Trois avions de chasse et de la casse
Le trio infernal Beyou/Ruyant/Dalin s’est reformé au petit matin et ouvre la voie, pleine balle, en direction de la marque Gallimard. La régate est très intense dans chacun des groupes qui ont entamé une course de vitesse vers ce dernier point de passage. Sauf pour Isabelle Joschke victime d’une avarie ce matin.
Aux premières lueurs de ce 7e jour de course, Jérémie Beyou (Charal), Thomas Ruyant (LinkedOut) et Charlie Dalin (Apivia) ont reformé leur ménage à trois et mènent une valse endiablée, ajustant leurs pas au rythme des changements de régimes météo. Une chorégraphie parfaitement huilée faite de réduction de voilure, de matossage et de changement d’amûre qu’il a fallu exécuter en l’espace de quelques heures à peine. Vers midi, le trio avait viré après le passage d’un petit front et fait désormais route vers la marque Gallimard, cap au sud-est, à 15/20 nœuds de moyenne. « Ça va vite, ça navigue propre entre nous depuis le départ. Il ne faut pas faire d’erreur » commentait brièvement Jérémie cet après-midi, difficilement audible tant le vacarme à bord du bateau noir était assourdissant.
Un long bord de vitesse vers la marque Gallimard
Le skipper de Charal était le premier à pousser la barre ce midi et débutait en tête ce long bord tribord de presque 500 milles, où l’intensité de l’air semble très instable. Quelques minutes à peine après le changement de cap de Charal, Apivia et LinkedOut lui emboîtaient le pas, alignant leur sillage vers le même objectif : la gagne.
En début d’après-midi, PRB et Initiatives-Cœur suivaient le mouvement. Puis, c’était au tour de SeaExplorer-Yacht Club de Monaco et Maître CoQ IV. Aujourd’hui, à l’exception des quatre bateaux qui ferment la marche, plus à l’est, tout le monde est soumis au même régime : passage de front, virement et un nouveau bord de reaching adonnant vers la dernière marque de parcours de la Vendée-Arctique-Les Sables d’Olonne que les premiers devraient virer dans la nuit du 12 au 13 juillet.
Dans chacun des groupes qui se sont formés au fil de la course, la régate est intense. « Tout le monde est à fond et tire sur le bateau, bien plus que d’habitude » confiait Kevin Escoffier (PRB) cet après-midi. « On navigue vraiment à l’attaque. Ça donne des duels de vitesse très intéressants. Mais il est difficile pour nous de rivaliser avec les Formule 1 de devant. Ils ont un autre turbo que le nôtre. » Quoique… en cette fin d’après-midi, le peloton des poursuivants, positionné sous le vent des leaders, s’avérait bien plus rapide !
Isabelle Joschke privée de grand-voile
Ce matin, lorsque son chariot de têtière de grand-voile a rendu l’âme, Boris Herrmann a dû mettre son instinct d’attaquant entre parenthèses. Pendant plusieurs heures, Seaexplorer – Yacht Club de Monaco s’est retrouvé sous voilure réduite et à petite vitesse. Mais le skipper allemand a réussi à rétablir sa grand-voile au deuxième ris. En fin de journée, il était de nouveau dans le match.
Pour Isabelle Joschke, c’est plus sérieux. « Je suis toujours en course, ma déception est immense, mais je suis là pour l’expérience » déplorait-elle, émue, dans une vidéo envoyée en début d’après midi. Ce matin vers 9h00, la bôme de MACSF s’est brisée en deux, sans raison apparente. Pour le moment, la grand-voile est affalée sur le pont et la navigatrice franco-allemande progresse sous petite voile d’avant. Il va y avoir du travail à bord : désolidariser la bôme de la grand-voile. Ensuite, « il y a la possibilité de renvoyer deux ris sans utiliser la bôme », explique son team manager Alain Gautier. Isabelle Joschke n’a pas l’intention de jeter l’éponge : elle doit terminer la course pour se qualifier au Vendée Globe.
23%
Jusqu’à présent, « Isa » avait offert une très belle prestation à bord de son plan VPLP à foils de 2007, et joué régulièrement dans le top 6. Dans cet exercice exigeant de préparation au Vendée Globe, les quatre navigatrices en route vers les Sables d’Olonne sont en train de marquer les esprits. Elles représentent 23% de la flotte et elles sont sacrément dans le coup. À commencer par Samantha Davies (Initiatives-Cœur), qui démontre aujourd’hui toute son expérience et tout son savoir-faire en solitaire sur ce type de bateau, en jouant parmi les meilleurs.
Clarisse Crémer (Banque Populaire X), elle, est en train de passer brillamment son baptême du feu. Enfin, Miranda Merron tient la cadence, en bon marin, à bord de Campagne de France, un des monocoques les plus âgés de la flotte.
Il est rare, en sport, de retrouver des athlètes des deux sexes rivaliser sur une même ligne de départ et pour un même classement. Mais c’est le cas en course au large où filles et garçons sont mis sur un pied d’égalité. La promo féminine du tour du monde en solitaire s’annonce brillante…
ILS ONT DIT
Clarisse Crémer (Banque Populaire X)
« La mer est assez belle, avec 1,5m de houle, c’est chouette, ca tape un peu, il fait gris mais c’est plus lumineux que ces derniers jours. Il y avait une belle lumière hier soir et ce matin et ça fait du bien, ça fait partie des petites choses sympa qui requinquent.
Là, le vent s’est bien levé, on passe un petit front entre une dorsale et une dépression, on a entre 20 et 22 nœuds, ça tape un peu, on est à 70° du vent, au reaching. Ça commence à accélérer et c’est un peu sportif. J’ai le J2 à l’avant et ma grand-voile avec un ris. J’espère que ça va tenir comme ça, parce que pour être honnête, j’ai un peu la flemme d’aller prendre un deuxième ris. Ce n’est pas le plus difficile en soi, mais cela prend 20 minutes tout mis bout à bout. C’est juste que tu te fais brasser et tremper dehors !
C’est ma première course en solitaire. Je ne savais pas à quoi m’attendre au départ. J’ai mis du temps psychologiquement à me mettre dans la course, je n’étais pas très à l’aise mais plus ça va, plus je me sens bien, j’apprends plein de choses et je suis contente d’être dans le groupe avec Maxime et Fabrice. C’est exactement l’objectif que je m’étais fixé. Physiquement, j’en bave un peu, j’ai un petit problème de sommeil, j’ai du mal à me reposer notamment avant une grande manoeuvre. Je passe beaucoup de temps à la visualiser, à la prévoir, ce qui est bien pour ne pas faire les choses à l’envers, mais finalement, je passe ma journée à y penser, et ça me prend trop d’énergie. Il faut que je fasse attention à cela sur le long terme.
En ce moment, et parce qu’il y a du match, je fais des choses que je ne fais jamais en entrainement. Là, je fais des peeling, je change une voile pour une autre sans abattre, dans le virement, le fait d’être en course me donne une autre énergie.
Aujourd’hui, au menu, ce sera le passage de la dépression avec un virement de bord cet après-midi. Ensuite, ce sera un long bord tribord jusqu’à la marque Gallimard. L’objectif, pour moi, est de me reposer juste après le virement de bord, parce que je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit.Kevin Escoffier (PRB)
« Il y a déjà eu une grosse bagarre ce matin et là on attaque un bord qui va ressembler un peu aux bords d’alizé avec une mer pas terrible. Ça tape un peu, on est à 100 degrés du vent. A ces angles-là, il faut naviguer gîté, sur le foil, un peu comme en multicoque. Quand le son revient, qu’il y a une petite vibration, c’est le son du foil et là, on sait que c’est reparti, que ça fonctionne bien. L’objectif de ma journée, ce sera de dormir un peu car on a fait pas mal de manœuvres. Malheureusement le vent devait mollir et en fin de compte – je suis obligé de choquer – c’est l’inverse, ça forcit ! Donc voilà, ce sont les joies de la voile ! Mais c’est sympa, et normalement on va vers le soleil ! Et tout ça, ce sont de bons tests de vitesse. C’est la dernière opportunité que nous avons de fiabiliser ces bateaux et de faire des heures de navigation dans un même contexte et avec la même énergie que sur un Vendée Globe, voire même peut-être plus ici ! »
Classement du samedi 11 juillet (16h00 HF)
17 skippers en course
- Jérémie Beyou (Charal) à 1057 milles de l’arrivée
- Thomas Ruyant (LinkedOut) à 12.1 milles du leader
- Kevin Escoffier (PRB) à 14.7 milles du leader
- Charlie Dalin (Apivia) à 19.7 milles du leader
- Sam Davies (Initiatives-Cœur) à 22.4 milles du leader
- Boris Herrmann (Seaexplorer – Yacht Club de Monaco) à 41.5 milles du leader
- Yannick Bestaven (Maître-CoQ IV) à 62.3 milles du leader
- Maxime Sorel (V And B- Mayenne) à 74.5 milles du leader
- Clarisse Crémer (Banque Populaire X) à 75.9 milles du leader
- Giancarlo Pedote (Prysmian Group) à 80.8 milles du leader
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