Un alizé à géométrie variable
La flotte des 52 solitaires toujours en course sur la Route du Rhum – Destination Guadeloupe, 19 jours après le départ de Saint-Malo connait un Atlantique contrasté, selon qu’ils naviguent entre Antilles et Madère, ou dans les parages de l’archipel des Canaries.
Composée ce matin de 1 Ultime, 5 IMOCA, 28 Class40, 10 Rhum Multi et 8 Rhum Mono, cette armada progresse dans un alizé d’Est-Nord-Est soufflant à près de 20 nœuds sur l’arc antillais, plus orienté à l’Est et autour de 15 nœuds entre le 50ème et 30ème méridien, et qui tourne franchement au nord pour 8 à 20 nœuds au Nord-Ouest des Canaries. Le bonheur de la glisse, sur une mer enfin apaisée, met en joie nombre de coureurs, toutes classes confondues en approche de la Guadeloupe. Les arrivées vont en effet se multiplier tout le week-end et les Guadeloupéens vont pouvoir admirer pêle-mêle la formidable diversité des bateaux engagés cette année. Ultime, IMOCA, Rhum Mono, Rhum Multi et naturellement nombre de Class40 sont désormais attendus au pied du Mémorial ACTe de Pointe à Pitre.
Etienne Hochedé (PIR2) est ce matin venu compléter d’admirable manière le podium des multicoques de la Catégorie Rhum Multi. Il devance d’un peu plus d‘un jour le Méditerranéen Jean-Pierre Balmès (Solveo Energie Nouvelle), en route directe à bord de son catamaran vers la Tête à l’Anglais, et qui, s’il témoigne d’une forte envie d’arriver, profite à plein de somptueuses heures de navigation, particulièrement la nuit, sous une lune parfaite et sur une mer à la belle houle bien allongée.
L’arrière de la flotte va, elle, devoir s’extirper de l’influence de la dorsale anticyclonique pour éviter les pièges des zones de vents faibles et garder un flux de Nord favorable pour glisser vers le Sud à la recherche de l’alizé. Ce dernier va devenir très instable en direction des Antilles, en tournant davantage vers le secteur Est pour 15 à 22 nœuds. Ainsi Christophe Souchaud (Rhum Solidaire Cap Handi), 7ème en catégorie Rhum Mono craint-il les prochaines 24 heures. Sa progression au Sud vers l’alizé semble pour l’heure compromise par les calmes. Qu’importe, Christophe, soutenu par son routeur à terre Denis Hugues, fait preuve d’un moral à toute épreuve, et profite à fond de chaque seconde de liberté seul sur l’océan.
Et c’est toujours cette étonnante Catégorie Rhum, porteuse de l’héritage et de l’esprit de la Route du Rhum de 1978, qui fait aussi l’actualité sportive du jour. La bagarre pour le gain de la troisième place du groupe des monocoques de la catégorie atteint ce matin un belle intensité à 780 miles de l’arrivée. Luc Coquelin (Rotary/La mer pour tous), à la faveur d’une remarquable descente dans le lit du vent, sous spi, à bord de son Open 50, navigue à vue de Jean-Marie Patier (Formatives Network). Le skipper du Cigare Rouge a vu son avance fondre ces dernière 36 heures, et il doit désormais accepter de régater au contact avec son redoutable adversaire Guadeloupéen, qui connait comme sa poche les pourtours de l’archipel. Jean-Marie garde aussi un œil sur un troisième larron, tout aussi redoutable, en la personne de Wilfrid Clerton (Cap au Cap Location SOS Villages d’enfants), certes moins performant en cap dans la glissade sous spi vers Pointe à Pitre, mais qui joue à fond la carte de la vitesse, à moins de 11 milles du Cigare Rouge.
Le final entre ces trois hommes aux montures et aux profils si dissemblables s’annonce palpitant lundi prochain. Leur diversité et l’âpreté de leur lutte fait véritablement honneur à cette catégorie Rhum. Et comme le souligne Christophe Souchaud, « l’important, c’est l’homme, la mer et le bateau. Le rêve et le plaisir sont les mêmes pour tout le monde. »