Dans la fraîcheur de la nuit
La tête de flotte baigne désormais dans un flux de secteur Sud-Ouest en approche du cap de Bonne-Espérance que le leader, Charlie Dalin, devrait franchir en fin d’après-midi. Le temps s’est franchement rafraîchi mais surtout le passage sous l’Afrique du Sud s’annonce assez violent avec une brise contraire au courant des Aiguilles qui vient de l’océan Indien. Derrière, l’anticyclone s’est refermé sur le Suisse Alan Roura et une deuxième dépression devrait propulser les groupes de queue très rapidement vers… une nouvelle cellule de hautes pressions !
Ça caille ! Vraiment… On a eu beau nous prévenir, on se les pèle : 7°C maximum dans l’air avec tout de même vingt-cinq nœuds établis et des rafales à 35 nœuds, sur une mer qui a franchement grossi et qui ne dépasse pas le 8°C. Tenter de sortir le bout de son nez dehors, c’est s’assurer une bonne giclée d’embruns frigorifiques. La brise est passée au secteur Sud-Ouest derrière le front froid et depuis qu’il faut descendre vers la Zone d’Exclusion Antarctique, les leaders se font brasser velu… Et ce n’est pas la belle pleine lune qui envoie ses dards lumineux entre deux nuages sombres qui pourrait rassurer : apercevoir une belle déferlante rouler son écume sous des cieux ténébreux n’est pas fait pour diminuer la boule qui s’est formée au creux des reins.
Une première brassée de vagues et de brises
Le truc, c’est qu’il y en a pour trois semaines ! Et c’est venu d’un coup : sortir de la nasse anticyclonique n’a certes pas été aisée, mais si c’est pour se dire que l’atmosphère ne va pas s’améliorer avant des jours et des jours, c’est difficile à imaginer. Bon, c’est sûr qu’il n’y a pas un endroit au monde où les lumières sont aussi magiques : au loin, le continent glacé réfléchit un soleil encore caché que les cumulonimbus n’arrivent pas à couvrir. Ce n’est certes pas encore la tempête, mais tout de même. Il y a du souffle et dans ces mers du Sud, la densité est telle que la moindre rafale a des allures de tornade.
Mais cela n’empêche pas d’allumer sérieux : à plus de dix-sept nœuds de moyenne, le retard pris dans les méandres anticycloniques est en train de fondre. Devant, Charlie Dalin (Apivia) n’a finalement pas pris la poudre d’escampette, bien au contraire. Obligé de remonter jusqu’au 38° Nord, il va devoir négocier les gyres océaniques qui sévissent au Sud de Bonne-Espérance. Bien plus que le groupe des poursuivants qui s’accroche avec six compères dans la roue de Thomas Ruyant (LinkedOut), un peu moins rapide avec son foil bâbord tronqué…
Car derrière, la pression devient de plus en plus forte : Jean Le Cam (Yes We Cam!) tient tête à quatre foilers qui ne peuvent probablement pas donner toute la puissance possible avec une mer de moins en moins rangée : il reste une houle de Nord-Ouest dans une brise de Sud-Ouest et l’anticyclone de Sainte-Hélène a des velléités à se glisser sous l’Afrique du Sud. Alan Roura (La Fabrique) en sait quelque chose, lui qui s’est fait rattraper par les hautes pressions et galère au large de Tristan da Cunha ! Alors que Clarisse Crémer (Banque Populaire X) s’est fait franchement ralentir dans la nuit en passant sous les reliefs de l’île de Gough et avec Romain Attanasio (PURE-Best Western Hotels & Resorts) dans son Est, la jeune skippeuse a tout intérêt à piquer rapidement vers le Sud-Est pour ne pas se faire phagocyter par les hautes pressions.
En attendant Godot… et la deuxième dépression australe !
Et si Stéphane Le Diraison (Time for Oceans) voit enfin le bout du tunnel avec une brise de Nord bienvenue après les calmes qu’il a subi ces derniers jours, derrière cela commence à obliquer : Arnaud Boissières (La Mie Câline-Artisans Artipôle) fut le premier à pousser la barre avec l’objectif de contourner la bulle du côté du 35° Nord, avec dans son sillage, trois compères (Cousin-Costa-Hare) et un foiler sur sa hanche. Armel Tripon (L’Occitane en Provence) va certes plus vite dans ces conditions plus actives, mais le Nantais aura tout de même du mal à suivre cette nouvelle dépression australe qui se déplace fort vite et pourrait même mettre en ballotage certains leaders d’ici trois jours, entre Cape Town et les Kerguelen…
Enfin du côté du groupe de queue, le Japonais Kojiro Shiraishi (DMG MORI Global One) est en train de déborder Sébastien Destremau (merci) dans des alizés brésiliens plutôt Est. Cela fait aussi l’affaire de Jérémie Beyou (Charal) qui peut allonger la foulée au large de Recife et qui devrait revenir très fort ces prochains jours sur ce groupe qui navigue à plus de 2 500 milles du cap de Bonne-Espérance… Quand la « lanterne rouge » suffoque par plus de 28°C, les leaders dans les Quarantièmes Rugissants tremblent par 7°C ! Le différentiel n’est pas que temporel.