Après un départ spectaculaire devant la pointe du Grouin dans une jolie brise de secteur Sud 20 nœuds, la flotte des 123 solitaires a rapidement pris le rythme de cette onzième édition de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe. Sébastien Josse est parti comme une fusée alors que plusieurs concurrents se sont arrêtés, soit pour réparer, soit sur problèmes techniques.

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Dernière minute : Etrave flotteur tribord arrachée à bord du Maxi Edmond de Rothschild

Peu après 5h30, Sébastien Josse prévenait son team manager d’une avarie majeure à bord du Maxi Edmond de Rothschild.  Alors qu’il naviguait en tête de la flotte de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe et réalisait un début de course remarquable le solitaire a subi un arrêt brutal. Immédiatement sur le pont, il a constaté la perte d’une partie de l’étrave de son flotteur tribord.  Il fait nuit sur zone et compte tenu de l’état de la mer – près de 4,5 mètres de houle – et du vent – 30 nœuds de Nord -, il est pour l’heure difficile de mesurer l’étendue de l’avarie.

Sébastien Josse est sain et sauf et cherche actuellement avec son équipe à terre et sa cellule de routage une solution pour rallier au plus vite la terre ferme.

En effet, l’essentiel est désormais de mettre le marin à l’abri car une nouvelle dépression va balayer le golfe de Gascogne dans les prochaines heures.
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Incontestablement, Sébastien Josse a des chevaux sous le capot : son trimaran volant s’en est donné à cœur joie pour ces premiers bords depuis Saint-Malo, parfois à près de 38 nœuds de moyenne ! Cela lui a permis de prendre la tête de cette onzième Route du Rhum-Destination Guadeloupe et de faire le break vis-à-vis de ses concurrents. De plus, le solitaire est sorti d’une zone de vents faibles le premier en milieu de nuit, alors que François Gabart, Francis Joyon et Thomas Coville peinaient encore à franchir cette molle ce lundi matin. Quant à Armel Le Cléac’h, après son arrêt express (35 minutes) à Roscoff pour régler des problèmes électriques, il comptait près de cent milles de retard…

Chez les Multi50, Erwan Le Roux a aussi dû s’arrêter à Roscoff pour circoncire un problème de safran ayant entraîné une voie d’eau, sans gravité mais pénalisante : après quatre heures de pit-stop, le skipper a repris la mer mais avec cent milles de delta sur Armel Tripon, leader depuis le coup de canon ! Ces multicoques de 50 pieds sont tous passés par le Sud de Ouessant, par le chenal du Fromveur, dans le sillage des premiers ULTIME.

Une dépression à traverser

Ce n’est pas le cas pour les monocoques IMOCA puisque la flotte s’est scindée en deux groupes avant la pointe bretonne : le Britannique Alex Thomson est ainsi le plus au Nord du groupe de tête quand Vincent Riou emmène une poignée plus compacte plus au Sud avec Jérémie Beyou et Yann Éliès. Les vitesses ont sensiblement baissé pour cause de traversée d’une dépression peu marquée, mais installée à une cinquantaine de milles de Ouessant… Et pour Louis Burton, la course est mal engagée puisque son puits de foil tribord est en vrac : il fait route vers Roscoff (ou Saint-Malo) et doit fournir plus d’explications en matinée.

Côté Class40, la renverse de marée à Ouessant a incité le leader Louis Duc à passer au Nord du DST (Dispositif de Séparation du Trafic) avec Maxime Sorel dans son sillage… Mais par le Sud, Yoann Richomme et Luke Berry tentent de s’extirper les premiers de cette molle dépressionnaire : ils devraient redémarrer au lever du jour. Et peut-être retrouver Fabrice Payen qui mène la danse parmi les Rhum Multi, le skipper ayant choisi de se décaler un peu plus au Nord sur la route directe (orthodromie). Enfin, notons que le Guadeloupéen Willy Bissainte a dû être remorqué des Sept Îles à Roscoff, suite à un échouement imprévu devant Perros-Guirec.

La flotte s’est donc bien étirée lors de cette première nuit noire (nouvelle lune le 7 novembre…) puisqu’on comptait plus de 250 milles entre le leader Sébastien Josse au milieu du golfe de Gascogne et Laurent Jubert au large de Perros-Guirec… Les prévisions météorologiques annoncent une grosse dégradation des conditions de navigation : le vent de Nord-Ouest au large des côtes bretonnes doit passer à l’Ouest puis au Sud-Ouest fort en soirée de lundi.

« Ils ont dit » vacations audios du PC Course) à 3H30 TU :

Armel Le Cleac’h, Maxi Solo Banque Populaire IX (Ultime)

« J’ai fait un arrêt express à Roscoff. J’ai dû m’arrêter réparer la pièce cassée avant le départ. Je suis reparti derrière. Je suis un peu décroché, mais je vais traverser cette dépression pour avoir du vent plus soutenu derrière, du vent de Nord Ouest. Ce n’est pas simple ; entre les fichiers qu’on analyse et le vent qu’il y a sur l’eau, il y a pas mal de choses différentes. On essaie de trouver le meilleur passage pour aller chercher le vent de Nord Ouest derrière. Il y a pas mal de monde sur l’eau, pas mal de traffic. On va essayer de ne pas prendre trop de retard par rapport aux conditions qui arrivent derrière et qui vont donner un peu plus de mer et de vent. On va essayer de se sortir de là mais c’est sûr que pour le moment on est plutôt en mode chasseur. Il faut être patient ».

Jérémie Beyou, Charal (IMOCA)

« On est dans la molle, dans la dépression qu’on essaie de contourner tant bien que mal. On la prend au portant visiblement. Il n’y a pas beaucoup de vent en ce moment. On a bien progressé jusqu’à Ouessant mais là c’est pénible. Il y a énormément de traffic mais pour une fois les cargos ont été sympas. Il y a une bonne coordination avec le Cross, il n’y pas pas de souci majeur ce côté là. On est entrain de sortir de l’axe du traffic, ça va aller mieux. Je ne sais pas trop où sont les autres, je ne reçois pas de classement. Ca va rentrer vite et fort. J’essaie de prévoir le coup, de tout attacher, la descente du Golfe qui va être un peu tonique ».

Louis Duc, Carac (Class40)

« Il y a un petit centre dépressionnaire devant nous qu’on veut essayer de traverser le plus vite possible dans l’Ouest pour essayer de récupérer le vent de Nord. Ca ne va faire que mollir tout au long des heures qui vont venir. Il y a forcément un petit peu de mer mais on s’attendait à plus que ça quand même. On est dans le raisonnable et au fur et à mesure des heures ça ne va faire que mollir en vent et en mer. On est parti assez tranquillement, en faisant chaque manœuvre sans prendre de risque et tout se passe pas mal. Je vais tout droit, c’est comme ça qu’on ne prend pas de risque. Il fait nuit noire, ce n’est pas engageant. Tout a l’heure il y aura moins de vent et on pourra faire un petit tour du bateau et le préparer pour les jours qui viendront. »

Yoann Richomme, Veedol (Class40)

« Cette première nuit a été intense parce qu’on a fait 4 changements de voile déjà. On a passé un secteur de vent à 25 nœuds. On est en approche d’une dépression qui était prévue, je viens d’envoyer le spi. C’est toujours un exercice un peu périlleux mais tout s’est bien passé et j’ai l’impression que je ne suis pas trop mal positionné. On est dans une nuit noire, c’est compliqué, on ne voit rien du tout. On commence à croiser les cargos, il va falloir être en veille. Il y aura un vent un peu erratique mais là ça se stabilise. On enchaîne déjà des petits passages de fronts dès ce soir. Il va y avoir du travail toute la journée. J’ai réussi à manger un tout petit peu. J’étais un peu patraque, l’estomac retourné. Les stratégies ne sont pas faciles, ça demande pas mal de temps ».

Dominique Dubois, Gheo (Rhum Mono)

« J’ai réussi à dormir par petites tranches d’une demie heure à droite à gauche. La flotte s’étire mais avec le petit train et les alarmes en route on arrive à dormir un peu. On traine avec le courant dans le nez. Ca ne va pas très vite, on est à 3,8 nœuds, 3,9 nœuds, 4 nœuds… et de temps en temps le vent remonte à 15 nœuds et là ça accélère. C’est assez confort, une bonne première mise en jambes. Je suis par le travers de Brignogan, à 32 milles de Ouessant. La renverse de marée va nous aider à passer dans des cadences un peu plus élevées. On va passer de 4 à 6 nœuds. Dans 4 heures on sera à Ouessant, entre Ouessant et le DST je pense. On va passer par l’extérieur. En fonction des prochaines météo, je verrais si je fais un stop à Douarnenez comme certains font un stop à Roscoff. La première dépression ne m‘inquiète pas, la seconde plus. Le problème c’est que quand on s’arrête on ne sait pas quand on repart ».

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