui pourrait ralentir sensiblement le deuxième peloton, actuellement au large de l’Uruguay.
Il faudra donc patienter quelques temps avant de connaître la situation à venir des quatre monocoques IMOCA qui se sont détournés pour porter assistance à Kevin Escoffier. Car la course autour du monde en solitaire et sans escale continue avec désormais un leader Charlie Dalin, largement en tête devant Thomas Ruyant, tandis que Louis Burton (Bureau Vallée 2) a pris la troisième position provisoire par sa route très Sud : c’est désormais une succession de dépressions qui va caractériser la traversée de l’océan Indien jusqu’au Sud de la Tasmanie…
Messages de la nuit
Les marins ont envoyé des messages de soutien à l’ensemble des acteurs mobilisés sur le sauvetage de Kevin Escoffier (PRB) dans la nuit.
Benjamin Dutreux – OMIA – Water Family
« Je suis tellement rassuré pour Kevin, punaise ! La nuit a été à la fois longue et courte… Angoissante quoi ! Trop content qu’il l’ait retrouvé. Je m’imaginais le pire ! Clairement, je n’ai pas dormi de la nuit. J’ai tellement pensé à lui, à son équipe, à sa famille… Enfin bon, tout finit bien. Mais je me dis que c’est peut-être un rappel à l’ordre ! Ce n’est pas anodin d’être ici dans le Sud… »
Miranda Merron – Campagne de France
« Quel bonheur de savoir que Jean (Le Cam) a trouvé Kevin dans son radeau dans des conditions si difficiles, et qu’il est à présent en sécurité. Travail phénoménal de la part de Jean et de tous ceux qui ont participé aux recherches et aux opérations de sauvetage. »
Pip Hare – Medallia
« C’est avec reconnaissance et soulagement que j’ai lu le message au petit matin annonçant que Kevin Escoffier avait été retrouvé et qu’il était à bord en toute sécurité avec Jean Le Cam.
Nous participons tous à cette course en sachant qu’il y a un risque. Chaque fois que vous traversez un océan à la voile, en équipage ou en solitaire, il y a un risque. Vous sortez d’un environnement où les moyens de sauvetage sont à portée de main et vous vous rendez dans certaines des régions les plus reculées du monde. Nous comprenons tous ce risque, ce qui ne veut pas dire que nous le prenons à la légère.
Beaucoup d’entraînement, de planification et de préparation ont été nécessaires pour chacun des participants, mais aussi par la Direction de Course (DC) qui nous gère sur l’eau. Entre autres, nous nous entraînons aux techniques de survie personnelle, nous transportons du matériel spécifique pour aider à notre localisation et à notre récupération. La Direction de Course est également très bien formée et possède une grande expérience dans la coordination du sauvetage.
C’est grâce à cette formation et à cette expérience que Kevin a été récupéré. Je suis humble et reconnaissante pour les actions de la Direction de course et de ces skippers dans ce sauvetage.
J’ai reçu de nombreux messages de mes amis et de ma famille au cours de la nuit, me souhaitant de rester en sécurité. Ces quelques heures ont été horribles pour tout le monde. Je ne dirais pas que je ne suis pas ébranlée, mais chaque fois que je traverse un océan, je sais que je n’ai plus ce filet de sécurité du sauvetage rapide que l’on connaît près des côtes, c’est un risque que je connais bien.
Medallia est un bateau solide et nous avons passé beaucoup de temps à le préparer aux pires conditions. J’ai d’excellentes communications par satellite à bord pour m’aider à surveiller la météo et à rester en contact avec mon équipe à terre et la Direction de Course. J’aime ce sport parce qu’il nous apprend à repousser nos limites en tant qu’êtres humains. Aucun d’entre nous ne se lance dans ce genre de course en s’attendant à finir dans un radeau de sauvetage, mais si cela devait arriver, nous sommes prêts.
Je regarde la flotte qui m’entoure dans cette partie de l’Atlantique Sud et je sais qu’ils seront là pour moi et moi pour eux si nous en avions besoin. Je vais prendre soin de moi, Medallia va prendre soin de moi. J’ai un immense respect pour Jean Le Cam, Jacques Caraës (directeur de course), Boris Herrmann, Yannick Bestaven et Sébastien Simon, qui ont tous travaillé sans relâche pour sauver Kevin. Je les remercie. »
Armel Tripon – L’Occitane en Provence
« J’avais des nouvelles de ce qui est arrivé à Kevin (Escoffier) et des opérations de recherche. J’avoue que tant que le sauvetage n’était pas fait, je n’étais pas serein. C’est un énorme soulagement d’apprendre ce matin que Jean (Le Cam) a réussi à récupérer Kevin dans son radeau de survie !
C’est très dur de chercher quelqu’un comme ça, on est tout petits sur l’océan, même dans un radeau de survie comme l’était Kevin. Pour avoir déjà participé à des recherches de nuit d’un homme à la mer, je sais à quel point c’est très difficile. C’était en Figaro il y a quelques années, le sauvetage de Christophe Bouvet, et on était 25 bateaux à tourner et tourner sans cesse pour chercher Christophe dans la nuit. C’était différent car lui était carrément tombé à l’eau, sans radeau donc… et nous étions 25 dans la nuit à tenter de repérer quelque chose à la lumière de nos lampes frontales, espérant un énorme coup de chance. C’est très angoissant. Christophe avait été sauvé miraculeusement par Paul Meilhat, à l’époque. C’était en Méditerranée, ce n’était pas du tout les mêmes conditions de mer et de température de l’eau, mais c’est pour dire à quel point ces recherches sont compliquées. Et là ils n’étaient que quatre (Jean Le Cam, Yannick Bestaven, Boris Herrmann, Sébastien Simon) avec des bateaux de 60 pieds forcément difficiles à faire virer de bord dans la grosse mer – il y avait près de 5 mètres de creux – et sous voilure réduite.
Quand j’apprends que Jean Le Cam a dû revenir 5 ou 6 fois sur zone et qu’il ne trouvait plus le radeau après son premier passage, je ne sais pas s’ils avaient un contact radio entre eux, mais c’est forcément très flippant. Heureusement, l’histoire finit bien et tout le monde est soulagé. C’est ce même bateau, PRB, qui avait sauvé Jean Le Cam quand il avait chaviré au Cap Horn et aujourd’hui c’est Jean Le Cam qui va sauver le skipper de PRB… Au final c’est un sacré clin d’œil de l’histoire ! L’essentiel est là : Kevin est à bord du bateau de Jean. C’est tout ce qui compte. »