Au terme de deux des quatre étapes du programme de cette édition 2020 de La Solitaire du Figaro, ils sont un certain nombre à profiter de la belle escale Dunkerquoise pour soigner les maux que les vagues infligent à l’âme. Loin des espérances souvent légitimes de podiums, ils constatent à mi-parcours l’éloignement de leurs objectifs, et en déroulant le fil de leurs errements, reconstruisent au moral et à l’expérience, l’édifice de leurs ambitions. Eric Péron (French Touch) 25e au général, Adrien Hardy (Océan Attitude) 21e, Achille Nebout, (Be Green Ocean) 27e, mais aussi Alberto Bona (Sebago) 19e ou Benoît Hochart (La Chaîne de l’espoir) 32e, partagent au pays de Jean Bart la même dichotomie, entre l’oubli de la déception, et l’introspection nécessaire au retour de leurs ambitions.

« Je ne suis pas venu prendre des roustes ! »

Eric Péron n’est pas homme à se chercher des excuses. « J’ai pris de mauvaises décisions au départ et ai perdu le fil de la météo et de ma stratégie », lâche-t’il. La sentence est sèche, sévère, sans atermoiement. Et de poursuivre : « C’est clairement un problème mental. Je n’ai pas bien préparé l’étape. Ça a été une petite claque derrière la tête. J’y remédie en bossant tous les scenarii de la prochaine étape. Il me faut retrouver le fil de mes gammes, en mettant les choses dans l’ordre, renouer avec la sérénité pour prendre les bonnes décisions ». L’analyse sans concession d’échecs assumés est aussi une des qualités induites du navigateur solitaire en monotype. A peine arrivé, qu’il faut remettre l’homme et la machine en état, en capacité de trouver ce supplément d’âme, cette grâce qui habite aujourd’hui un marin de la trempe d’Armel Le Cléac’h (Banque Populaire). « Je suis très admiratif d’Armel » insiste Achille Nebout. « La confiance qui l’habite le met en phase avec les éléments et son bateau. On a l’impression que rien ne peut lui arriver. Cette Solitaire constitue ma 5e course seulement en solo. Je m’y sens bien. C’est totalement différent de ce que j’ai connu en Olympisme. Il faut travailler dur, avec humilité ».

Et de partager avec Péron la même approche sur le chemin de la rémission : « On établit des plans en fonction des incertitudes météo à venir », explique le skipper de French Touch. « Le jeu est d’identifier le scenario en train de se dessiner. Il faut se poser les bonnes questions et interpréter les choses dans l’ordre, adapter sa stratégie en conséquence. Mais quand on veut gagner, on veut être au meilleur endroit, et quand le scenario est indécis, il faut être moins ambitieux, un peu mouton. J’ai manqué de certitudes, et j’ai adapté un mauvais scenario à la situation. On voit le résultat au classement ».

Des algues, un spi déchiré à chaque étape, Achille Nebout poursuit son apprentissage. « Passée la frustration, je ne retiens que le positif, une bonne vitesse au reaching, de belles trajectoires, et ce rythme de vie si particulier à La Solitaire, quand on tutoie les bornes de sa résistance physique ».

Le plaisir, quand même…

Car ne nous y trompons pas, au-delà de ces vicissitudes, le plaisir, la satisfaction souvent simple et primaire du marin seul sur l’eau, ressurgit très vite, passée la première nuit réparatrice à terre. Adrien Hardy pointe loin de ses objectifs. Et pourtant : « J’ai pris beaucoup de plaisir sur cette étape. J’ai aimé son intensité, le fait de se pousser dans ses derniers retranchements, au bout de la fatigue, jusqu’à l’épuisement. Ce sont de belles sensations, tant qu’on n’a pas de regret sur l’investissement qu’on a mis dans ses choix. J’ai forcément des regrets par rapport au classement car j’avais coché cette étape. Mais je reste déterminé pour la suite, pour une toujours possible victoire. Il m’a manqué pas mal de petites choses, un peu de chance aussi dans la pétole. Je n’ai pas toujours été présent dans les placements de la deuxième étape, et de gros paquets d’algues m’ont ralenti ».

Ambition, toujours…

Une nouvelle étape s’avance, nouveau morceau de bravoure dans l’implacable exigence de La Solitaire. Reposés, aux bons soins des kinés de la course, les marins basculent avec une étonnante rapidité dans la réalité des efforts à venir, et dans la nécessité de reprendre les rênes de leurs aspirations : « Je reste ambitieux » martèle Eric Péron. « Rien n’est joué. Je veux me prouver quelque chose à moi-même. Je ne prends du plaisir que quand ça marche. Je ne suis pas là pour prendre des roustes ».

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