Au cœur de la moiteur du Pot au Noir, dans leur habitacle étouffant ou sur la danse brésilienne effrénée à laquelle se livre la tête de course, cette journée s’annonce chaude pour toute la flotte du 9eme Vendée Globe. Alex Thomson, toujours en pôle position à la latitude de Salvador de Bahia, mais d’une courte tête devant Thomas Ruyant, est aussi le plus décalé dans l’ouest. Il est clair que les stratégies se mettent en place pour rejoindre le cap de Bonne Espérance. L’enjeu est de taille : la météo dans l’Atlantique Sud se montre d’humeur chiffon.

14 IMOCA naviguent désormais dans les alizés de l’hémisphère Sud, 14 skippers bienheureux d’avoir été épargnés par la Zone de Convergence Intertropicale et de glisser maintenant à belle vitesse le long des côtes brésiliennes. Un particulièrement : « J’ai bien avancé depuis 24h, j’ai repris du terrain, je suis super heureux d’avoir raccroché le wagon ! » confiait ce matin à la vacation de 5h Sébastien Simon. Le skipper d’ARKÉA PAPREC ne croit pas si bien dire : il est le plus rapide de la flotte avec 507,3 milles engloutis depuis 24h. A entendre le bruit de fond à l’autre bout du fil, son foiler semblait ce matin cavaler à vive allure, cognant parfois les vagues, volant à plus de 22 nœuds sur une mer formée. Mais le marin n’en avait visiblement cure : « J’ai bien dormi, je me suis mis des bouchons dans les oreilles, je vais d’ailleurs y retourner ! » racontait-il la voix claire. Sébastien, 10e ce matin, compte bien continuer sur la lancée : il trace sa route à 20 milles du tableau arrière de Sam Davies (Initiatives-Cœur), toujours sans girouette, donc sans donnée de vent.

Orages, oh désespoir !

Pour Stéphane Le Diraison entré dans le Pot au Noir hier soir, ce n’est pas la même chanson. Encalminé dans la Zone de Convergence Intertropicale, le skipper de Time for Oceans mange son pain noir et se gratte la peau irritée par le sel et l’humidité ambiante. « C’est dingue, il fait une chaleur étouffante. Je slalome entre les nuages et les orages. Je soupçonne le Pot de se refermer sur moi. Je ne vais pas avoir la chance des premiers, je m’y vois encore bloqué pendant une quinzaine d’heures » racontait le skipper de Time for Oceans ce matin. Philosophe et adepte des bons mots, Stéphane parle de patience et décrit le ciel comme un feu d’artifice. « Juste un moment à passer » ajoute le solitaire qui navigue en cavalier seul, entre deux « paquets » : à 150 milles de La Fabrique (Alan Roura) et à 260 milles de One Planet One Ocean (Didac Costa).

Plus haut, au Cap-Vert, tandis que Nicolas Troussel a été rejoint par son équipe à Mindelo, 7 IMOCA filent vers le Sud, dont Clément Giraud sur son plan Farr de 2007. « Ca y’est je prends la mesure de mon bateau, j’ai quelques soucis de pilote automatique, mais je me sens de plus en plus serein. J’ai quand même l’impression que le pot ne sera pas folichon, je m’en méfie ! ». Ici aussi, la régate bat son plein. « Je n’avais pas regardé les classements depuis 4 jours pour ne pas me mettre de pression. J’ai vu ce matin que j’étais dans le coup avec mon groupe de bateaux, c’est bien, cela me donne de l’énergie » confie le skipper de Compagnie du Lit – Jiliti. Une énergie qui doit manquer cruellement à Jérémie Beyou, bien seul au grand large des côtes portugaises, à 3 000 milles de là où il devrait être…

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