Que d’enjeux sur la Vendée-Arctique-Les Sables d’Olonne !
Renouer avec la compétition et la vie au large, se qualifier pour le Vendée Globe… et éventuellement gagner, la Vendée-Arctique-Les Sables d’Olonne dont le départ sera donné le 4 juillet à 15h30, recèle mille enjeux.
Cette première édition, organisée pour remplacer la New York-Vendée-Les Sables d’Olonne qui aurait dû s’élancer ce 16 juin, constitue une étape essentielle pour les skippers dans leur préparation du tour du monde en solitaire qui partira le 8 novembre. Ce nouveau parcours exigeant et séduisant vers l’Islande et les Açores donne aussi à rêver dans un contexte très particulier. L’épreuve est en effet l’un des premiers événements sportifs à reprendre après le confinement et chacun a dû s’adapter.
En effet, la crise sanitaire et le confinement de deux mois ont fortement perturbé le planning des équipes sportives et c’est une première performance d’avoir 21 bateaux et skippers en configuration de course après ces péripéties, comme l’explique Jérémie Beyou (Charal) : « Il a fallu être capable de travailler différemment pour répondre à des objectifs sportifs qui restent identiques malgré un temps bien réduit. Tout était minuté de l’arrivée de la Transat Jacques Vabre fin 2019 au départ du Vendée Globe fin 2020 et il a fallu retravailler tout le calendrier. Mentalement, tu te prépares dans un plan très précis et remettre cela en question, alors que tu t’es programmé, ce n’est pas simple. »
S’amariner et s’acclimater
L’urgence prend de multiples formes. Il est urgent de mettre à l’épreuve les marins qui doivent apprendre à composer avec des machines de plus en plus puissantes, rapides, violentes, d’acclimater les corps à la mer et de leur permettre aussi de compiler, en dix-douze jours de mer consécutifs, des réflexes de navigateur solitaire. Pour Clarisse Crémer (Banque Populaire X), bizuth enthousiaste de la Classe IMOCA, l’étape est de taille. « La Vendée-Arctique-Les Sables d’Olonne sera ma première course en solitaire en IMOCA, ce n’est pas une petite étape ! Même si j’ai à cœur d’aller vite et de faire une belle trajectoire, je vais surtout être concentrée sur mon bateau et moi. Je vais m’attacher à bien prendre ma première ligne de départ toute seule, à bien gérer mon bateau, bien penser mes manœuvres et ma stratégie. Cette course est un gros objectif pour moi qui n’étais pas prédestinée à intégrer une si belle équipe, je ressens forcément de l’appréhension. Terminer la course, faire honneur à mon équipe et ne pas être prise à défaut en tant que navigatrice sont déjà de bons objectifs. »
Éprouver les bateaux
Freinés dans leur plan de développement, les bureaux d’études et les équipes techniques comptent sur cette course pour tester, passer un cap ou travailler la performance. Dans l’équipe ARKEA PAPREC, l’un des enjeux est de tester la nouvelle paire de foils tout juste mise en place. « Comme je n’ai reçu les foils que peu de temps avant le départ, je ne me fixe pas d’objectif de résultat, » explique le Sablais Sébastien Simon. « Je dois avant tout comprendre comment mon bateau se comporte avec ces nouveaux foils. Je me projette dans la course avec un peu d’appréhension. Ce n’est pas anodin, ces foils font sept mètres d’envergure : ils apportent beaucoup de puissance. » Puissance qu’il faut apprendre à maîtriser et à laquelle il faut aussi acclimater le corps. Skipper de MACSF, l’une des quatre femmes du plateau, Isabelle Joschke aborde l’épreuve avec prudence : « Je dois admettre que ce n’est pas toujours un plaisir de naviguer sur un foiler. Mon entraînement de février m’a permis d’apprendre ce à quoi j’allais être confrontée cet hiver. C’est amusant lorsque le bateau va vite mais, dès qu’il y a de la mer, c’est très désagréable. Lorsque vous êtes sur le bateau, vous devez vous accrocher partout, cela peut être dangereux. » L’objectif sur la course : « Je veux savoir jusqu’où je peux pousser le bateau, tout en ayant assez d’énergie pour qu’il puisse tenir une autre semaine, puis une autre et encore une autre car le tour du monde sera très long. »
Se qualifier
La Vendée-Arctique-Les Sables d’Olonne représente la dernière occasion de remplir en course les conditions de qualification pour le Vendée Globe. Cinq des sept skippers qui doivent encore remplir des prérequis sportifs seront au départ des Sables d’Olonne ce 4 juillet. Pour Sébastien Simon, porté par un bateau neuf, la contrainte qui pèse sur ses épaules se « résume » à 2000 milles. Pour Isabelle Joschke (MACSF), Clément Giraud (Vers un monde sans SIDA), le Japonais Kojiro Shiraishi (DMG Mori Global One) et Armel Tripon (L’Occitane en Provence), il s’agit de rallier la ligne d’arrivée. Le Nantais fait actuellement face à un défi inattendu : son IMOCA a touché un OFNI, un objet flottant non identifié, lors d’une navigation le week-end dernier. Les dégâts (un trou dans l’étrave et un safran abîmé) sont sérieux. C’est un chantier express qui attend son équipe afin de permettre au skipper de prendre le départ de cette course cruciale.
Pied au plancher
17 des 21 solitaires engagés partent libérés des obligations de qualification, et vont donc pouvoir lâcher les chevaux et les progrès de leur IMOCA. Juchés sur des monocoques de dernière génération, Jérémie Beyou (Charal), Charlie Dalin (Apivia) et Thomas Ruyant (LindkedOut) font figure de favoris naturels. « Il y a une ligne de départ et une ligne d’arrivée donc, forcément, ça rend un peu énervé » s’amuse Jérémie Beyou. « Si on pouvait sortir un résultat, ce serait bien parce que cela récompenserait bien des efforts de tout le monde. On cherche à savoir où nous nous situons par rapport aux autres et si les choix ont été bons. Et, au cas où, sur un petit carnet, on a déjà des modifications à apporter durant l’été, pour moduler le bateau. » Vainqueur de la Transat Jacques Vabre 2019 pour la première sortie officielle d’Apivia, avec Yann Eliès, Charlie Dalin résume sa trajectoire : « La Vendée-Arctique-Les Sables d’Olonne sera une étape de contrôle intermédiaire, une sorte de bac blanc avant le Vendée Globe. Ce sera surtout un retour à la compétition, qui me manque ! J’ai vraiment hâte de retrouver le goût particulier de la confrontation ! »
Favoris théoriques, les trois hommes ne manqueront pas d’adversité. D’abord parce que le plateau est dense et que les bateaux, même de précédente génération, ont fait d’impressionnantes progressions en termes de performance. Jérémie Beyou : « Il n’y a plus de petites équipes : il y a de beaux développements d’ingénierie et d’architecture. Même les bateaux mis à l’eau plus tardivement que Charal ont développé des choses intelligentes. On dit à chaque fois que le niveau augmente ? Là, c’est vraiment manifeste. Les bateaux neufs vont vite, les bateaux un peu plus anciens ont vraiment progressé. Difficile de parier sur qui va sortir devant. »
Enfin, il y aura un contexte météorologique à gérer. Clarisse Crémer : « J’espère que les conditions climatiques seront bonnes pour qu’on n’abîme pas trop les bateaux mais j’ai aussi besoin de me frotter à une météo un peu ‘velue’… » Si le froid pourrait le pousser à envisager d’installer un chauffage en vue du Vendée Globe, Sébastien Simon pense que le triangle de 3566 milles entre les Sables d’Olonne, l’Islande et les Açores, va sans doute contraindre les marins à naviguer différemment : « A l’inverse de ce que propose le Vendée Globe, nous ne pourrons pas fuir les phénomènes météo. » Ça en fait, des acteurs, non ?
*Pour rappel, les skippers quitteront tous leur port d’attache le 3 juillet, soit une journée avant le départ de la course après avoir été soumis à un test PCR. Ils resteront en mer jusqu’au coup de canon du 4 juillet, 15h30.