Le grand film de la Solitaire
36 skippers dont 5 femmes et 8 bizuths mais… aucun ancien vainqueur au départ du Havre. Le jeu était ouvert sur cette 49ème Solitaire URGO Le Figaro, la dernière du Figaro Bénéteau 2. Sur les 1563 milles réellement effectués en quelques 10 jours de mer, Sébastien Simon (Bretagne CMB Performance) a imposé son tempo et fait preuve d’un véritable ascendant psychologique sur ses concurrents. Il devance Anthony Marchand (Groupe Royer-Secours populaire), très beau deuxième qui remporte lui aussi deux étapes. Et c’est Charlie Dalin (Skipper Macif 2015) qui complète le podium, son cinquième consécutif… Révélation au classement Bizuth, Thomas Cardrin (Team Vendée Formation) rentre dans un « top dix » indécis jusqu’au bout.
Du Havre à Saint-Brieuc : Casque lourd et mistoufles !
Parcours : Le Havre, Ouest Pullar, Wolf Rock, Grand Basse de Portsall, Saint Brieuc. 473 milles
Pas de tour de chauffe pour les 36 Figaristes cette année. Les premiers 150 milles de cette Solitaire sont une entrée en matière très musclée dont certains se seraient bien passés. 20 noeuds de vent au départ donné sous spi pour un très beau spectacle, 30 noeuds deux heures après. Et des pointes à 45 avec des vagues de 3 mètres au passage de la bouée Ouest Pullar, au pied des côtes anglaises… La Manche est avalée en moins de 6 heures dans une chevauchée sous spi à la limite du raisonnable. Les dégâts sont nombreux avant même de doubler l’île de Wight. Safran délaminé pour Nick Cherry (RedShift), grand voile déchirée pour Eric Delamare (Région Normandie), barres de flèches cassées pour Thomas Dolan (Smurfit Kappa) et Gildas Mahé, dans le trio de tête au moment d’entamer le louvoyage. Le skipper qui débarque cette année avec un projet bien ficelé sous les couleurs de Breizh Cola voit toutes ses chances de bien figurer s’envoler. Tout comme Frédéric Duthil (Technique Voile) qui relâche à l’île de Wight, drisse de grand-voile cassée…
En tête, on retrouve les favoris de l’épreuve bien groupés : Anthony Marchand, Charlie Dalin , Xavier Macaire (Groupe SNEF) mais aussi Sébastien Simon qui après un mauvais départ remonte la flotte comme un avion. Alexis Loison (Custo Pol) et Corentin Douguet (NF Habitat) complètent le petit groupe de gros bras qui file vers Wolf Rock à la pointe de la Cornouaille. Sans transition, les skippers passent du louvoyage musclé à une brise qui s’évapore et les laisse en rade au dessus du DST des Casquets. Chacun lance sa pièce en l’air ! Partir à la côte comme Corentin Douguet, Sébastien Simon, Anthony Marchand ou encore le jeune Alan Roberts (Seacat Services) très en verve en ce début de course. Ou bien plonger au large comme Erwan Tabarly (Armor Lux), Thierry Chabagny (Gedimat) ou Eric Péron (Finistère Mer Vent). Charlie Dalin, lui, ménage le chèvre et le chou au milieu du plan d’eau et voit partir le groupe du Nord qui accroche le premier une légère brise et se retrouve à Wolf Rock avec plus de 10 milles d’avance. Coup de théâtre au pied du phare. La brise abandonne le groupe des quatre, stoppé net dans le ressac du plateau rocheux. Les retardataires recollent et à l’issue de la troisième nuit, à l’atterrissage sur la Grande Basse de Portsall, ils sont dix alignés comme pour un nouveau départ après 360 milles de course ! Le parcours est réduit. Exit Guernesey, la baie de Saint Brieuc n’attend pas ! C’est parti pour un bord de 90 milles sous spi dans les cailloux du Finistère Nord et sous le soleil revenu. Les grands paquets d’algues ont raison de la vitesse de certains, notamment Corentin Douguet et Martin Le Pape. C’est finalement Anthony Marchand qui coupe le premier la ligne devant Saint Quay Portrieux. Prophète en son pays, le briochin signe sa première victoire d’étape en huit Solitaires et confirme qu’il va falloir compter sur lui. Auteur d’un formidable dernier bord, Thierry Chabagny revient de loin et se place deuxième devant Charlie Dalin. Quatrième et amer, Sébastien Simon annonce à qui veut l’entendre que certains ont « cramé leur capital chance pour le reste de la Solitaire « … On découvre aussi cette nuit là un Thomas Cardrin (Team Vendée Formation) heureux, pas plus impressionné que ça par ce premier bizuthage. Il faut dire que les écarts sont dérisoires – les 10 premiers en moins de 10 minutes – et rien n’est fait, sauf pour les 8 abandons, chiffre particulièrement élevé qui en dit long sur l’exigence de cette première étape qui n’a fait qu’un premier tri.
De Saint Brieuc à Muros Noia : Tri sélectif à Ouessant
Parcours : Saint Brieuc /Nord Horaine/ Muros Noia. 520 milles
Regaillardis par la magnifique escale au port du Légué, belle découverte de cette Solitaire, les 36 skippers savent que tout reste à faire dans l’écluse qui les mène vers la ligne de départ. Les conditions sont excellentes : 12 noeuds de vent, grand soleil et c’est Vincent Biarnès qui fait le spectacle chez lui. Le skipper de Baie de Saint Brieuc passe la bouée Radio France en tête à l’issue d’un parcours côtier suivi par des dizaines de plaisanciers venus fêter les Solitaires. La suite s’avère beaucoup plus compliquée. Après un splendide coucher de soleil, le vent abandonne les Solitaires aux Héauts de Bréhat. Première nuit blanche à chasser les algues et à raser les cailloux pour se protéger du courant. Certains comme Anthony Marchand se font quelques frayeurs, d’autres comme Frédéric Duthil ou Ronan Treussart (Les perles de Saint Barth) sont décrochés. Et c’est Gildas Mahé, piqué au vif par son abandon en Angleterre qui s’échappe à la pointe de Bretagne. Il prolonge son bord sous spi vers le passage du Fromveur, le plus proche de Ouessant. Il embarque notamment avec lui Alexis Loison et Erwan Tabarly, venus eux aussi chercher les courants les plus puissants de la Bretagne. Bien inspiré, « Antho » préfère contrôler ses adversaires directs au général. Le gros de la flotte plonge avec lui dans le chenal du Four, plus proche de la côte, se fait accompagner par le courant plus longtemps et ressort avec un meilleur angle. Derrière, on trouve Pierre Leboucher (Guyot environnement) qui confirme pour sa seconde Solitaire et Charlie Dalin, toujours placé. Sébastien Simon s’accroche après une nuit difficile mais prend le bon wagon. Le vent forcit graduellement. Avant la fin de l’après-midi, les premiers surfs commencent et la sanction tombe. Le Fromveur était le mauvais choix et l’erreur, pas facile à déceler quelques heures plus tôt, coute très cher. Le trio Mahé/Loison/Tabarly ne s’en remettra pas. Les vitesses s’affolent et le golfe de Gascogne est avalé en 36 heures. Très rapide au portant, Sébastien Simon est le premier à se recaler sur la route directe dans la nuit. Il est suivi par un Eric Péron inspiré et tenace. Les empannages dans un vent monté à 30 noeuds font parfois des dégâts. Quelques spis comme celui de Pierre Leboucher partent en lambeaux, le safran de Pierre QUiroga (Skipper Espoir CEM-CS) se délamine. A l’approche du fameux cap Finisterre, le vent mollit un peu. On pense que le groupe décalé à l’Ouest et emmené par Xavier Macaire (Groupe SNEF) peut encore passer à la bordée. C’est finalement Sébastien Simon qui l’emporte dans la nuit espagnole en multipliant les empannages à la côte. Il avait annoncé à Saint Brieuc partir pour gagner. En égrénant les minutes qui le séparent de ses poursuivants devant les micros à l’arrivée, on comprend que cette victoire n’est qu’une étape dans sa quête. Le skipper de Bretagne CMB Performance s’installe en tête au général avec 26 minutes d’avance. Xavier Macaire avoue s’être « fait parfois peur dans ce golfe de Gascogne » bien secoué mais empoche la seconde place au général. Anthony Marchand reste sur le podium et Thierry Chabagny continue de jouer placé. Sept skippers se tiennent encore en 50 minutes au général. Chez les Bizuths, Thomas Cardrin confirme en s’emparant d’une jolie neuvième place, juste derrière son copain d’écurie Benjamin Dutreux.
De Muros Noia à Saint Gilles Croix de Vie : Le Roi du Golfe et l’échappée belle
Parcours : Muros Noia/ Les chiens Perrin (île d’Yeu)/ Saint Gilles Croix de vie. 410 milles
Les trois jours d’escale galicienne font du bien aux organismes et laissent le golfe de Gascogne s’apaiser. L’Anticyclone gonfle sur la France, le soleil reste fidèle à cette 49ème Solitaire Urgo Le Figaro et le retour vers Saint Gilles s’annonce comme … un chemin de croix. Chacun sait qu’il faudra être aux avants-postes dès le cap Finisterre pour espérer briller et il faut s’y reprendre à quatre fois pour lâcher la meute devant les digues de Portosin. A la sortie de la baie, les eaux de Galice ressemblent à un lac de montagne et l’ascension des nombreux cols pour entrer dans le golfe s’annonce de première catégorie. Sébastien Simon pointe à la 35ème place à la sortie de la baie, s’enfermant au large et au Sud, quand Pierre Quiroga, montre la voie du Nord en rasant les cailloux. Simon ne désarme pas, prend son piolet et s’accroche. A la fin de l’après-midi, il a remonté la moitié de la flotte et raccroche le bon paquet emmené par Frédéric Duthil et Anthony Marchand. Toute la nuit, Simon grappille les places dans le paquet, tricote en rythme à l’inverse d’Alan Roberts ou Corentin Douguet qui tentent à terre et ne s’en remettront jamais vraiment. En moins de 24 heures, après un contournement interminable de la pointe de l’Espagne, il a refait tout son retard et s’installe en tête.
La suite est une longue procession au louvoyage le long des côtes de Galice et des Asturies. Au cap Ortegal, pendant que Thierry Chabagny se fait la belle au Nord, Simon s’entête à l’Est et ne vire qu’en sentant les effluves de Gijon arriver à son étrave. Le lundi au classement de 10 heures, Thierry Chabagny a 20 milles d’avance sur la flotte. Invisible à l’AIS, le skipper de Gedimat fonce certes vers la dorsale, là où les routages d’avant-départ prévenaient du danger. Mais il ya quand même de quoi douter…. Beau joueur, Simon parle d’une « jolie option » à la vacation et reconnaît à l’arrivée qu’ « on ne peut pas surveiller tout le monde ! » C’est au petit matin du troisième jour que Sébastien Simon plante sa dernière banderille au petit groupe dans lequel il tricote depuis 48 heures. Pendant que Thierry Chabagny s’enlise dans son option, en deux risées bien négociées, Simon lâche Charlie Dalin, Gildas Mahé , Anthony Marchand et Erwan Tabarly. En pointe au centre du plan d’eau, Simon prend la poudre d’escampette mais reste menacé : dans son Ouest par Chabagny si le vent prend franchement de la gauche mais aussi sur la droite par Pierre Leboucher, accompagné de Damien Clorec (SafeRail) et Eric Péron. Simon continue de tricoter dans le bon tempo et s’impose finalement en leader aux Chiens Perrin, au Nord-Ouest de l’île d’Yeu. La suite n’est plus qu’une formalité pour le Vendéen de naissance qui ne va pas se laisser piéger sur le dernier bord par une flotte très regroupée emmenée par Pierre Quiroga et Xavier Macaire. Troisième, ce dernier conforte sa deuxième place au général. Quant à Anthony Marchand, septième, il reste sur le podium au général.
Alors, tout ça pour ça ? La montagne a-t-elle accouché une fois de plus d’une souris ? Le classement n’a en effet pas beaucoup bougé mais avec son doublé dans le Golfe, Sébastien Simon pose son empreinte sur la course. Le patron c’est lui, avec vitesse, sang froid, inspiration et un matelas de 35 minutes d’avance avant les dernières 24 heures de course. Chez les Bizuths, Thomas Dolan, malheureux dans la première étape, s’impose pour la première fois.
24 Heures Vendée Massif Marine : Vent du boulet, classement chamboulé…
Parcours : De Saint Gilles à Saint Gilles, en passant par l’île de Ré le plateau de Rochebonne et l’île d’Yeu. 160 milles.
Qui peut encore battre Sébastien Simon ? C’est la question que tout le monde se pose sur le village de Saint Gilles où le soleil prolonge l’été. La réponse est rapide : Xavier Macaire est à 35 minutes, Anthony Marchand et Charlie Dalin à 40’ et 45’. Derrière c’est le trou. Même constat en bizuth : Thomas Cardrin compte 45 minutes d’avance sur Lois Berrehar (Bretagne CMB Espoir), rien ne semble pouvoir lui arriver. Annoncée peu sélective et sans véritable piège, cette dernière boucle sur le format initié il y a deux ans va pourtant maintenir le suspens et chambouler le « top 10 » où six skippers se tiennent en moins de dix minutes.
Au départ de Saint Gilles dans la soirée de jeudi, après une petite nuit réparatrice, le scénario tourne rapidement au cauchemar pour trois skippers. Passée la bouée de dégagement, Xavier Macaire, Eric Péron et Pierre Leboucher partent avec un petit groupe au large où les fichiers promettent plus de vent. Un manque de lucidité certain quand la flotte emmenée par Charlie Dalin part sur la route directe vers le pont de l’île de Ré, dans une brise qui s’entête au Nord-Est … Dès le passage devant les Sables d’Olonne, le petit groupe du large se ré-aligne derrière la flotte, à plus de 6 milles. Le vent rentre par devant. Les trois skippers ne reviendront jamais. Et Sébastien Simon au fait ? Empêtré avec un autre concurrent sur la ligne, le skipper de Bretagne CMB Performance rate son départ et se retrouve à la traîne. Rien de dramatique au passage du pont de l’île de Ré, où son retard n’est que d’1,5 mille. Mais dans la nuit et toute la matinée, vent et courant alternatif se chargent d’étirer la flotte. A 8 heures, son retard est de 2 milles, à 10 heures, plus de 3. De quoi sérieusement douter. Le joli matelas de 40 minutes sur Anthony Marchand sera-t-il suffisant, maintenant que Xavier Macaire est sorti du jeu, à plus de 8 milles des leaders. Au passage de Rochebonne, Benjamin Dutreux prend quelques minutes la tête, confirmant sa très belle Solitaire mais se fait couvrir par Charlie Dalin et laisse partir Anthony Marchand. Les spis se gonflent à nouveau au passage de l’île d’Yeu et on démarre les chronos. Anthony Marchand l’emporte pour la deuxième fois. Deuxième homme de cette Solitaire avec ses deux victoires, le skipper de Groupe Royer-Secours populaire sait cependant qu’avec le vent bien installé, Sébastien Simon ne sera pas détrôné. Terminant 14ème de l’étape, le skipper de Bretagne CMB Performance conserve 16 minutes d’avance au général et reste le grand vainqueur de cette 49ème édition.