Des duos bien accordés pour un long morceau rythmé
4 350 milles en double entre Le Havre et Salvador de Bahia au Brésil, soit 8 000 km de face à face dans un inconfort absolu et une humidité permanente, autant dire que la bonne entente des binômes est toute aussi importante que le potentiel de leur bateau pour arriver dans la baie de Tous Les Saints en vainqueur. Duos complémentaires, duos de solitaires, duos d’amis, duos de pros, peu importe pourvu que la partition se joue à quatre mains et sans fausse note. En Multi 50 et en Imoca, quels duos pourraient triompher ? Tentative de réponse…
Multi50 : un podium sinon rien
Trois Multi50 seulement dans le bassin Paul Vatine mais une classe qui se porte bien. Bateaux actuellement en construction, changements de propriétaires ;le calendrier cette année n’était pas propice à une flotte de 6 ou 8 bateaux. Peu importe, les trois équipages présents sont ultra qualitatifs tant du côté des bonshommes que de leur bateau. Et si Solidaires En Peloton-ARSEP (Thibaut Vauchel-Camus et Frédéric Duthil) fait office de favori parce qu’il est le bateau le plus récent (mise à l’eau en 2017), la victoire n’est pas pour autant à portée d’étraves. Car Gilles Lamiré a énormément progressé dans la série (ce sera sa 4e Transat Jacques Vabre en Multi50) et navigue désormais sur Groupe CGA – Mille et un Sourires qui n’est autre que l’ancien bateau d’Erwan Le Roux qui a tout gagné ou presque ! Gilles a fait appel au dur au mal et extrêmement talentueux Antoine Carpentier, vainqueur en Class40. « On vient chercher la victoire » n’hésite pas à clamer le duo. Sur ces bolides à trois pattes, la navigation en double est probablement plus exigeante que sur les autres classes, chavirage possible oblige… « Il faut mettre le curseur au bon endroit, ne pas se précipiter, toujours anticiper et surtout faire confiance à son équipier sinon tu ne te reposes jamais ! » confie Sébastien Rogues. Le skipper de Primonial, troisième Multi50 du bassin, ne croit pas si bien dire : pour sa première expérience au large en multicoque il a fait appel à l’as des as de la discipline : Matthieu Souben. Trois duos en osmose et très complémentaires, trois bateaux éprouvés et parfaitement préparés, trois victoires possibles…
IMOCA : 10 duos possibles sur le podium
Faire des pronostics en IMOCA n’a jamais été aussi difficile. Ce sera en effet la première traversée de l’Atlantique pour six foilers, les plus performants sur le papier vent de travers. Dans ce premier lot, Charal fait figure de référent, ayant empoché les deux courses d’avant-saison et démontré une très belle maîtrise de son sujet, y compris dans la brise. Jérémie Beyou et Christopher Pratt sont dans une spirale positive depuis le Fastnet. Le tandem à battre dégage sérénité et détermination. Apivia a beaucoup moins navigué mais montré aux entraînements du Pole Finistère Course au large qu’il était déjà dans le match.
On sait son binôme très complémentaire avec à bord le tenant du titre Yann Eliès et un Charlie Dalin qui a très vite pris la mesure de son projet épaulé par l’écurie Mer Concept. Quid d’Hugo Boss ? Comme à son habitude, Alex s’est entraîné dans son coin, pas assez à son goût d’ailleurs et déclare s’élancer sur la Route du Café pour « éprouver son bateau » … Même ambition chez Advens for Cybersecurity, dernier mis à l’eau en septembre alors que du côté d’Arkea Paprec, on voit mal comment Sébastien Simon et Vincent Riou pourraient défendre leurs chances au sommet, amputés d’un foil.
La vraie question est en fait de savoir qui naviguera à fond sans casser autour de la grande dépression qui barre la route vers l’alizé et qu’il faudra peut-être contourner par l’Ouest au portant dans une mer difficile ? Dans ces conditions, autant dire que des bateaux très éprouvés et performants comme 11th Hour (ex Hugo Boss) peut faire des merveilles.
A bord de MACSF, Isabelle Joschke et Morgan Lagravière rappellent que « pour gagner il faut toujours terminer » leur objectif numéro 1. Kevin Escoffier associé à Nicolas Lunven sur le très polyvalent PRB vise un podium, et ces deux-là en sont largement capables.
Yannick Bestaven et Roland Jourdain, qui s’entendent à merveille peuvent attaquer très fort sur leur solide Maitre CoQ qui date de 2015 et qu’ils connaissent sur le bout des doigts. Quant à Initiatives cœur, Sam Davies qui dit avoir trouvé en Paul Meilhat « le meilleur co-skipper possible » attend son heure et compte bien profiter de l’expérience acquise depuis avril sur son foiler reconfiguré pour être aux avant-postes…
La régate des IMOCA à dérive s’annonce comme une course dans la course. Le meilleur d’entre eux peut tout à fait s’inviter dans le top five au Brésil et chaque foiler mis dans le tableau arrière s’apparentera à une petite victoire. En haut de la pile, Banque Populaire IX est le plus abouti, mené par un équipage mixte qui part sans pression. Mais ils devront compter sur le talent et la détermination de Damien Seguin et Yoann Richomme, qui ont remarquablement navigué en avant saison sur Apicil leur vieux plan Finot-Conq 2007. Attention aussi au redoutable tandem formé par Nicolas Troussel et Jean Le Cam sur Corum l’Epargne, cinq victoires sur la Solitaire du Figaro à eux deux ! Et derrière, ça pousse avec des petits jeunes comme Maxime Sorel et Guillaume Le Brec (V and B Mayenne) ou Alan Roura sur La Fabrique, épaulé du très expérimenté Sébastien Audigane. A tous les étages, il y aura du sport entre Le Havre en Normandie et Salvador de Bahia !
Class40 : Beijaflore et Vogue Avec un Crohn sont assurés de partir !
Partira ? Partira pas ? Ces derniers jours pour les trois Class40 concernés ont été mouvementés. La bonne nouvelle est tombée dans la journée : Beijaflore (William Mathelin-Moreaux et Marc Guillemot) et Vogue avec un Crohn (Pierre-Louis Attwell et Antoine Calliste) ont trouvé chacun une assurance ce qui leur permet d’être au départ sereinement dimanche prochain. Pour A chacun son Everest (Yves et Renaud Courbon), ce n’est plus qu’une question de timing, le contrat devrait arriver dans les heures qui viennent ! Les 27 Class40 du bassin Paul Vatine devraient donc tous être sur la ligne de départ dimanche à 13h15.
Les mots des skippers
Isabelle Joschke (MACSF) – IMOCA
« Le vrai objectif, c’est de faire mieux que ce que le bateau promet officiellement par rapport à son ancienneté. L’idée, c’est avant tout de terminer. De toutes les façons, pour gagner une course, il faut arriver au bout, ça ne change rien. On a fait environ 2000 milles avec le bateau. Chaque navigation nous en apprend et nous rentrons chaque fois avec une nouvelle liste. »
Kevin Escoffier et Nicolas Lunven (PRB) – IMOCA
« Quand les conditions sont maniables, il faut être à 100%. Si c’est un peu sport, il faudra faire attention. Si tu sors des conditions chaudes sans casser et pas trop fatigué, ça se passe toujours bien derrière. On part pour faire un podium, mais peut être que si on fait cinquième derrière quatre bateaux plus rapides sur le papier et qu’on a bien navigué, on sera contents. Je ne m’attends pas à un gros écrémage technique car chacun va y aller doucement sur les nouveaux foilers mais il ne faut pas oublier que les bateaux font tous 3 mètres de plus de large et que la mer est couverte d’OFNI… »
Alex Thomson (Hugo Boss) – IMOCA
« C’est formidable d’être là, même si j’aurais préféré mettre à l’eau trois ou quatre mois plus tôt car nous n’avons pas vraiment tiré sur le bateau. Nous n’avons fait que 4000 milles depuis le lancement. Maintenant, il faut laisser monter l’adrénaline, mettre la poignée dans le coin et on verra bien ce qui arrivera… »
Gilles Lamiré (Groupe CGA – Mille et un sourires) – Multi50
« C’est important de se gérer, de gérer sa fatigue, sa nourriture et en double il faut prendre soin de son équipier. C’est indispensable. Nos objectifs sont clairs, c’est de faire la plus haute marche du podium. Malheureusement, le podium est acquis parce que nous sommes trois bateaux, mais on va faire tout notre possible pour aller chercher la victoire. »