Faute de vent, personne n’est vraiment allé très vite, dans la nuit de mercredi à jeudi. Si la plus rapide a été Isabelle Joschke (MACSF), entre le dernier classement d’hier et le premier de ce jour, avec un tempo à 16,6 nœuds, une grosse partie de la flotte a patienté, pagayé, et s’est recalée.

Attardons-nous sur les chiffres, quelques instants, et prenons appui sur la comparaison entre vitesse et VMG, soit la vitesse de rapprochement au but, l’optimisation de la route, en somme.

Le champion toutes catégories de la soirée s’appelle Charlie Dalin (Apivia), qui a réussi la prouesse d’aligner à la virgule près sa vitesse de déplacement et sa VMG. Une moyenne sidérante de 4,1 milles pour une route pas si linéaire puisque le leader normand, mais pas dormant, a posé quatre manœuvres sur sa trajectoire alignée au Sud-Est dans un vent de Sud. Pas de quoi se relever la nuit. Enfin, si, mais pas sous le coup de l’extase. Ces petits pas doivent permettre à Charlie Dalin d’échapper à la bulle anticyclonique qui fond sur la tête de la flotte dans un avenir relativement proche.

À 1,2,3 Soleil, Charlie Dalin n’a pas beaucoup perdu puisque ce n’est guère allé plus vite aux alentours. Thomas Ruyant, 2e, a signé une moyenne supérieure d’un nœud, avec un poil d’efficience en moins en VMG (5,1 nœuds vs 4,9 en VMG). Au petit jour, 85 milles séparaient LinkedOut d’Apivia.

Jean Le Cam (Yes We Cam!) a avancé à 7,8 nœuds, 349,4 milles plus loin, avec une très bonne vitesse de rapprochement (7,6 nœuds). À l’inverse, Kevin Escoffier (PRB), qui a choisi de foncer plein Sud pour passer à l’arrière de la bulle anticyclonique, a progressé à 13,6 nœuds, pour une vitesse de rapprochement de 3,6 nœuds.

Tout le groupe de chasse a l’étrave pointée en direction de l’Antarctique, et cela se voit sur la confrontation des deux données. Dans ce peloton, Sébastien Simon a avancé avec 15,2 nœuds de moyenne, pour une VMG de 5,5 nœuds. Ainsi, le skipper de ARKEA PAPREC a parcouru 106,7 milles entre 22 heures et 5 heures du matin pendant que Charlie Dalin bougeait de… 28,5 milles. Whaou !

« Je n’ai pas beaucoup dormi, avec ce vent instable et irrégulier, grinçait Sébastien Simon ce matin. Le fait que je n’aie que le mode compas pour caler mon pilote automatique n’aide pas à se reposer. Je suis obligé de regarder mes voiles tout le temps pour voir si elles sont au bon angle parce que, quand je suis au portant, la girouette du bas ne me donne aucune info. Je suis à l’aveugle, et je l’ai bien senti cette nuit quand j’ai fait un 360° ».

À son image, la tête de flotte n’a pas fini de grincer. Déjà pas très énervé, le vent devrait encore mollir dans la journée, le temps que passe l’anticyclone et que se présente la bordure. « Dès qu’on sera dans le Sud de l’anticyclone, se réjouit le skipper de ARKEA PAPREC, on va faire une bonne glissade dans la dépression australe, qui va nous emmener loin, peut-être jusqu’aux îles Kerguelen. Il va falloir rester concentré pour ne pas louper ce train. Si on le manque, on se prendra un anticyclone qui nous contraindra à repartir avec un système de retard ».

S’il regrettait d’avoir été « un peu conservateur dans mon choix stratégique », en optant pour une position médiane entre celles des « orientaux » Jean Le Cam et Kevin Escoffier d’une part, et les « occidentaux » Louis Burton (Bureau Vallée 2) et Sam Davies (Initiatives-Cœur) d’autre part, Seb Simon voit déjà comment les positions vont évoluer dans les prochains jours : « Sam et Louis vont passer devant moi ; j’espère que je monterai dans le train devant le groupe de l’Est ».

Isabelle Joschke la plus rapide

Avec une moyenne de 16,6 nœuds dans la nuit et une VMG de 8,6 nœuds, Isabelle Joschke (MACSF), 15e, a signé les meilleures perf’ de la nuit. Ses 115,9 milles avalés lui ont permis de raboter 20 à 30 milles sur son décalage avec Giancarlo Pedote (Prysmian Group), 13e, et Benjamin Dutreux (OMIA – Water Family), 11e et qui fait preuve de la même acuité dans sa lecture de la route.

Notons, en vrac, qu’Armel Tripon (L’Occitane en Provence) a réparé sa pénalité de quatre heures hier et qu’il n’a donc pas encore rattrapé son retard sur son premier groupe-cible (Pip Hare, Manuel Cousin, Didac Costa), et que Clément Giraud en a enfin ter-mi-né du pot au noir. « Quelle aventure ça a été ! Ce qui est bizarre, c’est qu’en arrivant au 10° Nord, le début présumé du pot au noir, les fichiers me disaient que ça allait passer nickel. Et, en même pas six heures, tout s’est dégradé, et ça a été hyper long. J’ai réussi à rester zen, étonnamment, jusqu’à hier, fin d’après-midi. Là, j’avais le bon angle, le bon vent et la bonne houle – c’était nickel – et, d’un coup, de gros nuages se sont mis en travers de ma route. J’ai dû faire 30 virements de bord pour leur échapper ! J’avais l’impression d’être dans une chambre plongée dans le noir, cherchant sans la trouver la porte pour aller faire pipi sans réveiller personne ».

28e au petit matin, Clément Giraud (Compagnie du Lit – Jiliti) a été le 28e à entrer dans l’hémisphère Sud cette nuit. Il ne reste, dans l’hémisphère Nord, que Sébastien Destremau, Kojiro Shiraishi et Jérémie Beyou, à qui l’on souhaite un hémisphère Sud flamboyant, aux vents bien établis. Toute cette patience déployée mérite gratification.

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