Préparation météo : décryptage avec Kevin Escoffier et Nicolas Lunven
Trois jours, c’est désormais le temps qu’il reste à Kevin Escoffier et Nicolas Lunven avant de s’élancer à l’assaut de leur première transatlantique à bord de l’IMOCA PRB. Alors que l’équipe technique s’affaire aux derniers préparatifs sur le bateau, Kevin et Nicolas basculent progressivement en mode course. Et cela passe notamment par la mise en place de « routines » comme le travail sur la météo. Arrivé aujourd’hui au Havre, le météorologue Marcel Van Triest va travailler avec eux chaque jour jusqu’au départ pour anticiper et affiner au maximum les situations que les deux hommes vont rencontrer sur le parcours vers Salvador de Bahia. Un travail passionnant et extrêmement précis mené jusqu’au matin du départ. Dès le coup d’envoi de la Transat Jacques Vabre, Kevin et Nicolas devront faire leurs analyses et leurs choix seuls puisqu’en IMOCA, le routage est interdit.
Marcel Van Triest, l’expert météo
« Il faut accepter qu’on ne puisse pas être expert dans tous les domaines et ainsi savoir s’entourer des personnes compétentes. » Kevin en est convaincu. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Malouin embarque Nicolas Lunven sur cette Transat Jacques Vabre afin d’apprendre à ses côtés les rouages de la navigation en solitaire. Mais c’est aussi ce qui a guidé son choix de bénéficier des conseils de Marcel Van Triest pour préparer au mieux cette transat. Car si le routage en mer est interdit, la préparation de la météo à terre, elle, au-delà d’être autorisée, est absolument indispensable.
Cela fait une dizaine d’années que Kevin Escoffier et Marcel Van Triest se connaissent. Leur rencontre remonte à 2009 au moment du record de l’Atlantique Nord de Banque Populaire V. Les deux hommes se sont ensuite retrouvés à l’occasion de la Volvo Ocean Race en 2015 et 2018 lorsque Kevin était équipier à bord de Dongfeng Race Team. Désormais c’est sur le projet IMOCA que leur collaboration se poursuit et ce jusqu’au Vendée Globe dont le départ sera donné l’année prochaine. Une continuité indispensable pour le skipper de PRB. « Je veux travailler avec des gens que je connais, ça permet d’être beaucoup plus efficaces. Cela nous donnera des repères de faire toutes les courses ensemble avec Marcel. On se souviendra qu’à tel moment il s’est passé ça et ça. Nous aurons ainsi plus de faciliter à échanger et progresser. C’est hyper rassurant pour moi de travailler avec des personnes en qui j’ai confiance et qui connaissent le bateau. »
« Un regard différent et plus poussé »
Météorologue de Dongfeng Race Team, de Banque Populaire ou bien encore d’IDEC SPORT (etc), Marcel Van Triest est aussi marin, ses compétences sont reconnues et recherchées. « Marcel est quelqu’un de très compétent. Il fait de la météorologie toute l’année. Ce que l’on cherche auprès de lui avec Nico, c’est son regard, différent et plus poussé. » Ensemble, les trois hommes vont, jusqu’au moment de larguer les amarres dimanche, étudier et préparer la météo quotidiennement. « Marcel dispose de tous les documents nécessaires pour que nous construisions la feuille de route de la Transat Jacques Vabre. C’est-à-dire les polaires1 les selects2, les tableaux de vagues3 sans oublier la perte à la manoeuvre4. En croisant toutes ces données, nous arriverons ainsi à établir avec plus ou moins de certitudes la route idéale. Nous l’affinerons bien sûr en mer en fonction de l’évolution des fichiers météo. » nous explique Nicolas.
Le duo de PRB partira donc avec une vision assez précise de ce qui les attend pour les trois-quatre premiers jours de course. Plus ils progresseront vers le Brésil, plus les prévisions faites depuis Le Havre seront à modérer. Marcel Van Triest ne préparera pas un road book générique qu’ils embarqueront mais plutôt une feuille de route spécifique et adaptée au parcours. Y seront indiquées par exemple les zones à surveiller particulièrement et qui nécessiteront de faire un choix revu en fonction des informations météo plus fraîches dont Kevin et Nicolas disposeront à l’instant T. « Marcel est capable de faire des ensembles de prévision jusqu’à 12 jours avec un indicateur de statistique nous informant sur la fiabilité des infos » explique Kevin.
« Je regarde la météo, à peu près une heure par jour depuis que je suis arrivé. C’est à la fois pour voir l’évolution des conditions du départ, mais c’est surtout pour apprécier la qualité des prévisions et rentrer dans une routine » explique Nicolas. Alors forcément, la question vient… Quelle météo fera-t-il pour le départ ? « C’est encore trop loin pour être précis. Par contre, ce que l’on peut dire, c’est qu’à cette période de l’année, on a plutôt l’habitude de voir des dépressions en Atlantique Nord à peu près à la latitude des îles britanniques. Mais là, il y a une dépression assez creuse et quasi stationnaire centrée sur les Açores. Cela devrait nous donner du près sur une grande première partie du parcours » explique Nicolas avant de filer pour le premier briefing de la semaine avec Marcel Van Triest. Météo à suivre donc !
- Polaires : vitesse théorique du bateau pour un angle et une force de vent donnés. Les polaires mesurées par des outils informatiques sont propres à chaque bateau
- Selects : réglages du bateau pour atteindre la vitesse optimale de la polaire (quelles voiles, quels ballasts, quel angle de quille, quelle configuration de foils ?)
- Tableaux de vagues : ils renseignent la hauteur, la direction et la fréquence des vagues
- Perte à la manœuvre : prise en compte de la perte et du risque potentiel si la route nécessite beaucoup de manœuvres. Généralement la perte choisie est plus importante que la perte réelle.