A Fred Duthil l’étape marathon !
Au bout du suspens, au bout de l’effort, au bout de l’ultime coup de théâtre, Fred Duthil (Technique Voile / Cabinet Bourhis Generali) s’adjuge la mémorable 3e étape entre Dunkerque et Saint-Nazaire de cette Solitaire du Figaro 2020. La chance, sûrement, la pugnacité, certainement, le talent, évidemment se sont additionnés pour offrir au marin le plus expérimenté de la flotte (46 ans) une victoire qui restera dans les mémoires, tant fut incertaine la lutte, tant fut détonant le scénario, tant fut versatile le fil d’une course imprévisible au plus averti des prévisionnistes. Coups de théâtres et retournements de situation ont ainsi scandé avec une trépidante régularité les 492 milles théoriques du parcours, émaillés de pas moins de 45 changements de leaders, et d’un jeu permanent de chaises musicales au classement général provisoire qui voyait Armel le Cléac’h (Banque Populaire) tantôt asseoir son leadership, tantôt être expulsé avec pertes et fracas de son si provisoire trône.
Les espoirs déçus de Yann Eliès
Ils sont nombreux ce soir les navigateurs solitaires à maudire Eole et ses imprévisibles caprices. Yann Eliès (Quéguiner Matériaux – Leucémie Espoir) est de ceux-là, auteur « à la pédale », au talent et à la ténacité d’un avantage que d’aucuns croyaient décisifs. Point n’en fut. Les nombreuses petites et grandes bulles déventées parsemées entre Groix et Belle-Ile allaient vite avoir raison d’un avantage pourtant un moment poussé à 5,2 milles sur le flamboyant Sam Goodchild (Leyton), grand animateur de l’étape, lui aussi. On ne peut passer sous silence la formidable étape réalisée par Xavier Macaire (Groupe SNEF), en permanence aux avant-postes et certainement guère payé de retour au regard des efforts engagés.
Armel, tel un phœnix
Le skipper de Banque Populaire, Armel le Cléac’h, est passé par toutes les couleurs de l’espoir et du désarroi. Peu en vue jusqu’à Molène, il semblait subir l’épreuve, bien au chaud non loin des leaders, avant de frôler la correctionnelle en ratant la renverse du courant dans le Fromveur. Son bord salvateur plein sud à travers le chenal du Four le portait aux avant-postes, et on croyait un moment à un nouveau coup de génie. Mais la grande vedette des dernières 24 heures restera jusqu’au bout l’anticyclone, qui en gonflant le long des rivages de Bretagne Sud, allait toute la journée redistribuer les bons de sortie. Celui d’Armel se bloquait au bout de quelques heures et Yann Eliès pouvait de nouveau croire en ses chances.
Adrien Hardy le dynamiteur !
L’atterrissage au petit matin au Nord de Belle-Ile plongeait la direction de course dans un abîme de perplexité. Aucun fichier météo ne venait justifier le calme blanc avachi devant les étraves des 33 Figaro Bénéteau 3. Point homme à se laisse dicter sa route, Adrien Hardy (Ocean Attitude) avait, depuis quelques heures, décidé de jouer son va-tout. Il se laissait glisser seul dans l’Ouest de Belle-Ile, vite imité par deux retardataires au destin alors bien occulté, Marc Mallaret (CER Occitanie) et Fred Duthil. Ces deux hommes contournaient habilement la bulle qui emprisonnait un moment le skipper d’Ocean Attitude, et allongeaient la foulée dans le vent de Nord-Est en voie d’établissement. La route vers Saint-Nazaire s’ouvrait pour ces rescapés quelque peu miraculeux d’une étape marathon de plus de 4 jours. Point de salut cependant entre Houat et Hoëdic, qui voyaient l’effondrement des espoirs de Yann Eliès. Les actions de Banque Populaire repartaient à la hausse. Armel Le Cléac’h, inspiré et accrocheur sentait le bon filon et plongeait au Sud-Ouest s’abreuver à la source des leaders, sauvant son fauteuil de leader pour une dizaine de minutes.
Marc Mallaret, un bizuth sur la deuxième marche du podium !
Marc Mallaret, (CER Occitane), en suivant Fred Duthil dans l’ouest de Belle-Ile, voit lui aussi son option osée payée de retour avec cette belle deuxième place. Marc avait talonné à Guernesey dans les cailloux. Pour sa première expérience sur la course, il signe une très belle troisième étape.
Ils ont dit :
Fred Duthil : Un scenario dingo !
« Jamais je n’aurais parié sur cette victoire ! Tout a été compliqué, cet après-midi, toute l’étape. Le début de course a été difficile, plein d’incertitudes, de molles et de changements. La nuit en Bretagne Nord a été horrible, avec ces algues omniprésentes. Passé Ouessant, j’étais très fatigué et je me suis assoupi durant une heure. Mais je me suis dit ; « On ne sait jamais, il y aura des coups à jouer ! » Dès Penmarc’h, étant derrière, je me suis dit qu’il fallait passer sous Belle-Ile. Je craignais fortement les dévents de l’île au petit matin. On en avait parlé avec Christian Dumard. J’ai bien fait de l’écouter ! Si jamais j’avais été devant, je ne l’aurais pas fait. Mais là, ça valait le coup de tenter. J’ai cru en cette option. J’ai scruté l’horizon à la jumelle et j’ai compris que j’étais devant. Je suis ensuite tombé dans la molle un moment et j’ai craint que cela revienne par derrière, mais ça a tenu ! Cette victoire est inespérée. Je n’avais navigué que 4 jours avant le départ sur ce bateau prêté par Charles Caudrelier. Je suis venu un peu sur un coup de tête. J’ai fait deux belles premières étapes et j’ai vu que je n’étais pas hors sujet. Je ne pense pas au général, je suis heureux de ce succès ».
Adrien Hardy : Content de mon coup
« Oui ! Je suis content de mon coup. Un peu surpris de voir deux bateaux me dépasser. Je suis tombé dans une bulle et Marc et Fred m’ont contourné. Il y a eu du bien et du moins bien durant quatre jours. Je me suis raté à Guernesey. Content que cela ait bien fonctionné sous Belle-Ile ».