Préparation au Vendée Globe : Kézako ?
Un projet de Vendée Globe, tour du monde en course à la voile, en solitaire, sans escale et sans assistance, se construit sur plusieurs années. Entre optimisation et fiabilisation du bateau, perfectionnement des compétences du skipper, entraînements, sélections et qualifications, le temps passe en effet très vite jusqu’à la ligne de départ. Mais en quoi consiste réellement cette préparation des marins ? Éléments de réponse avec Alan Roura comme sujet d’étude.
PRÉPARATION PHYSIQUE
Comme tout athlète de haut niveau, le marin du 21ème siècle doit s’astreindre à un rigoureux entretien de sa condition physique. À bord de machines de plus en plus puissantes, où la violence des chocs ne cesse de croître et à bord desquelles il faut tenir pendant plus de 70 jours, laes capacités de résistance et de navigation extrême en solitaire sont en effet devenues un facteur déterminant de la performance. Accompagné par sa coach sportive, Anne Beaudart, Alan travaille donc son endurance et sa force musculaire, mais également la bonne position de son corps, à raison de deux séances par semaine. Exercices de gainage, de musculation et de proprioception composent ainsi un programme complet, auquel le skipper de La Fabrique ajoute quelques sessions de yoga et de pratiques plus ludiques (VTT, kite-surf, catamaran de sport…). « L’objectif est à la fois un renforcement musculaire et une amélioration de mon endurance, afin d’augmenter ma puissance pendant les manoeuvres, qui peuvent représenter un effort prolongé comme bref et intense, explique le jeune Suisse. Mais aussi à ne pas me faire mal à bord, que ce soit pour prévenir les blessures musculaires ou anticiper et amortir les coups. Le yoga m’aide par ailleurs à aller chercher dans mes ressources, pour aller plus loin physiquement ou au contraire, revenir tout de suite à un état apaisé une fois l’effort terminé. » Une fois le bateau à l’eau, les séances d’entraînement et les courses d’avant-saison viennent ensuite compléter ce programme intensif, grâce à la mise en pratique desdites manoeuvres. Tout en peaufinant l’enchaînement et la fluidité des mouvements, essentiels à la bonne conduite d’un fougueux monocoque de 18 mètres de long.
PRÉPARATION TACTIQUE
C’est sous l’oeil expert du coach Tanguy Leglatin, le plus renommé de la profession, qu’Alan affine ses gestes, mais aussi ses réglages et sensations à bord lorsqu’il retrouve les entraînements en mer. Car rigueur et stratégie vont de paire pour atteindre la performance, en maîtrisant au mieux sa monture et atteindre ainsi les meilleures vitesses… Tout en la menant au bon endroit, pour affiner ses trajectoires. C’est Julien Villion et Gwénolé Gahinet, ses routeurs lors de son record de l’Atlantique nord, que le Genevois de 27 ans a choisi comme soutien supplémentaire à cette préparation tactique. Le premier à terre, afin de perfectionner encore son étude des fichiers météorologiques et les choix de route en découlant. Le second en mer, en Figaro Bénéteau d‘abord, en IMOCA ensuite (si le planning post-confinement le permet*), pour mettre le tout en pratique : les sensations, l’étude du ciel et les conditions réelles en plus.
PRÉPARATION TECHNIQUE
Mais qui veut bien mener sa monture, doit également savoir la gérer en cas de casse ou d’avarie diverse. Un bateau diminué techniquement en devient forcément moins performant. C’est pourquoi il est primordial pour Alan de passer du temps au chantier et de mettre « les mains dans la colle », afin de connaître son bateau sur le bout des doigts. « C’est ce qui a fait ma force sur le Vendée Globe 2016, se souvient-il. En cas de problème matériel, j’étais presque toujours en mesure de le résoudre sans avoir à contacter mon équipe. Ce qui représente un gain de temps non négligeable. Il est donc essentiel pour moi de participer à la création, au montage et à l’entretien des éléments du bateau. Et pour éviter un maximum de casse en amont, c’est aussi à moi de valider l’intégralité de nos choix de pièces, de matériaux ou d’échantillonnage avec l’équipe et les fournisseurs. »
PRÉPARATION À TERRE
Dans la recherche de performance, tout est donc souvent affaire de choix. C’est aussi le cas à terre, bien avant le top départ. Car sur un Vendée Globe, celui qui trouvera le meilleur compromis entre performance et fiabilité s’assurera un avantage conséquent. Mais lorsque le premier objectif va de paire avec légèreté et le second avec solidité, certains choix deviennent vite cornéliens et ce type de dilemme se retrouve également dans la préparation du matériel qu’Alan emportera en mer. Nourriture, pièces de rechange, pharmacie du bord et même types de voiles embarquées sont ainsi soumis à une rigoureuse étude : « Tout est d’abord une question de poids, avoue le jeune skipper. C’est le premier critère qui va déterminer de ce que je vais emmener avec moi, avec ensuite une analyse de différents scenarii météo ou d’avaries. En 2016, j’avais le nombre maximum de voiles autorisées, un safran de « spare » et à manger pour 6 mois. Avec mes objectifs qui ont évolué, il est certain que cette année, je partirai beaucoup plus léger ! »
* Et pendant le confinement ?
« J’ai forcément dû adapter ma préparation en restant chez moi, comme beaucoup de sportifs. J’ai donc effectué les séances avec ma coach via des vidéos, bien qu’il est plus difficile de se motiver seul sans l’avoir derrière ! J’ai aussi travaillé ma météo à distance et ai finalement pu gérer beaucoup de choses en télé-travail.
Côté chantier, mon équipe a respecté le confinement pendant les 8 semaines recommandées, seuls quelques prestataires extérieurs sont intervenus, chacun leur tour, sur le bateau. Les entraînements en mer et les courses sont ce qui a été le plus fortement impacté, et même si j’ai la chance d’avoir déjà beaucoup navigué à bord de mon bateau, chaque moment que je n’ai pas pu passer sur l’eau a forcément été pénalisant dans ma préparation. »