Le carrefour de Porto Santo
En cette cinquième nuit de mer, les options se décantent au passage de l’archipel de Madère : soit la route la plus courte est privilégiée pour aller chercher la marque de parcours de La Palma, soit la voie africaine prend le pas pour sa brise plus établie et des alizés poussifs après les Canaries.
C’est le grand jour ! Celui de la décision qui impacte tout le reste de la Transat AG2R LA MONDIALE. Celui qui définit le chemin vers Saint-Barth : la voie royale vers les Antilles ou l’impasse alizéenne. D’un côté, la route la plus courte en passant près de l’île de La Palma où est mouillée une bouée à laisser à tribord ou un périple par les côtes marocaines, certes plus long mais semble-t-il plus venté et permettant de glisser entre les îles canariennes afin de descendre très Sud où les alizés sont plus soutenus… Et à gauche du plan d’eau, ce sont les leaders d’hier qui optent pour le plus court quand, à droite, ce sont les poursuivants qui tentent leur chance pour rattraper (dans plusieurs jours) leur retard.
Classements, provisoire et définitif
Car c’est sur le long terme que chaque option prendra forme : suivre l’orthodromie (route la plus directe) permet aussi de rester aux avant-postes du classement quand prendre la tangente africaine plombe le résultat provisoire puisque la hiérarchie est établie par rapport à la distance à l’arrivée… Oh, ce n’est certes pas l’objectif des premiers de ce vendredi matin, mais il faudra se méfier des scores intermédiaires pour se projeter à au moins une semaine : une telle option ne porte ses fruits que bien longtemps après la décision de la prendre.
Pour autant, force est de constater que le quatuor de tête reste groupé sur la même voie, celle du plus court chemin : Sébastien Simon & Morgan Lagravière (Bretagne CMB Performance) ont ainsi repris la main devant Adrien Hardy & Thomas Ruyant (Agir Recouvrement), le plus à l’Ouest et le plus proche de l’île de Porto Santo : les fichiers météo laissent entendre qu’il y a une veine de vent favorable près de Madère ce vendredi matin, mais elle est éphémère… Et dans le sillage de ces deux duos, Anthony Marchand & Alexis Loison (Groupe Royer-Secours Populaire) et les tenants du titre Erwan Tabarly & Thierry Chabagny (Armor Lux-Gedimat) leur collent aux basques.
La voie africaine
À l’opposé, les retardataires du cap Finisterre glissent franchement vers l’Afrique : Pierre Rhimbault & Romain Attanasio (Bretagne CMB Espoir) suivis par Tanguy Le Turquais & Clarisse Crémer (Everial) sont désormais les plus à l’Est quand le peloton mené par Gildas Mahé & Nicolas Troussel (Breizh Cola) est encore dans l’expectative. Le « ventre mou » de la flotte n’a pas encore décidé précisément ses intentions et peut encore changer son fusil d’épaule à la vue des positionnements de ce matin !
Bref cette journée est capitale pour la suite de la Transat AG2R LA MONDIALE puisque deux, voire trois options se dessinent : route directe vers la bouée de La Palma, route africaine à l’extérieur de l’archipel des Canaries, route intermédiaire entre îles pour profiter de l’effet Venturi, l’entonnoir qui accélère la brise entre les reliefs volcaniques, particulièrement entre Gran Canaria et Tenerife… Réponse avant le week-end puisque les premiers sont attendus près de l’archipel dès samedi matin dans un flux de secteur Nord à Nord-Est d’une vingtaine de nœuds.
Ils ont dit
Morgan Lagravière (Bretagne CMB Performance)
« Il y a différentes options un peu décalées qui se dessinent à l’approche des Canaries. Nous n’avons pas les positions de la nuit donc nous ne savons pas encore où sont nos petits copains directs. Nous sommes sur un long bord tribord rapprochant vers de l’archipel de Madère. Sébastien est en train de dormir. »
Sébastien Simon (Bretagne CMB Performance)
« J’émerge de la bannette. Le vent est très instable donc on fait comme on peut. On essaie de prendre des décisions les moins risquées : nous aurons la réponse tout à l’heure. Nous sommes soudés. Nous avons utilisé beaucoup d’énergie dans le vent fort. Maintenant il faut qu’on se repose pour prendre du plaisir, c’est important. La brise est beaucoup moins forte maintenant mais très instable en direction. Elle varie de 10 à 32 nœuds. La mer n’est pas forcément facile à passer. Nous avons fait pas mal d’empannages pour nous recaler… »
Romain Attanasio (Bretagne CMB Espoir)
« On espère être au bon endroit cette fois-ci. On tente d’aller là où il y a le plus de vent car on passe où on veut par rapport à la bouée de La Palma. Nous, on va laisser les îles à tribord. C’est encore un peu tôt pour savoir où on va passer, mais on voudrait rester près de la côte marocaine. Nous avons pris la décision au cap Finisterre. On souhaitait rester dans ce couloir de vent et pour l’instant, on est content de notre choix. Il fait beau par rapport aux trois jours de brise où nous étions sous l’eau et où il fallait être très concentrés à la barre. Là c’est plus sympa. On voit les premiers poissons-volants qui arrivent sur le pont…
Je suis tombé dans les pommes hier ou avant-hier. Je me suis fait une entorse à la cheville en descendant dans le cockpit après avoir manœuvré sur le pont. La douleur plus la fatigue ont fait que je me suis écroulé. Pierre est venu me voir et m’a parlé : j’avais l’impression d’être dans un hall de gare ! Maintenant ça va mieux, ça m’a juste fait mal sur le moment… »
CLASSEMENT du 27 avril à 5H
- Bretagne – CMB Performance (Sébastien Simon / Morgan Lagravière à 2815,78 milles de l’arrivée
- AGIR Recouvrement (Adrien Hardy / Thomas Ruyant) à 0,55 milles du premier
- Groupe Royer – Secours Populaire (Anthony Marchand / Alexis Loison) à 0,99 milles
- Armor Lux – Gedimat (Erwan Tabarly / Thierry Chabagny) à 6,52 milles
- Breizh Cola (Gildas Mahé / Nicolas Troussel) à 25,87 milles