Réducteurs de temps
En bouclant cette quatorzième édition de la Transat AG2R LA MONDIALE en dix-huit jours et demi, les vainqueurs ont aussi emmené dans leur sillage treize autres Figaro Bénéteau en-dessous du temps de référence établi en 2006 ! La faute à des conditions météorologiques presque idéales de bout en bout et à une accélération induite par un match à couteaux tirés jusqu’à Saint-Barthélemy…
18j 11h 48’ 22’, tel est le temps de référence établi par Adrien Hardy & Thomas Ruyant (Agir Recouvrement), vainqueurs de cette Transat en double initiée en 1992 ! Presque un jour et demi de mieux que le précédent référent de Kito de Pavant et Pietro D’Ali en 2006… Soit 9,50 nœuds de moyenne sur les 4 216 milles parcourus par les premiers. Mais finalement, ceux qui ont la meilleure moyenne sont les partisans de la voie du Sud puisque Gildas Mahé & Nicolas Troussel (3ème à Gustavia) ont déboulé à 9,98 nœuds depuis Concarneau avec 4 469 milles au compteur. Et ce sont les deux femmes, Justine Mettraux & Isabelle Joschke (TeamWork) qui auront effectué le plus de chemin sur l’eau : 4 480 milles parcourus ! Alors que la route directe via La Palma ne comptabilisait que 3 870 milles…
Du portant tout le temps !
Et plusieurs de constater que leur génois n’a pas franchement vieilli en moins de trois semaines : un petit bord de près-débridé en baie de La Forêt, un petit louvoyage pour sortir du chenal de Concarneau et trois bords à tirer entre la pointe du Colombier et la ligne d’arrivée dans le port de Gustavia… De fait, les trois spinnakers embarqués (un medium neuf, un medium d’occasion et un lourd) ont été sollicités sur presque tout le parcours, à l’Ouest, au Nord, au Sud : du largue serré dans le golfe de Gascogne, du vent arrière musclé (jusqu’à 45 nœuds) pendant une journée et demie le long du Portugal, du portant ensuite jusqu’à Saint-Barthélemy avec deux empannages pour les partisans du Sud, jusqu’à une journée de l’arrivée…
Peu de manœuvres donc, mais beaucoup d’attention pour tirer la quintessence de cette toile de Nylon, pour ne pas la faire claquer, pour ne pas la fatiguer dans les oscillations océanes, pour qu’elle entraîne un poil plus longtemps le monotype sur un surf. Cette transat a finalement été une course de barreurs, de portant et de stratèges. Car l’autre paramètre capital pour la victoire est bien le positionnement au sein de la flotte et par rapport aux évènements météorologiques.
Se projeter à une semaine
Refaire le match, c’est s’apercevoir a posteriori que la trajectoire des vainqueurs était la plus fluide, la plus évidente, la plus percutante. Une Lapalissade en fait puisque les décisions stratégiques se prennent au moment T, en mer, avec une visualisation des conditions météorologiques fiables à 80% sur les deux jours à venir, et encore ! Car quoi de plus incertain qu’un anticyclone qui n’a rien d’un plateau lisse de hautes pressions, mais ressemble plus aux reliefs de l’Arizona creusés par le fleuve Colorado… En déduire une pression, un vent, une direction n’est donc pas une sinécure, surtout lorsque les nuages viennent y mettre leur grain de sel.
C’est donc plus à l’instinct, au feeling, à l’empirisme, à l’expérience et à l’observation qu’un équipage peut se projeter à une semaine. Car sept jours correspondent approximativement au résultat escompté ou non : ce fut le cas pour le choix tactique des trois leaders aux Canaries, Sébastien Simon & Morgan Lagravière (Bretagne CMB Performance), Anthony Marchand & Alexis Loison (Groupe Royer-Secours Populaire), Adrien Hardy & Thomas Ruyant (Agir Recouvrement). Il fallait alors se convaincre que cette voie plus courte n’allait pas se faire rattraper par l’anticyclone des Açores et se faire déborder par l’autoroute du Sud que le peloton voulait emprunter !
Et deuxième moment clé de cette transat en double, le placement sur les alizés entre le 19° et le 17° Nord. Plus méridional pour Gildas Mahé et Nicolas Troussel (Breizh Cola), Pierre Leboucher & Christopher Pratt (Guyot Environnement), Corentin Douguet & Christian Ponthieu (NF Habitat). Plus septentrional pour le duo vainqueur au final. Plus central pour leurs dauphins ou les tenants du titre, Erwan Tabarly & Thierry Chabagny (Armor Lux-Gedimat). Or une fois placé, il devenait très difficile de se recadrer sur une autre option et ceux qui ont changé leur fusil d’épaule ont perdu du terrain, voire des places… Cette quatorzième édition aura donc montré deux facettes : c’est lors de leur dernière participation à la Transat AG2R LA MONDIALE que les Figaro Bénéteau sont allés les plus vite, pas seulement parce que les conditions météorologiques étaient favorables, mais aussi parce que les équipages en tirent la substantifique moelle en permanence ; c’est en établissant un plan stratégique à long terme que les différentiels se construisent au fil des jours.
Des points pour le Championnat
Pour la première fois, la Transat AG2R LA MONDIALE est intégrée au Championnat de France Élite Course au Large 2018 avec un coefficient 4 : les premiers à Gustavia prennent donc la main sur ce classement annuel qui comptabilisait déjà la Solo Maître CoQ (11-18 mars aux Sables d’Olonne-coefficient 1) et la Solo Concarneau (3-8 avril-coefficient 1) en attendant les prochains rendez-vous au Havre (Allmer Cup, 15-24 juin-coefficient 2), à Deauville (Solo Normandie, 29 juin au 5 juillet-coefficient 1) et lors de La Solitaire URGO Le Figaro (20 août au 16 septembre-coefficient 6).
Et Sébastien Simon (Bretagne CMB Performance) conforte son avance (15 points) grâce à sa deuxième place à Saint-Barthélemy, devant Alexis Loison (Custo Pol) qui dépasse (23 points) son compagnon de la transat den double Anthony Marchand (Groupe Royer-Secours Populaire) qui cumule 28 points. À suivre Erwan Tabarly (Armor Lux) avec 43 points, Pierre Leboucher (Guyot Environnement) avec 57 points tout comme Gildas Mahé (Breizh Cola), Ronan Treussart (Les Perles de Saint-Barth) avec 67 points. Et n’ayant pas participé aux deux courses d’avant saison, les vainqueurs Adrien Hardy & Thomas Ruyant (Agir Recouvrement) sont à égalité à la 8ème place avec 73 points…