Dans la baston
Changement radical de rythme ce mercredi matin alors que les leaders sont déjà au large du Portugal quand le dernier aborde tout juste le cap Finisterre. Les écarts se sont creusés dès que le virage espagnol a été pris, le vent de Nord-Est de la Galice passant progressivement au Nord en forcissant jusqu’à 35 nœuds et plus !
Rester sur des rails, se concentrer sur l’oscillation des vagues, jeter un œil derrière pour tenter d’anticiper sur un grain, s’accrocher à la barre quand le bateau part en surf, glisser tout en douceur sans planter l’étrave… Après deux jours dans un golfe de Gascogne plutôt paisible, voici donc le grand coup de pied aux fesses portugais ! Trente nœuds minimum, des rafales parfois à plus de 40 nœuds, une houle de trois à quatre mètres et une visibilité quasi-inexistante depuis que la lune s’est couchée en milieu de nuit.
Avantage devant
Et comme annoncé, les écarts au passage du cap Finisterre n’ont fait que croître car la brise s’est renforcée par devant : Sébastien Simon & Morgan Lagravière (Bretagne CMB Performance) ont donc profité de leur avantage de sept milles à l’entrée de cet entonnoir hispanique en début de nuit pour grappiller une dizaine de milles sur leurs deux poursuivants directs, Gildas Mahé & Nicolas Troussel (Breizh Cola) et Adrien Hardy & Thomas Ruyant (Agir Recouvrement). Il faut souligner que ces derniers ont effectué un recalage en milieu de nuit, soit deux empannages par plus de trente nœuds, afin de rester dans la bonne veine de vent…
Car tout le monde ne voit pas cette descente vers les Canaries de la même façon : certains glissent tout droit et attendent le lever du jour pour effectuer cette manœuvre quand d’autres ont pris le taureau par les cornes en effectuant ce « pif-paf » lorsque la lune éclairait encore le plan d’eau, à l’image d’Anthony Marchand & Alexis Loison (Groupe Royer-Secours Populaire) ou des tenants du titre Erwan Tabarly & Thierry Chabagny (Armor Lux-Gedimat). Et de fait, il y a déjà trois groupes avec quatre retardataires : les plus au large sont les deux leaders, les plus à terre sont de « vieux routards » de la Transat AG2R-LA MONDIALE, les plus centrés sont ceux qui avaient pris l’option de piquer au plus Sud dans le golfe de Gascogne.
Et pour trois duos, le delta d’une quarantaine de milles au passage du cap Finisterre cette nuit, s’est transformé en retard de 80 milles au large de la frontière portugaise… Loïs Berrehar & Erwan Le Draoulec (Concarneau Entreprendre) et Pierre Rhimbault & Romain Attanasio (Bretagne CMB Espoir) n’avaient cette nuit qu’une bonne vingtaine de nœuds quand la tête de la flotte en subissait plus de trente… Quant à Guillaume Farsy & Renaud Nicot (Cornouaille-Solidarité Saint Barth), leur décalage de cinquante milles à la pointe espagnole a déjà doublé ! Enfin en queue de flotte, le duo Mathieu Claveau & Pierre Loulier (Les Frigos Solidaires) pointe désormais à plus de 130 milles des premiers à l’abord du cap Finisterre en fin de nuit…
Or ce rythme soutenu dans une brise puissante devrait perdurer près de 48 heures : lorsque le soleil va poindre, la situation sera nettement moins stressante mais le spectacle impressionnant avec cette grande houle perlée d’écume, ce ciel voilé et plombant, ces grains menaçants et parfois traîtres, ce grand spinnaker lourd qui ne doit pas claquer en creux de vague… Le moindre écart et c’est le départ au tas qui coûte très cher non seulement en temps mais en dégâts collatéraux : conserver la concentration pendant une heure de temps (les quarts se sont raccourcis pour la plupart) demande une bonne expérience du gros temps. Il faut donc s’attendre à ce que les écarts se creusent progressivement au sein de la flotte jusqu’à la latitude de Madère, vendredi midi !
Ils ont dit
Erwan Tabarly (Armor Lux-Gedimat)
« Le vent est bien rentré. Nous sommes sous spi. Il y a 30 nœuds de vent avec une bonne mer. En début de nuit c’était très agréable mais là le vent rentre progressivement. Il y a une bonne houle qui prend par l’arrière avec des vagues. Ça va vite. Nous sommes attentifs. On avait de la lune en début de nuit et là j’aperçois des nuages mais honnêtement, je n’ai pas mis le nez dehors depuis une bonne heure : j’étais en train de dormir mais je vais aller relayer Thierry (Chabagny). Cette situation de vent fort va durer quasiment deux jours, après ça devrait diminuer. C’est tout droit. On a empanné en début de nuit pour se mettre sur la route et à priori il n’y a pas de recalage prévu pour l’instant. »
Lois Berrehar (Concarneau Entreprendre)
« Nous sommes le long du Portugal : il y a 30 nœuds. On se prépare à avoir encore plus de vent. C’est une descente tout droit et ça reste encore assez maniable. Nous sommes assez tranquilles pour l’instant. Ces conditions changent un peu notre rythme puisque nous faisons des quarts plus courts, une heure environ à la barre. Nous essayons d’être réguliers mais on fonctionne au feeling. Si l’un se sent fatigué, l’autre prend le relais. Je ne sais pas trop combien de temps cela va durer, les fichiers ne sont pas très précis mais je pense qu’on devrait en avoir pour quasiment 48 heures. La route est encore longue : on verra ce que ça donne au niveau des Canaries. Nous allons faire un prochain empannage entre chien et loup, à la lumière du jour. C’est certain que c’est plus facile quand le jour se lève. »
CLASSEMENT du 25 avril à 5H
- Bretagne – CMB Performance (Sébastien Simon / Morgan Lagravière) à 3369,85 milles de l’arrivée
- Breizh Cola (Gildas Mahé / Nicolas Troussel) à 14,89 milles du premier
- AGIR Recouvrement (Adrien Hardy / Thomas Ruyant) à 17,24 milles
- Groupe Royer – Secours Populaire (Anthony Marchand / Alexis Loison) à 29,62 milles
- Armor Lux – Gedimat (Erwan Tabarly / Thierry Chabagny) à 31,89 milles
Démâtage du bateau Skipper Macif (Martin Le Pape / Yoann Richomme)
A 06h22 Yoann Richomme signale à la direction de course de la Transat AG2R LA MONDIALE que Skipper Macif a démâté peu avant 6h00. Sa position était alors 41°24.950N et 009°40.630W. Personne n’a été blessé dans le démâtage, les deux skippers (Martin Le Pape et Yoann Richomme) vont bien. C’est la tête de mât qui a cédé. Le duo est actuellement en train de sécuriser le bateau et décidera ensuite du port de destination. Les conditions de vent et de mer étaient fortes au moment du démâtage. La flotte a rencontré cette nuit un vent de 30 nœuds avec des rafales à plus de 40 nœuds et une houle de trois à quatre mètres.
A 6h30 ce matin, Skipper Macif se trouvait positionné à 40 milles nautiques dans l’ouest des côtes portugaises.
Démâtage du bateau Sateco – Team Vendée Formation (Benjamin Dutreux / Frédéric Denis)
A 8h07, Benjamin Dutreux et Frédéric Denis ont appelé la direction de course de la Transat AG2R LA MONDIALE pour signaler que Sateco – Team Vendée Formation venait de démâter. Ils étaient 5èmes au classement au moment de l’avarie. Benjamin et Frédéric ont rencontré dans la nuit les mêmes conditions que le reste de la flotte : vent de 30 nœuds avec des rafales à plus de 40 nœuds et une houle de trois à quatre mètres. Les deux skippers ne sont pas blessés, ils ont pu sécuriser le bateau et font route au moteur vers Lisbonne distant de 150 milles comme confirmé par le skipper Benjamin Dutreux qui gère la situation avec calme et lucidité. C’est le deuxième démâtage de cette 14e édition de la Transat AG2R LA MONDIALE après celui de Skipper MACIF survenu vers 6h ce matin.