Depuis la création de La Solitaire il y a cinquante ans, plus de 630 skippers ont participé au moins une fois à cette course extrêmement exigeante, véritable école de la course en solitaire. Tous ont conservé une marque indélébile de cette épreuve physique et mentale cumulant quatre étapes en un mois, soit entre 1 500 et 2 000 milles. Et nombre d’entre eux ont continué leur carrière nautique sur des projets internationaux comme la Route du Rhum – Destination Guadeloupe, la Volvo Ocean Race, le Vendée Globe, les transats anglaises ou Jacques Vabre… La Solitaire URGO Le Figaro reste toujours le tremplin hexagonal de la course au large !

Ils ont nom Philippe Poupon, Jean Le Cam, Christophe Auguin mais aussi Alain Gautier, Michel Desjoyeaux, Loïck Peyron (qui seront présents cette année à Nantes) ou Franck Cammas, Charles Caudrelier, Pascal Bidégorry, tout comme Armel Le Cléac’h, Jérémie Beyou, Yann Éliès, Adrien Hardy, Morgan Lagravière, Thomas Ruyant… Presque tous couronnés autour du monde en solitaire avec le Vendée Globe ou le BOC Challenge, ou en équipage avec la Volvo Ocean Race ! Victorieux au final ou vainqueurs d’étapes de La Solitaire, mais de toutes façons adeptes de cette épreuve atypique française qui n’a pas d’équivalent au monde.

Un rythme particulier

Car La Solitaire URGO Le Figaro reste l’une des plus anciennes compétitions à la voile en solitaire, fêtant sa cinquantième édition en 2019 avec un nouveau support monotype, le Figaro Bénéteau 3 que tous s’accordent à trouver « exigeant, physique, technique. ». Or c’est non seulement le bateau qui impose de grandes qualités régatières (en Half-Tonner puis en monotype), mais surtout le format de cette course qui cumule les temps des étapes : il ne suffit pas de faire un coup d’éclat, il faut jouer la régularité, être présent aux avant-postes du départ à l’arrivée par quatre fois. Encaisser la fatigue, combattre le sommeil, rester concentré, anticiper les manœuvres, contrôler ses concurrents, exploiter la moindre bascule de vent, titiller la roche ou partir au grand large en catimini…

Bref, cette course n’a été remportée que deux fois par un novice : en 1970 par Joan de Kat et en 1988 par Laurent Bourgnon. C’est dire s’il faut s’y prendre à plusieurs fois : Jean-Paul Mouren fut le plus assidu avec 28 participations ! Et cette année, Gildas Morvan entame sa 22ème Solitaire… Et ils sont nombreux encore cette année à cumuler plus de dix participations : Alain Gautier (18ème venue), Yann Éliès (18ème), Jérémie Beyou (17ème), Michel Desjoyeaux (13
ème), Armel Le Cléac’h (11ème), tous anciens vainqueurs mais aussi Alexis Loison (14ème), Corentin Douguet (10ème), Adrien Hardy (10ème).

La connaissance du format est en effet un atout non négligeable pour scorer : il faut marquer les esprits dès les premiers milles, prendre l’ascendant dès la première étape, enfoncer le clou lors des suivantes et frapper un grand coup pour l’ultime manche. Car La Solitaire URGO Le Figaro est certes une course physiquement prégnante, mais c’est surtout une épreuve mentale, une compétition où il ne faut rien lâcher même lorsqu’on se retrouve dans les profondeurs du classement à la sortie de la première baie… Persévérer, anticiper, se dépasser, telle est la trilogie de cette épreuve !

Sangliers et renards

C’est cette difficulté que viennent chercher les novices, anciens de la Mini Transat ou amateurs éclairés. Ils sont ainsi douze bizuths pour cette cinquantième édition à s’engager dans ce véritable combat, dont deux femmes : Clarisse Crémer et Cassandre Blandin aux côtés de la Suisse Justine Mettraux (4ème participation), de la Française Cécile Laguette (4ème) et de l’Irlandaise Joan Mulloy (2ème). Si la victoire finale n’est pas la priorité pour elles et eux, le classement spécial « bizuth » reste l’objectif majeur avec la volonté de s’immiscer dans le « top ten » comme l’ont réussi nombre de leurs prédécesseurs tels Christophe Auguin, Franck Cammas, Charles Caudrelier, Pietro d’Ali, Michel Desjoyeaux, Marc Emig, Morgan Lagravière, Jean-Luc Nélias…

Or La Solitaire URGO Le Figaro a, depuis l’adoption du monotype Figaro Bénéteau en 1990, favorisé les « sangliers », ces coureurs qui construisent mètre par mètre les écarts, qui ne lâchent pas la barre, qui sur-toilent leur monture plutôt que de prendre un ris, qui se donnent des claques pour ne pas dormir. Une technique qui a porté ses fruits pendant des décades : ne pas quitter le groupe, naviguer en meute, s’extirper pas à pas… Mais est-ce que les performances très différentes du Figaro Bénéteau 3 ne vont pas changer la donne ? Est-ce qu’il ne faudra pas jouer « renard », c’est-à-dire viser des phénomènes météo à moyen terme en quittant la flotte par petits paquets de deux, trois, cinq solitaires ?

Le scénario des deux premières étapes de cette 50ème édition qui privilégie les grands bords de plus de trois cent milles est ainsi loin d’être écrit. Anciens vainqueurs, récidivistes, jeunes talents comme novices ont toutes leurs chances sur ce parcours entre Nantes, Kinsale, Roscoff et Dieppe tant qu’ils ont trouvé les bonnes manettes : « la vitesse rend intelligent », disait Gilles Gahinet. S’imposer sur cette Solitaire URGO Le Figaro s’annonce donc particulièrement délicat, sur une étape comme au général : le vainqueur sera forcément un très grand marin… et ses acolytes aussi ! Car finir dans le « top ten » face à un plateau aussi exceptionnel que cette année, sera déjà un exploit.

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