Erwan Le Mené en Proto, Matthieu Vincent en Série
La première étape de la 17e édition de la Transgascogne (270 milles entre Les Sables d’Olonne et Laredo via l’île d’Yeu et la bouée SN-1, située à l’embouchure de la Loire) s’annonçait délicate, notamment dans sa dernière partie, avec comme souvent à l’approche des côtes espagnoles en période estivale, bien des incertitudes concernant l’intensité du vent. La molle que les Ministes redoutaient s’est finalement installée au large de la côte Cantabrique. Les derniers milles de ce premier acte ont donc été un peu plus longs que prévu puisque si on attendait les premiers dans la nuit, ils ne se sont présentés qu’en fin de matinée sur la ligne d’arrivée, mais surtout, ils ont rebattu les cartes, les retardataires ayant été moins ralentis. Chez les Proto, le trio Erwan Le Mené (800 – Rousseau clôtures) / Axel Trehin (945 – Cherche partenaire) / Tanguy Bouroullec (969 – Cerfrance) n’a, certes, pas franchement subi la pression de ses adversaires, mais son ordre est resté incertain jusqu’à la fin. Chez les Série, Matthieu Vincent (947 – L’Occitane en Provence), qui a dominé la course de la tête et des épaules et qui a compté jusqu’à six milles de bonus sur son dauphin, a vu son avance fondre comme neige au soleil, et Ambrogio Beccaria (943 – Geomag) terminer seulement six minutes et 53 secondes derrière lui. Dans une catégorie comme dans l’autre, le suspense reste donc entier avant le match retour !
« On savait en partant que ça ferait l’élastique. Que ça partirait par devant au début, et que ça se resserrerait à la fin. C’est exactement ce qui s’est produit », a commenté Ambrogio Beccaria (943 – Geomag). De fait, sur les deux premiers tiers du parcours, ceux qui ont réussi à s’installer aux avant-postes d’emblée n’ont eu de cesse de creuser l’écart jusqu’à ce que la situation s’inverse, à l’approche des côtes Espagnoles, avec la multiplication de petites masses orageuses d’abord, et l’installation de la molle ensuite. « La fin n’a pas été simple, la faute à un vent assez erratique. Il y a eu de grosses différences de pression et d’angle. On n’était pas très loin les uns des autres, mais ça suffisait à ce qu’on n’ait pas toujours la même chose », a commenté Axel Trehin qui s’est offert un très beau match à trois avec Erwan Le Mené et Tanguy Bouroullec, quasiment tout au long de ce premier round. « Ça croisait et ça décroisait, à toucher le tableau arrière de l’autre. C’était vraiment un bon moment de régate », a détaillé le skipper de Rousseau clôtures qui a finalement remporté la mise après avoir pourtant connu une petite mésaventure lors de la procédure de départ. « J’ai effectivement pris un gros coup de stress en sortant de Port Olona, parce qu’après avoir mis la grand-voile, j’ai allumé le pilote et là : rien. J’ai essayé une fois, deux fois, trois fois… toujours rien. C’est en fait un fil qui s’était dessoudé à l’intérieur. Dans les 5 minutes avant le coup d’envoi, je me suis donc retrouvé avec le fer à souder. J’ai réussi à finir juste à temps, et je suis parti comme j’ai pu. Il s’avère que ce n’a pas été si mal », a détaillé le Morbihannais qui a exploité au mieux le potentiel de son plan Lombard à nez pointu dans les petits airs. « Quand c’étaient les conditions du bateau, j’en ai profité mais je savais qu’il y aurait aussi des bords où Axel (Trehin) et Tanguy (Bouroullec) seraient avantagés à leur tour. J’ai vraiment pris l’avantage lors de la dernière nuit. J’ai faussé compagnie aux copains et j’ai pris pas mal d’avance. J’ai pensé que c’était plié… mais pas du tout », a souligné Erwan qui a vu ses deux principaux adversaires revenir dangereusement, notamment au niveau du cap de Quejo. « Je me suis arrêté sous la pointe. Arriver premier sur la ligne a été un soulagement », a déclaré Erwan Le Mené qui a alors signé sa première victoire de la saison, mais qui ne s’emballe pas pour autant, bien conscient que l’étape retour sera décisive. « Au classement, c’est comme si on était à égalité mais je suis content car la vitesse est là, et l’envie aussi », termine le skipper de Rousseau clôtures qui compte respectivement 4 minutes et 6 secondes d’avance puis 25 minutes et 47 secondes sur les deuxième et troisième.
En rafale à Laredo
Des écarts presque identiques à ceux que l’on retrouve finalement chez les bateaux de Série, même si, dans cette catégorie, le scénario s’est avéré bien différent. Et pour cause, Matthieu Vincent (947 – L’Occitane en Provence) a, lui, fait preuve d’une vraie maîtrise lors de cette première manche qu’il a largement dominée. « Clairement, on ne l’a pas vu de la course », a concédé Ambrogio Beccaria (943 – Geomag) qui a laissé filer son concurrent d’entrée de jeu. « Comme on savait que ça partirait par devant au début, j’ai essayé de prendre un bon départ et de tout de suite attaquer fort », a indiqué Matthieu de son côté qui s’est, de fait, installé aux commandes de la flotte des Série dès les premières longueurs en baie des Sables d’Olonne, et qui a parfaitement ajusté sa trajectoire au gré des variations du vent sur l’ensemble du tracé, aucune grande option n’ayant été à jouer. « Je suis super content de gagner cette première étape mais j’avoue que quand j’ai vu Ambrogio (Beccaria) revenir la nuit dernière, j’ai eu plus que des sueurs froides. Je voyais les milles disparaitre les uns après les autres et je me disais que ce n’était pas possible… », a relaté le skipper de l’Occitane en Provence qui a compté plus de six milles d’avance sur son poursuivant le plus proche hier soir, avant de le voir revenir à vitesse grand V dans la nuit grâce à un décalage dans le nord. « Au final, ça s’est joué à vraiment pas grand-chose. C’était intense, pour les nerfs surtout, mais ça restera une super expérience pour moi. On savait que ça tamponnerait sur l’Espagne, mais j’ai essayé de ne pas me prendre la tête avec ça. Je m’en sors bien », a ajouté l’architecte naval de 26 ans qui n’a pas volé sa victoire, sa première sur le circuit des Mini 6.50. « Je suis hyper content. Je me suis beaucoup entraîné cette année et je sens que ça a bien progressé », a commenté Matthieu qui affiche une avance de 6 minutes et 53 secondes sur l’Italien Ambrogio Beccaria et une marge de 30 minutes et 52 secondes sur Hugo Dhallenne (979 – Jade) qui complètent le podium. « On fera les comptes à la fin », a assuré le leader chez les Série, qui a bien noté que derrière, ça se bouscule au portillon puisqu’un groupe de 18 concurrents se tient en moins d’une heure.
Ils ont dit:
Axel Trehin (945 – Cherche partenaire) :
« C’était génial et hyper intéressant. On a fait un beau match à trois et c’était super à vivre, mais j’avoue que ce matin, quand Erwan nous a décollé dans la molle et que je nous voyais aussi loin, je me suis dit que le général était peut-être plié d’entrée. Je n’ai pas lâché pour autant, au contraire. J’avais l’espoir qu’il se colle dans la molle sous la pointe à l’arrivée, et c’est ce qui s’est passé. Au final, il n’y a pas d’écart. C’est balle au centre. Ça n’a pas été simple. Le vent était assez erratique. Il y avait des grosses différences de pression et d’angle. On n’était pas très loin les uns des autres, mais des fois, ça suffisait à ce qu’on n’ait pas la même chose. Comme on a des bateaux très différents, certains ont des points forts à certains moments et parfois des points faibles. Typiquement, il y a eu beaucoup de petit temps sur cette étape et c’est vraiment l’atout du 800. Ça a été dur de doser l’énergie du bonhomme, mais c’est génial que tout reste à faire dans la deuxième manche. »
Tanguy Bouroullec (969 – Cerfrance) :
« C’était une super étape, avec une belle bagarre. Au final, il n’y a pas énormément d’écarts. C’était vraiment intéressant. Je découvre un peu les angles du bateau et le fait d’avoir deux bateaux à côté de moi, c’était parfait voir comparer les caps et les vitesses. Ça a été un peu chacun son tour. Ça s’arrêtait, ça repartait… On a eu des mégas orages dans la journée d’hier. A un moment, je suis resté scotché sous la pluie pendant une demi-heure… A la fin, j’ai vu Erwan qui était complètement tanqué. J’ai vu du vent en dessous et j’ai essayé de glisser mais ça n’a pas marché. Je me suis collé complet sous la falaise… bon, au moins, j’ai essayé (rires) ! En tous les cas, c’était vraiment chouette. Maintenant on va voir ce que ça donne sur la manche retour. »
Marie Gendron (930 – Cassiopée – SNCF) :
« J’ai bien raté mon départ. En fait, je fais partie de ceux qui sont sortis les derniers du port, et j’ai à peine eu le temps d’arriver que la procédure de départ a été lancée. Du coup, je n’ai pas trop su quelle voile envoyer. J’ai fait comme j’ai pu, mais il a ensuite fallu que je remonte toute la flotte. Il se trouve que ça a bien marché. Le bateau allait vraiment bien dans les conditions qu’on a eu, ce qui m’a permis de revenir aux avant-postes. A un moment donné, je me suis rendue compte qu’il n’y avait plus que le trio Le Mené / Trehin / Bouroullec devant moi et ça m’a fait du bien au moral. La nuit dernière a été compliquée car il y a eu pas mal de masses orageuses. Je m’en suis pris une méchante et j’ai tout éteint. Je suis contente d’avoir réussi à tirer mon épingle du jeu là-dedans. Quatrième, c’est bien. Je reste à moins d’une heure du premier, ce qui me permet d’envisager de jouer encore lors de la deuxième manche, c’est super. »
Ambrogio Beccaria (943 – Geomag) :
« On n’a pas vu Matthieu (Vincent) de la course, il a vraiment très bien navigué. C’est seulement à la fin que j’ai réussi à revenir. Lui, il a pris un super départ et moi, pas du tout. On savait en partant que ça ferait l’élastique : que ça se tendrait au début et que ça se détendrait à la fin. C’est effectivement parti par l’avant violemment dans la première partie du parcours et à la fin ça a été compliqué avec de la molle. C’est très souvent le cas lors de l’atterrissage sur les côtes espagnoles. Je me suis activé sur le bateau et ça a payé. Je suis bien remonté. Il n’y avait pas beaucoup de coups à faire mais j’ai réussi à faire les bons choix dans la masse orageuse. Je suis très content car il n’y a que 6 minutes et des poussières d’écarts entre le premier et moi, alors qu’à un moment j’ai imaginé qu’il y aurait des heures et des heures ! »
Hugo Dhallenne (979 – Jade) :
« La flotte s’est bien détendue et s’est bien recompactée à l’arrivée en Espagne. C’est un scénario qui n’est jamais simple à gérer quand on a passé deux jours à se battre et que tout disparaît. Quand tout repart à zéro, il faut réussir à se remettre dedans et à ne pas se démobiliser. J’ai réussi et je suis content. Les deux premiers ont un peu d’avance et derrière, c’est très serré. Le jeu va rester très ouvert pour la deuxième étape. J’ai un bateau qui ne va pas vite dans le petit temps, j’ai donc dû bien m’arracher les cheveux pour rester devant. Une troisième place, ça fait évidemment plaisir mais si on pouvait avoir du vent de travers assez fort pour le retour, ce serait vraiment très bien. C’est, en tous les cas, ce que j’espère. »