C’est dans désormais six jours, le dimanche 22 septembre à 14h15, que sera donné le départ de la Mini-Transat La Boulangère. Suite au désistement du Suisse Arnaud Machado, sur blessure, ce sont finalement 87 femmes et hommes qui vont entreprendre un inédit voyage en solitude, sans moyens de communication ou presque.

La solitude est l’essence même de la Mini-Transat. L’époque a beau être à la communication, à la circulation instantanée de l’information, les fondamentaux ne changent pas depuis la première édition en 1977. A bord des Mini 6.50, il n’y a pas d’ordinateurs, pas de liaisons satellites, pas de vacations, pas d’envois de photos et de vidéos. Il est impossible de joindre ses proches, pour partager des moments magiques ou surmonter un coup de moins bien. Le seul lien avec la terre : un bulletin quotidien émis sur la radio BLU par la direction de course pour donner la situation météo, les prévisions à 48 heures et les distances au but de chaque concurrent.

Coupés du monde, mais potentiellement en contact avec les autres Ministes

Les marins ont la possibilité de communiquer entre eux par le biais de leur VHF, dont la portée est limitée (environ 10 milles). Durant la première étape (La Rochelle/Las Palmas de Gran Canaria), les échanges sont réguliers pour la plupart des concurrents. Les choses se compliquent lors de la deuxième étape vers la Martinique. A mesure que les écarts se creusent, les échanges se raréfient. S’ils ne naviguent pas au sein d’un groupe, les coureurs peuvent passer des journées, voire des semaines, sans décrocher un mot.

Les échanges via VHF avec des camarades peuvent être salvateurs. « Durant Les Sables-Les Açores-Les Sables, j’ai subi un gros problème de pilote automatique », raconte Benjamin Ferré (902). « J’étais hyper fatigué, vulnérable. Après de nombreuses journées sans parler à personne, j’ai vu un bateau au loin et découvert qu’il s’agissait d’un Mini, le 697 de Kevin Bloch. Nous avons échangé par VHF et j’ai fondu en larmes. J’étais trop content de parler à quelqu’un… »

Kevin Bloch, justement, apprécie lui aussi ces échanges avec ses copains de la Mini, mais va essayer de les limiter durant sa traversée. « J’aime être dans mon truc, ne pas me laisser influencer par ce que disent les autres pour tracer ma route. J’apprendrai ainsi davantage », dit-il.

« Chialer et rigoler en moins de 10 minutes »

La Mini-Transat demande d’importantes ressources mentales, sous peine de s’écrouler. « C’est le yo-yo émotionnel, on a l’impression d’avoir trois ans », sourit Céline Sallès (514). « Sur la Mini, on peut chialer et rigoler en moins de 10 minutes », confirme Sébastien Guého (909). « Grâce au dispositif de qualification exigeant, nous arrivons tous armés mentalement pour traverser. Il faut juste se faire confiance. »

Pour certains, la solitude et le manque de communication se révèlent de vrais défis, notamment pour les 76 bizuths en lice cette année, à l’instar de Matthieu Perraut (825) : « Pour moi c’est l’aspect le plus dur de la Mini-Transat. A la base, je ne suis pas un solitaire même si j’aime l’idée d’être le seul maître à bord. Ce n’est pas simple mentalement de passer de longs moments sans parler. Jamais personne de sensé ne vit cette expérience d’isolement. Mais c’est très intéressant de s’y confronter, j’ai déjà beaucoup appris sur moi-même grâce au Mini. »

« Un voyage intérieur extraordinaire »

Pour d’autres, la solitude, au contact des éléments, est un bonheur, ce qu’ils viennent chercher en prenant part à la Mini-Transat. « Cette expérience de la solitude permet de se recentrer sur les vraies choses de la vie », se réjouit Jean-René Guilloux (915). « A 45 ans, je suis à un moment de ma vie où je peux regarder dans le rétro, réfléchir à ce que j’ai réussi à réaliser et penser à ce que je n’ai pas encore eu le temps de faire. »

La Mini-Transat est aussi l’occasion de s’accorder un temps qu’on ne peut pas avoir dans la vie de tous les jours, comme l’explique Jean Lorre (570) : « Sur mon Mini, je lis des bouquins, je réfléchis, je parle à voix haute, je chante, j’écoute de la musique et surtout des podcasts. Je peux aller au bout du bout d’une pensée sans être perturbé par une quelconque interaction ou une notification d’un réseau social. »

Benjamin Ferré parle de la Mini-Transat comme un « voyage intérieur extraordinaire », résumant bien la pensée des coureurs qui s’élanceront dimanche de La Rochelle, pour vivre cette expérience de liberté ultime qui ravit notamment Céline Sallès : « On laisse tous les problèmes à terre. Il n’y a que nous, notre bateau et l’océan… »

Arnaud Machado contraint de rester à quai

Arnaud Machado (910) faisait partie des favoris en série. Malheureusement, il a été victime d’une chute à vélo il y a quelques jours et s’est fracturé le tibia. Cette blessure rend impossible sa deuxième participation à la Mini-Transat. « Je suis hyper déçu, je ne m’attendais pas à ce que deux ans de préparation et de sacrifices puissent tomber à l’eau en deux minutes, d’autant que je ne prenais pas de risques à l’approche du départ. C’est un coup de malchance », déclare Arnaud. « Je vais tout faire pour attaquer la rééducation au plus vite et être rétabli en début d’année prochaine pour repartir sur de nouveaux projets. » Le marin suisse est le deuxième concurrent à devoir jeter l’éponge sur blessure, après Antoine Oulhen (960).

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