Les nouveaux foils au portant, c’est le jour et la nuit
Sorti le 16 mai dernier d’un long chantier tourné vers la performance en vue du Vendée Globe, l’IMOCA Charal fait l’objet depuis d’une campagne d’essais destinée à valider les nombreuses optimisations effectuées. A trois semaines de la première course de la saison, la Vendée-Arctique-Les Sables d’Olonne, Jérémie Beyou se montre satisfait de ces nouveaux foils qui permettent notamment au bateau d’être beaucoup plus stable et véloce au portant.
L’IMOCA Charal a été remis à l’eau le 16 mai dernier avec ses nouveaux foils, pourquoi en avoir conçu de nouveaux ?
Dans le planning initial, nous avions prévu trois versions, une V1, une V2 différente et une V3 qui aurait été une V2 raffinée. Ça n’a pas été possible en termes de timing, mais c’était de toute façon indispensable d’avoir une deuxième paire de foils, pour deux raisons : d’abord parce que la première avait été conçue pour le programme 2018-2019, la Route du Rhum et la Transat Jacques Vabre, l’objectif étant ensuite d’en tirer les enseignements. Il nous est alors apparu que pour gagner le Vendée Globe, ce qui est clairement l’objectif, il fallait progresser au portant, l’allure que l’on rencontre très majoritairement sur le tour du monde, ce qui nécessitait une évolution de nos foils. Ensuite, pour la viabilité globale du projet, il nous fallait une paire de rechange en cas de problème. Je pense que si tu n’en as qu’une, tu ne navigues pas de la même façon pendant toute ta préparation, ou tu navigues moins, parce que tu n’as pas envie de la casser.
Ce qui veut dire que de votre côté, vous pouvez vraiment « tirer » dessus, cela a-t-il été le cas depuis que vous renaviguez suite à la période de confinement ?
Oui, depuis début juin, nous avons trouvé de la brise, des conditions presque automnales, avec 20 à 35 nœuds de vent et la mer du vent, à savoir une mer hachée qui sollicite beaucoup le bateau. Ces conditions nous ont permis de tester l’IMOCA Charal pleine charge et effectivement de solliciter les foils.
Nous avons en outre navigué avec LinkedOut et Initiatives Cœur les 4 et 5 juin. Ce n’est jamais évident de faire ces « testings » à plusieurs dans ces conditions, mais ces navigations ont été vraiment enrichissantes. Elles permettent aussi de voir que chez nos concurrents, il y a de bons bateaux et des skippers compétents qui progressent, c’est ce que j’ai d’ailleurs tenu à rappeler à l’équipe. C’est important de rester très vigilant sur ce qui se fait ailleurs et de se remettre sans cesse en question.
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Quelles premières conclusions en tires-tu à propos des nouveaux foils de Charal ?
Le premier constat, c’est que nous avons énormément progressé au portant, en termes de vitesse mais surtout d’attitude, c’est vraiment ce qui était recherché avec cette nouvelle paire de foils. On savait que la V1 était très polyvalente, avec un petit plus au reaching, mais un petit moins au portant. Nous avions fini par réussir à trouver les manettes, notamment sur la Jacques Vabre, en poussant assez fort sur le bateau ; mais avec Christopher, nous nous étions dit que ce ne serait pas possible de tenir ce rythme en solitaire sur la durée. Le problème, c’est que le bateau accélérait très fort, jusqu’à 30-35 nœuds, il avait tendance à décoller, mais à un moment, il décrochait, ce qui provoquait de violentes décélérations, c’était très inconfortable à bord et ingérable sur le long terme en solo.
Et maintenant ?
C’est le jour et la nuit : le bateau vole moins haut, mais il est plus cabré et surtout beaucoup plus stable, ce qui lui permet d’atteindre des moyennes plus élevées, de l’ordre de 24-26 nœuds, sans décrocher. L’attitude est bien meilleure pour faire du portant dans 25-30 nœuds, les conditions que nous rencontrerons dans l’océan Indien et le Pacifique, c’est vraiment un gros plus et nettement moins stressant pour le skipper.
Et aux autres allures ?
Au reaching, nous étions lors des « testings » très proches avec LinkedOut, ce qui était notre objectif, parce que nous avons fait beaucoup de changements sur le bateau et que ça prend forcément du temps de valider tout ça et de trouver les bons réglages. Je pense que par rapport aux premiers foils, nous serons au minimum au même niveau de performance. C’est en tout cas l’objectif, parce que le reaching est important sur la première partie du Vendée Globe, au cours de laquelle il faut rester dans le peloton de tête avant d’attaquer le Grand Sud. Pour ce qui est du près, le bateau est un peu plus performant avec la V2, nous arrivons à décoller plus tôt. Après, le bateau, ce n’est pas que les foils : on constate aussi qu’on a beaucoup progressé sur le poids, avec un centre de gravité plus optimisé et cohérent, sur les voiles, sur l’aéro… On a plein de petits plus qui vont nous permettre de progresser sur nos points forts, tandis que sur les points faibles que nous avions identifiés, c’est la paire des foils qui va faire la différence.
La première confrontation grandeur nature avec la concurrence aura lieu sur la Vendée-Arctique-Les Sables d’Olonne le 4 février, qu’en attends-tu ?
On sera en version Vendée avec une partie du nouveau jeu de voiles, on espère d’ici là avoir trouvé tous les réglages des foils, on a envie d’être bons, à 100%, et de se bagarrer pour la gagne. On a confiance dans notre package, mais on ne connaît pas la concurrence, on va obligatoirement observer beaucoup de choses dans cette course qui va nous préparer au Vendée Globe… on en tirera ensuite les enseignements.