Jeu de l’élastique, air d’accordéon… quelque soit la formule, elle illustre bien la physionomie de cette troisième étape de La Solitaire du Figaro en son troisième jour de course. Au joli coup réalisé par des partisans d’une route sous Molène, Eric Péron (French Touch), Benoît Hochart (La Chaîne de l’Espoir) et Armel Le Cléac’h (Banque Populaire), grandement motivés par la crainte de la renverse du courant dans le Fromveur, et l’impérieuse nécessité de se démarquer du peloton leader, a succédé les caprices d’un vent à l’établissement perturbé par l’arrivée à la pointe de Bretagne d’une zone anticyclonique. En sa partie Ouest, le vent de Nord, en prenant un peu d’Est a favorisé les leaders du matin, au sein desquels on retrouve les incisifs Yann Eliès (Groupe Quéguiner – Leucémie Espoir), Tom Laperche (Bretagne CMB Espoir), Xavier Macaire (Groupe SNEF) et Sam Goodchild (Leyton). Yann Eliès était en toute fin d’après-midi le premier à franchir la marque figurée par la bouée cardinale Occidentale de Sein, avec 6 minutes d’avance sur son concurrent Britannique, et à entamer les 123 derniers milles vers l’arrivée.

Péron – Le Cléac’h, les opportunistes

On retiendra de cette étape, entre moult péripéties, le remarquable coup plein d’opportunisme joué ce matin par deux retardataires, Eric Péron et Armel Le Cléac’h, qui décidaient, alors que le peloton leader se laissait glisser dans l’ouest sous Ouessant, de piquer plein sud entre les îles de Trielen et Quéménès, vers la marque de Sein. La crainte de la renverse du courant du Fromveur et le retard déploré à ce moment de la course auront certainement poussé les deux expérimentés navigateurs à tenter le diable. Ce coup magistral relance naturellement les spéculations de victoire finale pour le skipper de Banque Populaire. Et parmi les navigateurs inspirés par cette belle option, on retrouve un peu sans surprise des garçons comme Adrien Hardy (Ocean Attitude), mais aussi Nils Palmeri (TeamWork), en passe lui aussi d’asseoir son leadership au classement envié des bizuths. Benoît Hochart (La Chaîne de l’Espoir) qui a « pris la roue  » d’Armel dans le franchissement de ce col hors catégorie, pourrait lui aussi toucher à Saint-Nazaire les dividendes d’une belle inspiration. Le Fromveur et Ouessant désormais dans les tableaux arrière, ils ne sont pas moins de 20 solitaires à se tenir dans un petit écart de 5 à 6 milles, alors que plus de 130 milles les séparent encore de l’arrivée en Loire-Atlantique. Autant dire que la valse des leaders et les retournements de situation n’ont pas fini d’émailler cette étonnante troisième étape.

Calamités

Les Solitaires ont cumulé en 24 heures la totalité des calamités redoutées par tout navigateur en course, l’absence de vent, avec un anémomètre proche de zéro en fin de nuit, une brume épaisse, à ne plus voir le balcon avant des Figaro Bénéteau 3, la proximité invisible mais parfois sonore des adversaires, dont on ne sait ni le tempo, ni l’allure ou la direction, et ces algues ! Ah ces algues. Francis Le Goff, directeur de course, a arrêté de compter le nombre d’appels reçus des marins désireux d’obtenir l’autorisation de faire marche arrière pour se dégager, plus de 250 ce matin. « Question algues, on a ratissé grave ! » avoue Loïs Berrehar (Bretagne CMB Performance). J’ai évité de faire des marches arrière. Je les enlève à la corde à nœuds car j’ai casé ma canne à algues. » Même tonalité chez Tanguy Le Turquais (Groupe Quéguiner – Innoveo), passé in extremis avant la renverse du courant dans le Fromveur : « Je n’ai jamais vu autant d’algues. J’ai rétrogradé au classement à cause de cela. Le vent est rentré après le four. J’ai fait marche arrière sans moteur, à la voile et toutes les algues sont parties ! »

ETA entre 9 heures et 13 heures mercredi

Le passage à niveau figuré par la renverse du courant sous Ouessant ne sera en définitive retombé que devant deux concurrents attardés, Elodie Bonafous (Bretagne CMB Oceane) et Marc Mallaret (CER Occitane), deux bizuths relégués à plus de 15 milles. Dans ce registre des jeunes premiers, on note la belle application de Kevin Bloch (Team Vendée Formation) et surtout Robin Follin (Ville de Sainte-Maxime) seul coureur à être passé au nord d’Ouessant pour un intéressant décalage dans l’ouest au plus loin des centres dépressionnaires déventés. Alors qu’une zone anticyclonique s’installe sur l’Ouest Finistérien, un petit flux de secteur Nord appelé à prendre de l’Est se fait doucement sentir, laissant préjuger d’une descente en ligne directe pour toute la flotte le long des rivages de Bretagne-Sud. Un bord de vitesse pure mais au petit trot pour une arrivée envisagée mercredi matin selon les routages.

Eric Peron (French Touch)

« Revenir dans le match après 16 milles de retard, c’est cool, c’est parfait d’être dans le groupe de tête. J’ai été chanceux. Il faut être attentif au bulletin météo de ce soir, (les coureurs reçoivent par VHF deux bulletins météos de Météo Consult lu par le Directeur de course, un à 9 heures et l’autre à 21 heures ndlr) mais après ce devrait être tout droit. A chaque quart d’heure près, ton option se dessine pour toi. Cela ne me plaisait pas de suivre les autres. On prévoyait du Nord-Ouest, ce qui faisait un meilleur angle pour la descente mais en définitive, c’est le Nord-Est qui se met en place et c’est mieux pour le groupe de l’ouest. Cela aurait pu être plus payant pour moi. Benoît Hochart a emboité le pas derrière moi et Armel a vu que cela n’allait pas le faire et il s’est remis dans le coup comme moi. »

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