Suspense droit devant ! Cette nuit sera cruciale pour les leaders de la Vendée-Arctique-Les Sables d’Olonne. Charlie Dalin, Jérémie Beyou et Thomas Ruyant vont aborder les premiers une vaste étendue de vents faibles. Le point virtuel Gallimard qu’ils devraient virer demain matin (vers 7h00, heure française) est situé au milieu d’une dorsale. Un scénario favorable à de énièmes rebondissements au sein de ce trio en quête de gloire.

Comme des Sisyphe

Dans la mythologie grecque, Sisyphe, fils d’Eole, est condamné par les Dieux à pousser un lourd rocher au sommet d’une montagne, d’où le rocher finit toujours par tomber. Une épreuve vaine et sans fin, parfois désespérante. Aujourd’hui encore, Charlie Dalin, Jérémie Beyou et Thomas Ruyant doivent se sentir comme des « Sisyphe ». Pensent-ils arriver au bout de leur peine et avoir atteint les cimes du classement, qu’il faut à nouveau recommencer.

En tête hier, Jérémie Beyou résume parfaitement la situation : « C’est dur parce qu’à chaque fois que je suis devant, le vent mollit. Forcément je m’arrête et les autres en profitent pour changer de direction derrière moi et je me fais dépasser. Hier soir, c’était carrément le regroupement général. Sur l’écran de mon ordinateur, on était 10 bateaux agglutinés. Alors la bagarre est sympa, c’est sûr, mais j’ai bien peur que tout ça ne serve pas à grand chose au regard des conditions qu’on va avoir à la marque Gallimard qui est placée pile sur la dorsale (excroissance anticyclonique) ». Ils y sont attendus demain, lundi 13 juillet, au petit matin.

Adieu Morphée

Charlie Dalin a donc pris les commandes cette nuit, mais de quelques longueurs seulement. Le pilote d’Apivia et celui de Charal sont à portée de jumelles. Connaissant leur sens aiguisé de la compétition, aucun des deux ne lâchera d’un mètre. Or, les conditions sont tellement instables dans ce bord de reaching vers la prochaine marque de parcours, que cette lutte est en train de se payer au prix fort : celui de la privation de sommeil. Légèrement distancé cette nuit (15 milles), Thomas Ruyant, lui, a succombé à l’appel de Morphée et s’est octroyé quelques sommes réparateurs. Joint à la vacation, le skipper de LinkedOut insistait sur ce dilemme : « Si je pouvais, je ne dormirais jamais. Ce sont des bateaux étalement exigeants à faire avancer que c’est dur de lâcher pour aller se reposer ».

Sera-t-il plus frais que ces prédécesseurs pour aborder la nuit prochaine la zone de vent faibles (5 nœuds par endroit) ? Pour l’instant, tout va bien. Thomas et ses compères mènent le bal, vent de travers à 20 nœuds de moyenne. Mais ce régime ne va pas durer. Dès la tombée du jour, il restera presque 100 milles à parcourir au cœur de la dorsale et le danger pourrait venir de toutes parts.

Série Noire au point Gallimard ?

Entraînée par Kevin Escoffier (PRB) et Samantha Davies (Initiatives-Cœur), littéralement bord à bord, la horde des poursuivants est survoltée. Boris Herrmann (Seaexplorer- Yacht Club de Monaco) et Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) ; Fabrice Amedeo (Newrest-Arts& Fenêtres) et Clarisse Crémer (Banque Populaire X) et plus loin, Maxime Sorel (V and B-Mayenne), Kojiro Shiraishi (DMG Mori Global ONE) et Giancarlo Pedote (Prysmian Group) sont tous embarqués dans des duels galvanisants.

Cette nuit, la traversée de la dorsale va favoriser leur retour et un énième regroupement. Pour les marins, le waypoint Gallimard ne sera pas propice à une pause lecture. Mais pour les spectateurs de la course, le suspense et les rebondissements prendront des airs de série noire… (rendez-vous ici pour découvrir les textes des skippers et écrivains)

Les quatre derniers concurrents ont encore quelques pages à écrire. Lorsque la tête de course abordera ce dernier point de passage demain, Arnaud Boissières, Manuel Cousin, Miranda Merron et Clément Giraud seront encore à la latitude du Fastnet.

Prévision d’arrivée aux Sables d’Olonne :

Les premiers sont attendus dans la nuit du 14 au 15 juillet et les derniers le 16 à la mi-journée.

ILS ONT DIT

Jérémie Beyou, Charal

« Tout ça, c’est le principe d’une course à la voile : on sait que tout peut arriver et que tout peut être remis en cause, mais là à chaque fois, ça recommence. C’est très caractéristique de cette course. Le problème, c’est que la bouée est sur une zone sans vent, sur le dernier tronçon. Les derniers feront une route plus directe et vont revenir sur nous. Dans les conditions que nous avons en ce moment – vent de travers -, on ne peut pas dormir. Le vent est hyper changeant avec une mer de face, pas agréable du tout. Il ne faut pas lâcher ne serait-ce que 10 minutes. Il faut bouger les voiles en permanence, régler l’équilibre du bateau. La course est vraiment intense. Ça remet les idées au clair ! Les habitudes du confinement derrière la télé et sur le canapé, ça change ! Le bateau tape on a une petite houle et un méchant clapot de face, on a du mal à relancer le bateau, on est à 80% de la polaire ».

Isabelle Joschke, MACSF

« Ce matin, ça va mieux, j’ai accusé le coup de ce qui s’est passé hier. Mais j’ai eu une bonne nuit de sommeil, j’en avais besoin. Le bateau est en sécurité. On n’avance pas très vite, mais on avance. J’ai bon espoir de terminer le parcours, et ça, c’est positif… Dans la malchance, je suis encore très heureuse. J’ai désolidarisé la grand-voile de la bôme. La bôme est posée sur le pont. J’ai re-hissé la grand-voile en utilisant des écoutes de gennaker qui reviennent à l’arrière comme une écoute de GV. La voile est à peu près bordée. Je l’ai hissée au deuxième ris. Les écoutes, les bouts, c’est un peu emmêlé, mais ça fonctionne. Ce n’est pas esthétique mais ça fonctionne et le bateau avance quand même pas mal.
Pour enlever la bôme, ça m’a bouffé de l’énergie… Il y avait aussi le choc émotionnel, la déception de la course qui s’arrête, la peur d’avoir plus de dégâts. Pour la manipulation, ce n’est pas évident car la voile est énorme, elle est très lourde et était coincée sous la bôme. Impossible de la décoincer, j’ai réussi au moment de la hisser.
Tout a été compliqué. Rien que de couper des petits bouts, c’était hyper physique. Hier soir, j’étais rincée, je ne pouvais plus rien faire… Il fallait que je me requinque.
Ce qui serait compliqué, ce serait d’avoir des vents instables ou très forts, ou carrément de la pétole, car il ne faut pas que la voile faseye. Je ne peux pas réduire, ni augmenter la voilure. Là, ma chance, c’est qu’il y a 15 nœuds. La météo est saine pour terminer le parcours : c’est sécure et ça me permet d’avancer. Je me suis éclatée jusque-là. J’ai retrouvé les joies de la compét’ que je n’avais pas eues depuis longtemps. Même si ça a été dur, ça a été un joli mélange. Ce n’est pas la première et ça ne sera pas la dernière ! »

Thomas Ruyant, LinkedOut

« J’ai dormi, c’était important pour moi… je n’avais pas beaucoup dormi depuis 48h, là, j’ai écrasé ce matin et ça m’a fait beaucoup de bien… Si je pouvais, je ne dormirais jamais. Ce sont des bateaux étalement exigeants à faire avancer en permanence que c’est dur de lâcher le bateau pour aller dormir. C’est vraiment un truc à bosser avant le Vendée Globe. Cette nouvelle génération de bateau, les foilers, si on n’est pas dessus, ça ne va pas. Ces dernières 48 h, il y avait beaucoup d’enjeu stratégique avec deux systèmes à négocier. Charlie a repris les rênes dans la nuit, mais nous sommes toujours au contact, la course n’est pas finie… Là, les conditions, c’est du 8/9 nœuds, c’est très très mou et je n’ai pas les voiles qu’il faut. Le bateau n’est pas fait pour ça. On a un peu de mer de face. Et c’est instable le vent, ça change beaucoup en force et en direction : ce n’est pas très drôle. Aujourd’hui, on devrait avoir un peu de vent pendant quelques heures, mais ça va remollir à Gallimard. Il y aura encore des regroupements…. Ce n’est pas encore très clair.
Si on n’est pas sur le bateau et dessus pour ajuster les réglages, on n’avance pas. C’est usant les variations de vent. Tiens, ça rentre en ce moment ! »

Classement du dimanche 12 juillet (16h00 HF)

17 skippers en course

  1. Charlie Dalin (Apivia) à 748,9 milles de l’arrivée
  2. Jérémie Beyou (Charal) à 1,6 milles du leader
  3. Thomas Ruyant (LinkedOut) à 15,8 milles du leader
  4. Kevin Escoffier (PRB) à 47,2 milles du leader
  5.  Samantha Davies (Initiatives-Cœur) à 48,4 milles du leader
  6. Boris Herrmann (Seaexplorer – Yacht Club de Monaco) à 73,5 milles du leader
  7. Yannick Bestaven (Maître-CoQ IV) à 79,4 milles du leader
  8. Fabrice Amedeo (Newrest-Art&Fenêtres) à 95,1 milles du leader
  9. Clarisse Crémer (Banque Populaire X) à 96,2 milles du leader
  10. Maxime Sorel (V And B- Mayenne) à 106,1 milles du leader

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