Catapulte vers un autre monde
Charlie Dalin (Apivia) accentue son avance en tête du 9e Vendée Globe, avec 300 milles d’avance sur Thomas Ruyant (LinkedOut) et 370 sur Jean le Cam (Yes We Cam!). Derrière, les chasseurs voient leurs routes en passe de converger tandis qu’ils rejoignent le 40e parallèle Sud, où rugissent la mer et les vents. Le pari de Louis Burton (Bureau Vallée 2), posé sur la table en début de semaine, sera-t-il payant ?
Sans nourrir particulièrement la culture du secret, Louis Burton vit caché. A terre, il a son antre dans la Bretagne de là-haut, du côté de Saint-Malo, loin du cœur battant de la course au large qui souffle entre Lorient et Port-la-Forêt ; loin donc des rendez-vous organisés par les deux grandes écoles fréquentées par une bonne partie des skippers de la classe IMOCA, chez Christian Le Pape, faiseur de champions du Pôle Finistère Course au large, ou chez Tanguy Leglatin dans la « capitale » du Morbihan.
Dans son coin aussi, Louis a peaufiné son bateau, Bureau Vallée 2 (l’ex-Banque Populaire avec lequel Armel Le Cléac’h a remporté le Vendée Globe 2016) dans l’intimité de l’écurie de course au large qu’il dirige avec son épouse, Servane Escoffier.
Dans son coin enfin, Louis Burton a peaufiné son coup tactique, en assumant la prise de risque. Il a travaillé le franchissement de l’anticyclone de Sainte-Hélène à sa façon. Calé dans le groupe des chasseurs jusqu’à lundi matin, il a plongé plein Sud (avec une rasade d’Ouest), pour partir en premier braconner les conditions de son accélération.
Une belle option pour quels bénéfices ?
Cinq jours plus tard, l’heure de relever les casiers a sonné. S’il est encore pointé à la 8e place, à 550 milles de la tête, il caracole actuellement très au Sud, déjà paré à recevoir le flux de la première dépression qui va propulser les solitaires vers le cap de Bonne-Espérance, avec une route un poil plus courte que l’escadron positionné dans son Nord.
D’ici dimanche, on saura dans quelle mesure « l’effet catapulte », dans lequel le skipper a misé – et dans lequel s’est également engouffrée Sam Davies – aura été payant.
« Il y a eu quelques jours de tricotage dans le petit temps pour jouer cette option un peu différente, résumait-il ce midi dans l’émission Vendée Live. Je voulais anticiper la rotation de l’anticyclone. C’est parti depuis hier soir. J’espère que les jours à venir vont payer et que les places (pour moi, ndlr) vont remonter, pour me faire entrer dans l’Indien en bonne position. Cela aidera encore plus pour le moral, même si tout va bien ».
Le travail n’a pas manqué à bord de Bureau Vallée 2 : pendant la pétole qui a encalminé toute la tête de course pendant quelques heures, Louis a sorti la trousse à outils. « J’en ai profité pour gérer les petits problèmes liés aux quinze premiers jours de course, dont une cloison structurelle à l’avant, que j’ai explosée lors du 2e front. J’ai eu d’autres soucis, dont des choses sur le vérin de quille ».
Paré pour un mois de guerre psychologique ?
Déjà, la vie a changé à bord pour les femmes et hommes de tête. L’air a fraîchi, et le bateau cavale à 29 nœuds dans un flux de Nord. Les 25 degrés et les coups de mou sont déjà de l’histoire ancienne. « Ce break a été bon, parce que les foilers sont invivables dès que ça va vite. On est parti pour trente jours de très grande vitesse, il va falloir réussir à se reposer, ce qui n’est pas évident ; on va se déplacer à quatre pattes, avec des coups de frein intempestifs qui ne sont pas évidents et de l’eau en permanence sur le bateau. Pour ceux qui jouent à l’avant, c’est déjà le début de la bagarre, un vrai combat psychologique durant le mois qui vient, jusqu’au cap Horn ».
Dans son sillage, Sam Davies (Initiatives-Cœur) se prépare au changement de vie : « C’est parti maintenant, on est sur le tapis roulant ! Je me dis que c’est peut-être la dernière fois que je vois le ciel bleu avant un moment, car dans le Sud, c’est assez rare. Les panneaux solaires chargent à bloc, je vais passer un peu de temps dehors pour emmagasiner de la vitamine D avant le Sud ! ».
Même ambiance chez Kevin Escoffier (PRB), 5e de la flotte sur une route un poil plus conventionnelle : « On va ‘changer de monde’ à partir de demain. On va être en avant du front, il va falloir aller vite pour y rester le plus longtemps possible. Il va falloir savoir où empanner par rapport à ce front pour se placer par rapport à la dépression qui est annoncée pour le 1er décembre. Là, ça va cogner un peu plus, j’ai des vents prévus à plus de 40 nœuds avec de la mer sur les fichiers. J’ai ‘cleané’ le bateau pour me préparer à ce changement de monde, avec les Quarantièmes et l’océan Indien qui se profilent. La prochaine douche ce sera sans doute avec la bouilloire ! »
On (n’)allait (pas) oublier
- Au classement de 15h00, heure française, Charlie Dalin (Apivia) mène la flotte à belle cadence (21,3 nœuds sur les quatre dernières heures). Il compte 300,9 milles d’avance sur Thomas Ruyant (LinkedOut), 370 sur Jean le Cam (Yes We Cam!) et 470 sur le groupe mené par Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) qui s’est glissé devant Kevin Escoffier (PRB).
- Ross Daniel a officialisé les nouveaux travaux menés sur HUGO BOSS par Alex Thomson au petit matin. Tandis que la flotte avançait à plus de 15 nœuds, le bateau noir a trottiné à moins de dix nœuds pendant quelques heures. Au menu, un renforcement des réparations effectuées récemment « afin d’augmenter les facteurs de sécurité avant qu’il n’entre dans l’océan austral » a précisé le directeur technique d’Alex Thomson.
- Isabelle Joschke a fini les réparations sur le balcon arrière de son MACSF. Il avait été embarqué par le mouvement brutal de l’écoute de son gennaker après qu’une poulie eut cédé.
- Ce matin, Thomas Ruyant (LinkedOut) a coupé son foil endommagé (bâbord).