Pas de plan B pour Thomas Ruyant !
En début de semaine, Thomas Ruyant s’est rendu à Bergame (Italie) au chantier Persico, pour constater l’état d’avancement de son futur IMOCA, un plan Verdier qui devrait être transféré à Lorient en juin prochain avant son lancement fin juillet. En parallèle, le skipper nordiste poursuit activement la recherche d’un ou plusieurs partenaires principaux prêts à le suivre dans sa deuxième campagne pour le Vendée Globe.
Vainqueur de grandes épreuves en Class40 (Route du Rhum 2010), en Figaro (Transat AG2R 2018 avec Adrien Hardy) et en Mini 6.50 (Mini Transat 2009), Thomas est aussi très expérimenté en IMOCA et porteur d’un projet très performant. Il a donc de sérieux arguments à faire valoir. Rencontre.
Lundi dernier, au chantier Persico, tu as vu pour la toute première fois la coque et le pont de ton futur IMOCA. Quelles ont été tes impressions ?
« Très bonnes ! Cela fait un an que nous réfléchissons à cette machine avec l’architecte Guillaume Verdier. C’est très sympa de se confronter réellement à ce que nous voyons sur les plans depuis des mois, et de partager cela avec mon équipe et les employés du chantier. Je ne suis pas un spécialiste du composite mais je constate une qualité de finition remarquable. Les niveaux d’expertise et de technicité sont hyper élevés et les timings parfaitement respectés. Cette visite a confirmé que Persico ne laisse rien au hasard. Tout est nickel sur le chantier, on a l’impression d’entrer dans un laboratoire. C’est très rassurant quand on sait ce que devra endurer ce bateau. Persico est l’un des meilleurs chantiers composite au monde, c’est logique qu’aujourd’hui il construise l’un des monocoques les plus rapides de la planète ! »
Ce chantier n’a pourtant construit qu’un seul IMOCA à ce jour, l’ex No Way Back de Pieter Heerema (racheté depuis par Fabrice Amedeo)…
« Effectivement mais ils ont produit des bateaux de l’America’s Cup, de la Volvo ou encore des grands monocoques comme les TP 52. L’expertise de ce chantier est reconnue. Il n’a pas l’habitude de travailler sur des bateaux qui font le tour du monde mais on leur demande de construire une boite composite, pontée et structurée. Pour le reste, notre équipe prendra le relais. »
« On pousse les architectes dans leurs retranchements »
Peux-tu faire un point sur l’avancement de la construction ?
« La coque est terminée, la structure à l’intérieur du bateau le sera prochainement. En parallèle, le pont est également en train d’être finalisé. Les foils sont en construction chez Persico. J’ai vu les moules, c’est assez impressionnant ! La quille et le mât, des pièces monotypes, sont construits en France. Nous travaillons avec beaucoup de fournisseurs : North Sails pour les voiles, Karver pour l’accastillage, Mad Intec pour l’électronique et le pilotage… Toutes les pièces sont prêtes ou en construction et le puzzle va bientôt s’assembler. L’intégration des systèmes et la pose de l’accastillage se feront en partie à Persico pour gagner du temps. Courant juin, le bateau sera transféré à Lorient. Il faudra ensuite compter un gros mois pour l’assemblage de la quille, du mât et les derniers détails avant la mise à l’eau prévue fin juillet ou au plus tard début août. »
Que peux-tu nous révéler sur les choix architecturaux de ton IMOCA ?
« Sans surprise, il a été dessiné autour des foils. Nous avons dessiné un bateau robuste et très structuré. L’objectif n’est pas d’être les plus rapides dans les Courreaux de Groix mais de disposer d’un bateau polyvalent pour tenir une bonne vitesse moyenne autour du monde. Ce que je peux dire c’est que la carène est plus tendue que sur les IMOCA de la génération précédente et que les foils sont typés portant VMG. »
La stabilité devient un enjeu essentiel sur ces bateaux construits autour des foils…
« Tout à fait. Le bateau doit être stable pour rester vivable. On le ressent dans le dessin de carène de Guillaume Verdier. Les IMOCA deviennent extrêmes, violents. Le skipper est le point faible, il faut augmenter sa capacité à utiliser ce genre de machine au maximum de son potentiel. Il faut donc préserver le marin, c’est pourquoi nous avons soigné l’ergonomie du cockpit et l’intérieur du bateau. »
Pour le moment, un seul IMOCA de dernière génération est à l’eau, le Charal de Jérémie Beyou. D’après ce que tu décris, ton bateau semble assez différent…
« Oui, il y a des divergences notables au niveau des formes de carène et de foils car les bateaux ont des philosophies différentes. Lors du dernier Vendée Globe, tous les IMOCA neufs avaient été dessinés par la même association d’architectes (VPLP-Verdier). Les bateaux n’étaient pas identiques bien sûr mais on trouvait tout de même beaucoup de similitudes. La donne sera bien différente en 2020 puisque quatre architectes travaillent sur des prototypes neufs. Ils vont très loin dans la réflexion pour la conception de ces futurs IMOCA et on les pousse dans leurs retranchements. Il y aura de vraies différences entre les bateaux, chaque mise à l’eau sera une surprise. »
D’autant plus que vous en révélez très peu, et qu’une culture du secret prévaut quant aux choix des uns et des autres !
« Effectivement, on ne veut pas tout dévoiler sur nos prototypes car les enjeux sportifs, techniques et financiers sont importants. On a un aperçu avec Charal de la façon dont fonctionneront nos bateaux, à quel point ils seront difficiles à mener. La certitude c’est que tout le monde aura des grands foils. L’IMOCA le plus proche du mien devrait être l’Apivia de Charlie Dalin, Il est dessiné par le même architecte, à partir de la même base de plan. »
« La voile, ce n’est plus la danseuse du patron »
Actuellement, c’est la recherche de partenaires qui occupe le principal de ton temps…
« Oui, c’est LE gros dossier du moment pour moi. Nous avons pris le problème dans l’autre sens en lançant la construction du bateau (grâce à des investisseurs) avant de trouver le ou les partenaires principaux. Nous n’avions pas le choix si nous voulions porter un projet très performant avec un bateau de dernière génération. Nous proposons un projet unique, clé en main, avec un fort potentiel, une équipe constituée, un superbe bateau. Il suffit d’appuyer sur le bouton pour vivre l’aventure avec nous. On connaît le niveau de retombées du circuit IMOCA et du Vendée Globe, le retour sur investissements pour une entreprise n’est plus à démontrer. La voile est parfois vue comme la « danseuse du patron » mais là ce n’est plus du tout le cas, il y a de vrais projets stratégiques derrière. Pour nous accompagner jusqu’au Vendée Globe 2020, nous avons besoin de 4 à 5 millions d’euros répartis sur trois exercices. »
Te verra-t-on au départ de toutes les courses des IMOCA Globe Series ?
« Compte tenu du timing, il sera très compliqué de participer à la Rolex Fastnet Race (départ le 3 août prochain). Mais je ne louperai pour rien au monde la Transat Jacques Vabre. Le plateau va être énorme. Ce sera une occasion idéale pour découvrir et fiabiliser le bateau en double, mais aussi pour se qualifier au Vendée Globe. Je serai aussi au départ des deux transats en 2020, The Transat et la New York-Vendée. »
Quelle deadline te fixes-tu pour trouver un partenaire principal ?
« Je ne m’en fixe pas car je suis très confiant. Il n’y a pas de plan B, que des plans A. Je serai au départ du prochain Vendée Globe ! »