Un sans-faute pour Erwan Le Mené et Matthieu Vincent
Alors qu’on les attendait hier, en journée et en rafales, les arrivées de la deuxième étape de la 17e édition de la Transgascogne se sont finalement succédées toute la soirée et toute la nuit, aux Sables d’Olonne. En cause : un effondrement complet du vent au large des côte Vendéennes. A la clé, deux effets : une fin de course corsée pour les marins dont les nerfs ont été mis à rude épreuve, et des rebondissements en pagaille pour les observateurs. Car si le podium chez les Proto s’est rapidement dessiné (ou disons confirmé), avec le trio Erwan Le Mené / Tanguy Bouroullec / Axel Trehin dont l’ordre a toutefois été chamboulé au bout du compte, il aura fallu être bien plus patient pour connaître le tiercé gagnant chez les bateaux de Série. De fait, si Matthieu Vincent a, comme Erwan Le Mené, réalisé sans-faute en remportant la manche aller comme le match retour entre Les Sables d’Olonne et Laredo (Espagne), assurant alors sa victoire au classement général, il aura fallu attendre plusieurs heures avant de découvrir le nom des deuxième et troisième. Tout dépendait surtout du timing d’arrivée d’Ambrogio Beccaria. Deuxième de la première manche, l’Italien, auteur d’une malheureuse option lors de la première nuit, s’est battu comme un diable pour combler le retard accumulé, mais a finalement laissé échapper le podium au profit de Félix de Navacelle. Vingt-deuxième à l’issue du premier round à 2h28 du premier, ce dernier a réalisé bond de géant au classement, se hissant alors sur la troisième marche du podium de l’épreuve derrière Hugo Dhallenne.
Cette deuxième étape entre la Cantabrie et la Vendée via la bouée SN-1 située à l’embouchure de Loire s’annonçait décisive. Et pour cause, en Proto comme en Série, les écarts étaient infimes à l’issue du premier round. Pour mémoire, moins de sept minutes séparaient les deux premiers dans chacune des deux catégories, et à peine une demie heure les trois leaders. Elle a tenu toutes ses promesses, d’autant que la météo a fait des siennes sur les 270 milles du parcours. Car s’ils s’attendaient à 20 heures de molle, un passage de front générant des vents jusqu’à 30 nœuds dans les rafales, et des derniers milles rapides entre l’entrée du chenal de Saint-Nazaire et Port-Olona, les marins n’ont presque rien eu de tout ça. « Sur la deuxième moitié, ce n’était plus du tout comme dans nos routages. Il a fallu improviser », a commenté Tanguy Bouroullec (969 – Cerfrance) qui a donc, comme ses concurrents, dû faire preuve d’adaptation lors de cette manche un peu folle. « La météo a été à devenir dingue. La première nuit, ça a littéralement été le feu d’artifice. La flotte s’est complètement éclatée. On ne savait pas où étaient les autres. Pour ma part, j’ai fait 15 heures avec personne à l’AIS en me demandant bien où ils étaient tous passés », a relaté Erwan Le Mené (800 – Rousseau Clôtures). Auteur d’une option à l’ouest qui s’est avérée payante sur la remontée entre Laredo et SN-1, le Morbihannais a très certainement gagné sa première place à ce moment de la course chez les Proto. « Les premiers bateaux que j’ai revu à l’AIS ont été des Série. J’ai pensé que ce n’était pas très bon signe pour moi, mais au lever du jour, lorsque tout le monde a convergé vers SN-1, j’ai compté les petits et j’ai compris qu’en fait ça sentait bon. En étant dans l’ouest, j’ai pu écraser et du coup je suis sorti devant », a détaillé le navigateur qui n’a jamais été serein pendant cette deuxième manche. « Plusieurs fois, j’ai vu revenir les copains et j’avoue que ça a été un peu dur pour les nerfs. J’avais dit que je ne taperai pas sur le bateau alors je ne l’ai pas fait, mais des trucs ont quand même volé dans le cockpit. Au final, ça fait du bien de gagner la course, surtout en gagnant à la fois l’aller et le retour », a ajouté Erwan qui a devancé de 15 minutes et 56 secondes Tanguy Bouroullec, le skipper de Cerfrance qui a, lui-même devancé de 34 minutes et 59 secondes Axel Trehin. « Finir deuxième 2e de l’étape et finalement griller Axel pour finir sur la 2e marche du podium du général, c’est super. On avait à cœur de faire un bateau polyvalent et je crois qu’on a réussi », a commenté le skipper du plan Verdier doté de foils qui a fait forte impression lors de cet aller et retour entre la France et l’Espagne, deux mois et demi après sa mise à l’eau, confirmant ainsi un fort potentiel et engrangeant un maximum de confiance pour la suite.
Des bonds en arrière
De la confiance, Matthieu Vincent (947 – L’Occitane en Provence) en a fait le plein lui aussi ces derniers jours. Le Rochelais a, comme Erwan Le Mené chez les Proto, joué la partition parfaite lors de cette Transgascogne. « Cette victoire, c’est génial. Je n’ai pas de mot. Déjà à l’aller, c’était exceptionnel, mais là, j’ai vraiment du mal à réaliser. Sur la première étape, ça s’était bien goupillé pour moi dès le début alors que là, ça a été un peu l’inverse. J’ai pris un très bon départ mais ensuite, l’option qu’on s’était dit prendre avec le groupe de Lorient n’a pas très bien fonctionné et on s’est vite retrouvé en queue de peloton », a commenté le Rochelais qui n’a rien lâché du début à la fin. « Je ne savais pas trop où j’en étais dans la flotte, donc je me suis vraiment donné à fond et au fur et à mesure, j’ai vu que ça payait. C’est juste génial. La bagarre sur l’eau a été incroyable. J’ai vraiment pris beaucoup de plaisir, même si ça été fatigant et que ça a demandé beaucoup de concentration », a souligné le jeune architecte naval. Point de vue partagé par l’ensemble de ses concurrents, à commencer par Hugo Dhallenne (979 – Jade) qui a fait preuve, lui aussi, d’une belle régularité sur la course, en terminant 3e et 2e, assurant alors la deuxième place au général, mais aussi par Félix de Navacelle (916 – Youkounkoun) qui a, pour sa part, presque eu le sentiment de réaliser un hold-up, ce mercredi. « J’ai fait 22e de la première étape à 2h28 du premier. J’étais hyper déçu et en quittant Laredo, j’étais bien décidé à ne rien avoir à regretter à l’arrivée. Si j’avais fini cette Transgascogne avec deux manches dans les choux, ça n’aurait pas été très chic mais là, c’est super », a avoué Félix qui a dû patienter un moment avant de connaître sa place au classement général, largement conditionnée par le score d’Ambrogio Beccaria (943 – Geomag). Auteur d’une option malheureuse dans la molle lors de la première nuit, l’Italien s’est finalement adjugé la 15e place, à 3h21 du premier, rétrogradant alors méchamment de la 2e à la 12e au général. Une performance pour le moins inhabituelle pour lui qui a réalisé une saison quasi exemplaire en remportant la Mini Fastnet, le Trophée Marie-Agnès Péron et la Pornichet Select. « Cette troisième place est clairement aussi géniale qu’inattendue pour moi car après la première manche, je n’espérais plus rien au général. J’ai eu un peu de chance », a commenté Félix de Navacelle qui ne pensait alors pas si bien dire avant d’apprendre que le 4e, Paul Cloarec (951 – Williwaw cherche partenaire), ne termine que 16 minuscules secondes derrière lui au général. Un écart infime qui représente à lui tout seul l’intensité de la bagarre à laquelle on a assisté lors de cette Transgascogne, et qui laisse augurer de sacrées empoignades lors de la fameuse Mini-Transat dont le coup d’envoi est programmé le mois prochain.
Ils ont dit:
Tanguy Bouroullec (969 – Cerfrance) :
« Je suis content. J’ai mis le chrono en passant la ligne et j’ai vite compris que ça sentait bon pour moi. C’était vraiment intéressant. On a eu de tout. A la fin, ce n’était plus trop comme dans nos routages. Il fallait un peu improviser avec la météo. Il y a eu des bonnes phases. J’ai hâte de voir la carto car je ne sais pas trop par où sont passés les autres, en particulier Erwan (Le Mené). En fait, le vent a refusé et j’ai dû faire un énorme contre-bord pour aller chercher SN-1 et ça a été dur mais sinon, c’était bien. Rousseau Clôtures va vite dans la molle mais pour ma part je suis content. On avait à cœur de faire un bateau polyvalent et je crois qu’on a réussi. Je découvre encore des trucs et c’est super de finir 2e de l’étape et du général. »
Axel Trehin (945 – Cherche Partenaire) :
« Je savais qu’Erwan (Le Mené) était dans l’ouest et que Tanguy (Bouroullec) était dans l’est. J’ai été content quand j’ai raccroché le signal AIS d’Erwan avant SN-1 parce que la dernière fois que je l’avais vu, il avait pris six milles d’avance. Là, ça semblait un peu plus serré. Après, il aurait fallu que j’attaque un peu plus lors de la dernière nuit mais j’étais carbo et je ne pouvais plus. Ça m’aurait permis de rester au contact avec Erwan à SN-1. Là, j’avoue que ça a été la surprise de voir débarquer Cerfrance parce que je me trouvais déjà extrêmement Est, et lui l’était encore. En fait, ça n’a servi à rien de regarder la météo avant de partir… Je ne vais pas cracher sur une place de troisième, mais honnêtement, je ne venais pas pour ça. En fait, les courses de molle comme ça, je ne peux pas me permettre de les attaquer aussi fatigué. Sur l’eau, je n’arrivais à rien. J’ai vraiment manqué de lucidité sur la fin mais bon, c’est comme ça. Je n’ai pas vraiment eu l’occasion d’exploiter les modifications qui ont été faites sur le bateau car on a eu deux étapes avec énormément de molle. On a eu qu’un tout petit aperçu de ce que ça pouvait donner. Les rares bords où j’ai pu faire parler la puissance, c’est sûr que ça ne marchait pas trop mal. »
Marie Gendron (930 – Cassiopée – SNCF) :
« Le départ à Laredo a été superbe. Le but pour moi, c’était de m’amuser un peu avec les copains de devant. Je ne m’attendais pas à y arriver, mais en fait le bateau marchait super bien. La météo a vraiment été très spéciale. On est parti avec un routage qui n’a rien eu à voir avec ce qui s’est réellement passé sur l’eau. Du coup, quand je m’en suis rendue compte, j’ai tout oublié et j’ai fait avec ce que j’avais. Comme j’ai pu batailler un peu avec Axel (Trehin), c’était chouette. Mes résultats sur cette course, la dernière avant la Mini-Transat, me donnent confiance et me font plaisir, c’est sûr. »
Hugo Dhallenne (979 – Jade) :
« Ce n’était pas du tout comme on avait prévu. On pensait avoir beaucoup de vent et on n’en a pas eu. Un groupe est resté collé au départ et ça c’est aussi fini dans la pétole mais on s’est fait un beau match à quatre après SN-1, avec Matthieu, Félix et Paul. Ça a été super intense. Franchement, c’était top. On pensait passer moins de temps sur l’eau, du coup on n’avait pas prévu beaucoup de bouffe, pas beaucoup de flotte… On a eu peu manqué à la fin et on n’a pas beaucoup dormi non plus alors on arrive bien cramé. Une deuxième place au général, c’est super. Ça avance dans le bon sens. »