Si la première étape de la 7e édition des Sables – Les Açores – Les Sables s’est jouée pour l’essentiel au près, dans des conditions qui ont mis à rude épreuve les bateaux mais aussi les marins, la deuxième, dont le départ sera lancé ce mercredi à 19 heures (heure de Paris), s’annonce bien différente. C’est, en effet, majoritairement au portant que les 45 Ministes toujours en course dans la compétition devraient avaler les 1 270 milles entre Horta et Port-Olona. Et si l’on en croit les derniers fichiers météo, c’est même à vitesse grand V qu’ils pourraient absorber la distance. Aussi, s’ils ont battu des records de lenteur (en termes de durée) à l’aller, il se pourrait bien qu’ils fassent de même au retour, mais à l’inverse. Et pour cause, les routages laissent envisager un temps de course de 5 jours et 06 heures pour les premiers prototypes, soit 7 heures de moins que le temps de référence établi par Bertrand Delesne lors de l’édition 2010. De quoi, une nouvelle fois, assurer le spectacle et garantir le suspense.

Si l’escale Açorienne a été plus courte que prévu compte-tenu du scénario de la première étape, les 45 Ministes toujours en course dans cette 7e édition des Sables – Les Açores – Les Sables ont toutefois réussi à recharger correctement les batteries et à réparer au mieux les petits bobos du bord. « La journée de repos supplémentaire dont nous avons pu profiter à la suite du report du départ de 24 heures décidé par la Direction de course nous a tous fait du bien », ont cependant concédé, à l’unanimité, les concurrents bien éprouvés par le passage de trois fronts successifs ainsi que par l’arrivée de la pétole dans les derniers milles sur la route entre la Vendée et Faïal. La bonne nouvelle c’est que ce qui les attend maintenant sur l’étape retour s’annonce, disons, moins laborieux. De fait, si l’aller s’est fait quasiment tout au près, le retour devrait se jouer pour l’essentiel au portant. Si cela ne veut pas dire que la course sera moins physique, cela signifie en revanche qu’elle sera nettement plus rapide. Pour preuve, si pour venir il leur a fallu entre 9 et 14 jours, il ne devrait leur falloir que la moitié du temps pour rentrer. Les derniers routages laissent, en effet, espérer une arrivée à Port-Olona en moins de 6 jours. A la clé : la possibilité pour les premiers de faire tomber le record de Bertrand Delesne sur le tronçon Horta – Les Sables d’Olonne, mais aussi celui de la plus grande distance parcourue en 24 heures en Mini (604,9 milles réalisés entre le 22 et le 23 août 2010 par le skipper de Prati’Bûches et inégalés depuis).

Tant que la ligne n’est pas franchie…

« Clairement, ça va aller vite mais comme toujours, il faudra placer le curseur au bon endroit pour éviter la casse matérielle », explique Denis Hugues, le Directeur de course qui voit donc les premiers prototypes se présenter sur la ligne d’arrivée dans la journée du 14 août, chose que confirme le météorologue de la course. « L’anticyclone qui était placé au nord des Açores va se décaler vers le sud pour libérer l’espace à des passage de front dans les journées de vendredi et samedi. Dimanche et lundi, les solitaires, qui n’auront pas d’autre choix que de contourner la zone de haute pression par le nord, se retrouveront dans un ciel de traine actif avec 25-30 nœuds en rafales pour une mer croisée de 2 à 3 mètres. Cela leur permettra d’aller vite », assure Bernard Sacré de Great Circle qui prévoit par ailleurs un départ en douceur, ce mercredi à 19 heures (heure de Paris), avec entre 7 et 10 nœuds de vent de secteur est nord-est, mais aussi quelques potentielles précipitations à l’arrière du passage d’un front froid peu actif. « C’est toujours bien d’avoir le temps de se mettre dans le bain tranquillement », avance Ambrogio Beccaria, le skipper de Geomag qui occupe la première place du classement des bateaux de Série avec une confortable avance de plus de 12 heures sur ses poursuivants les plus proches, mais qui se refuse à crier victoire trop vite, bien conscient que tous les scénarii sont possibles.

Les compteurs à zéro pour certains

Même chose du côté de François Jambou (Team BFR Marée Haute) chez les Proto qui, malgré un matelas de 28 heures sur son dauphin, préfère ne pas s’emballer, rappelant à juste titre que la voile reste un sport mécanique et que, de ce fait, la course peut vite prendre une autre tournure. « Je n’oublie pas non plus que s’il a été possible de créer un écart de 28 heures dans un sens, cela reste aussi possible dans l’autre »,note l’ancien hockeyeur Brestois. Pas faux! C’est bien sûr là-dessus que misent ses adversaires, tout comme ceux du navigateur italien, à commencer par Félix de Navacelle (Youkounkoun), Amélie Grassi (Tyrion) et Valentin Gautier (Shaman – Banque du Léman) qui se tiennent en moins de quatre minutes au général et qui, dans ce contexte, attaquent cette deuxième étape quasiment à égalité. « Dans ce type de cas, il n’y a pas de question à se poser, il faut simplement faire en sorte de finir devant tous le monde », assure Valentin qui gardera un œil sur d’autres concurrents susceptibles de se hisser sur le podium final eux-aussi, tels que Pierre Le Roy (Arthur Loyd), Cédric Faron (Quasar) ou Julien Letissier (Kerno.bzh – Jule Course au Large) pour ne citer qu’eux. Bref, on l’aura compris, cette deuxième étape revêt bien des enjeux, y compris celui du titre de champion de France de course au large 2018. A suivre donc…

Ils ont dit:

Julien Letissier (869 – Kerno.bzh – Jule Course au Large) :

« L’escale a été courte mais pour moi ça va encore par rapport à certains. Je ne me plains pas. Mon objectif pour cette deuxième étape reste le même que lors de la première car je ne suis toujours pas qualifié pour la Mini Transat en termes de milles. Je dois donc absolument finir. A l’aller, je m’étais dit que je n’attaquerais pas mais comme je me suis retrouvé deuxième pendant un moment, je me suis pris au jeu. Maintenant, il y a beaucoup de choses à faire avec les premiers parce qu’on se tient dans un mouchoir de poche, hormis Ambrogio (Beccaria) qui a un petit matelas d’avance. Dans ce contexte, il y a des chances que j’attaque aussi un peu au retour même si je vais faire très attention de préserver le bateau. A priori, ça va être assez rapide ce qui signifie que sur les Pogo 3, ça ne va pas être très confortable mais au moins ça va aller vite et ça, c’est bien. Comme ça, on aura vraiment eu de tout sur cette édition des Sables – Les Açores – Les Sables. »

François Jambou (865 – Team BFR Marée Haute) :

« La grosse erreur à faire, dans ma situation, c’est de penser que la victoire est acquise parce que ce n’est pas vrai. S’il a été possible de créer un écart de 28 heures dans un sens, c’est aussi possible dans l’autre! Les gars qui sont derrière moi ne lâcheront rien, c’est sûr, surtout Erwan (Le Méné). Si une dorsale se couche à l’arrivée, c’est carrément jouable pour lui d’aller chercher la première place. Je pense qu’il y croit et il faut donc vraiment que je me méfie surtout qu’il y a toujours les aléas de la course. On peut toujours taper dans un poisson ou quelque chose qui flotte. On peut aussi déchirer son spi. Le piège est trop gros pour tomber dedans bêtement. Il faut vraiment se méfier. Pour le reste, a priori, c’est plus rapide, moins mouvementé avec beaucoup plus portant qu’à l’aller. Moi ça me va même si ce sont des conditions où Erwan va très bien. Après, si c’est rapide, ça minimise la possibilité de gros écarts à l’arrivée. Dans un sens, c’est avantageux pour moi. Après, j’aimerais bien gagner cette deuxième étape aussi et pas seulement sauver le général. Ça me permettrait d’être champion de France et ce serait chouette. »

Amélie Grassi (944 – Tyrion) :

« Les écarts sont faibles, hormis avec Ambrogio. Certes, la deuxième place est à ma portée, mais c’est vrai pour la 7e aussi. On verra. On devrait avoir pas mal de portant dans un peu de vent et moi, j’ai peu navigué cette année dans ces conditions. Cela étant dit, cette deuxième étape je l’aborde assez sereinement. Je suis déjà très contente d’avoir fait une si belle première étape (3e ndlr). Du coup, je ne me mets pas vraiment la pression pour la deuxième. Si le résultat est aussi bon, ce ne sera que du bonus et s’il ne l’est pas, ça ne sera pas très grave. En revanche, j’aimerais bien mieux naviguer. A l’aller, on a tous été un peu en difficulté, on a tous forcément fait de mauvais choix, de mauvais angles et de mauvais bords parce qu’on était occupé à gérer les grosses conditions météo plus que nos trajectoires. Du coup, cette fois, j’aimerais beaucoup arriver en ayant fait une route plus propre mais aussi en ayant pris plus de plaisir. »

Valentin Gautier (903 – Shaman – Banque du Léman) :

« Avec le peu d’écart qu’il y a entre les quatre premiers, à part Ambrogio, on repart effectivement à zéro sur cette deuxième étape. Essayer de finir devant les autres, ce sera le but. Apparemment, on va être mangé à une sauce beaucoup plus sympathique qu’à l’aller. En même temps, ça aurait été difficile de faire pire ! Cette fois on pourrait vraiment être au portant tout du long. Il y a encore un doute sur l’arrivée. Peut-être qu’on va finir par tricoter au près le long des côtes. Les derniers modèles sont assez optimistes. Ils voient une transition pourrie puis de nouveau un petit finish au portant. Ça devrait, par conséquent, être plutôt rapide et plutôt cool. On va très probablement avoir plus de plaisir qu’à l’aller même si on sait que dans le vent au portant, sur le Pogo 3, ça devient vite humide et invivable. L’avantage, c’est qu’on devrait aller vite et dans la bonne direction. Psychologiquement, ce sera moins dur que lors de la première manche, mais physiquement ça risque de ne pas être facile. En ce sens, ceux qui sont arrivés le plus tôt à Horta et qui ont eu le moins de bricole à faire sur les bateaux, repartent assurément avec un peu de fraîcheur en plus que les autres. Cela fera peut-être la différence à l’arrivée ».

Ambrogio Beccaria (943 – Geomag) :

« Je ne sais finalement pas trop comment aborder cette deuxième étape… C’est vrai que j’ai beaucoup d’avance mais il ne faut pas faire l’erreur de se dire que c’est fini. C’est sûr que je vais un peu marquer ma position et que je ne vais pas partir tout seul dans mon coin. Cela étant dit, je ne pourrai pas marquer tout le monde alors on verra bien… Ce qui nous attend sur le plan météo n’a pas l’air mal. On va monter un peu au nord, je pense, pour toucher un peu de vent, et ensuite ce sera du plaisir, de la glisse… le portant dans du vent c’est amusant mais c’est aussi très physique. On va voir comment ça va se passer mais dans tous les cas, ce sera un très bon entraînement en vue de la Mini Transat. Je ne vais pas chercher à tous prix à gagner cette deuxième étape. Ce que je veux avant tout, c’est remporter le général. »

Axel Tréhin (945 – Tartine – Cherche du beurre) :

« Après ce qui s’est passé sur la première étape il y a deux options : soit on essaie de faire un bon résultat ce qui alléchant, soit on exploite la fenêtre qui pourrait se présenter pour essayer d’aller chercher le record des 24 heures. En tous les cas, concrètement, ça risque d’aller un peu vite, avec du portant, et ça, ce n’est pas pour me déplaire. Ça va nous changer de l’aller et on va être content d’ouvrir les voiles. Ce sont des allures que j’aime bien et je pense que le bateau aussi. Ça va être également l’occasion de découvrir pas mal de choses sur mon proto. Au près, c’est bon, je pense qu’on a fait le tour entre les Sables et Horta, mais j’ai encore plein de choses à découvrir. Je suis bien enthousiaste. Je pars un peu moins la fleur au fusil qu’à l’aller et j’ai pris soin de mettre à bord ce que j’avais oublié lors de la première étape. J’espère me faire plaisir. En général, si on s’amuse et qu’on va vite, à la fin, c’est pas pire ! »

Georges Kick (529 – Black Mamba) :

« On n’a finalement pas eu tellement le temps de sortir du mode course parce que l’escale a été courte. Il n’empêche que ça a été très sympa. Horta, c’est beau et ça donne envie de revenir aux Açores. J’y réfléchis pour dans deux ans (rires) ! La bonne chose est que cette deuxième étape s’annonce mieux sur le plan météo que la première car on devrait avoir beaucoup de portant. On fera avec ce qu’on aura de toutes façons mais le point positif, c’est que tout le monde, y compris moi, devrait être aux Sables d’Olonne le 19 pour la remise des prix ! »

Matthieu Perraut (825 – Groupe Bâtisseur d’Avenir) :

« J’ai le sentiment d’être bien reposé. Après, c’est vrai que je ne suis pas arrivé très fatigué de la première étape contrairement à certains. J’espère simplement que cette deuxième étape ne sera pas trop longue, mais surtout, j’espère qu’elle sera ventée. Le fait de retourner à la maison c’est motivant. Je n’étais pas trop mécontent du résultat à l’aller mais j’espère malgré tout que je vais réussir à regagner quelques places au retour. Moi je me bats avec les Pogo 2 et les Nacira. Je ne me mets donc pas trop de pression. L’idée, pour moi, c’est surtout de faire une course maîtrisée entre guillemets, de faire une belle trace, de ne jamais être complètement à côté de la plaque, de comprendre ce qui se passe au niveau de la météo, de bien gérer le sommeil et puis d’aller vite. En clair, si je pouvais réussir à être en mode course tout du long, je serais très content. »

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