Chaleur au paradis !
Entre 20 et 25 nœuds de vent sur une mer formée : tel a donc été le menu de ce mardi, deuxième jour de compétition de la 9e édition des Voiles de Saint-Barth Richard Mille. A la clé pour les 53 équipages en lice : des surfs effrénés et des pointes de vitesse époustouflantes mais aussi des sorties de piste et des figures de style à la pelle. A l’issue de la manche du jour (un parcours de 23 milles pour les CSA 3, une boucle de 32 milles pour les CSA 1 et 2 puis un tracé de 39 milles pour les Maxi 1, Maxi 2, OMA et CSA Multihull), si la fatigue était palpable, tous les teams avaient néanmoins le sourire et c’est tant mieux parce que le programme s’annonce musclé tout le reste de la semaine !
« Ça a été sportif ! », s’est exclamé Thierry Berry (équipier à bord de Gordon’s, le Baltic 50 du suisse Jurg Koning), à son retour à terre, résumant ainsi parfaitement le sentiment général après cette journée. Et pour cause, le vent a soufflé à 20-23 nœuds (jusqu’à 27 dans les rafales du côté des Grenadins pour les grosses unités) sur une mer hachée et désordonnée. Dans ces conditions, au près, les équipages ont joué à saute-mouton tandis qu’au portant, ils ont affolé les compteurs de vitesse tout en serrant les fesses pour éviter les départs au tas et la casse matérielle. Ces derniers ont toutefois été pléthore ce mardi, chez les amateurs comme chez les professionnels. On retiendra notamment la fâcheuse mésaventure de Sorcha, le JV 72 de Peter Harrisson qui a explosé pas moins de trois spis en moins de vingt minutes dans la première moitié du parcours laissant ainsi le champ libre à son adversaire le plus redoutable, Proteus de George Sakellaris. « Nous sommes très contents de notre journée. Nous avons bien navigué et commis peu d’erreurs, ce qui n’était pas facile compte-tenu des conditions, et c’est tant mieux parce que généralement, quand on fait une bêtise, les autres s’enchaînent en cascade ensuite », a commenté le tenant du titre chez les Maxi 1, évidemment ravi de s’octroyer une deuxième victoire de manche d’affilée et de conforter ainsi sa place de leader au classement provisoire de la Richard Mille Maxi Cup. En tête chez les Maxi 2 à l’aube de cette course pour le moins virile, Windfall de Michael Cotter espérait lui aussi enfoncer le clou en décrochant une nouvelle place cet après-midi, mais il a, cette fois, cédé le leadership à Aragon des Néerlandais Verder et Van Nieuwland. « On s’était déjà bien battu, lors de la dernière édition, pour la première place, et il y a fort à parier que ce soit une nouvelle fois la dernière régate qui nous départage cette année », a relaté l’un des propriétaires du Marten 72. Peut-être, à moins que Ambersail ne vienne jouer les trouble-fêtes. De fait, le VOR60 du Lituanien Arvydas Paunksnis a clairement sa carte à jouer dans le vent soutenu lorsque les bords s’allongent et il ne laissera assurément pas passer sa chance si elle se présente.
Vracs et pépins
Du côté des CSA, là aussi on a assisté à quelques vracs et petits pépins. A titre d’exemple, à bord de Conviction, le TP52 mené par l’Américain Steve Travis, l’un des équipiers s’est légèrement blessé à l’épaule alors qu’il était en tête en mât au moment de la procédure de départ. Cela n’a pas toutefois pas empêché son équipage de briller aujourd’hui en terminant avec une avance de près de 30 minutes sur son dauphin en temps réel. « On n’a pas vu les autres aujourd’hui. On a poussé la machine à fond et on a fait des pointes de vitesse extraordinaires au portant. Par moment, ça a été un peu chaud de tenir le bateau mais on s’en est bien sorti », a expliqué le skipper de Seattle qui est parvenu à creuser suffisamment d’écart pour s’adjuger également la première place en temps compensé, contrairement à la veille. Au classement après deux manches, il réalise ainsi un bond considérable, passant de la 7e à la 3e place. « Il va falloir qu’on s’accroche et qu’on ne fasse aucune erreur pour battre Albator et Lazy Dog », a noté Travis, impressionné par les performances de vitesse au portant du Melges 32 de Sergio Sagramoso, tout comme les équipiers de Gordon’s. « Au près, il n’est pas très rapide mais sous spi, il est tout simplement impressionnant. Il avance cinq nœuds plus vite que nous ! », a commenté Thierry Berry, bien conscient que les Porto Ricains seront bien difficiles à aller chercher. Idem pour Ventarron d’Hernan Mones Ruiz et Julio Labandeira chez les CSA 2 qui fait preuve, pour l’heure, d’insolence avec un score sans appel : 100% de victoire. « On est super content de débuter l’épreuve de cette manière mais on ne s’emballe pas pour autant car lors de notre première participation, en 2015, on avait commencé de la même manière et la victoire nous avait finalement échappée », a tempéré l’Argentin Romulo Moncada dans un français presque parfait.
Richard Mille Record Trophy en vue
Chez les Multicoques, l’ambiance n’a pas été différente et on a recensé là-aussi, quelques abandons à la suite de casses matérielles. Le premier à ouvrir le bal, moins d’une heure après le coup d’envoi de la course, a été le Multi50 La French Tech Rennes St-Malo de Gilles Lamiré. Victime d’un problème de hook de grand-voile, le Cancalais et ses hommes ont finalement été contraints de renoncer à aller au bout du parcours de 39 milles qui leur était réservé aujourd’hui. « C’est dommage mais la bonne nouvelle c’est que le problème est désormais réparé et que nous tenterons de nous rattraper dès demain », a indiqué le skipper Cancalais, vainqueur de The Transat bakerly 2016, qui n’a ainsi pas pu tenter d’aller chercher la victoire. Une première place décrochée, ce jour, par Phaedo de l’Américain Lloyd Thornburg qui a su tirer toute la quintessence de son Gunboat 66. Reste qu’au classement général des IMRR, l’avantage demeure conservé par Guyader Gastronomie de Christian Guyader. « Dans le type de conditions que nous avons eues aujourd’hui, un bateau comme Phaedo est plus avantagé que nous car Il parvient à aller vite au près dans une mer démontée. Cette dernière a rendu la navigation chaotique mais la grande descente au portant a, malgré tout été fabuleuse », a déclaré Arthur Le Vaillant que l’on retrouvera au départ de la prochaine Route du Rhum – Destination Guadeloupe en novembre prochain à la barre d’un Class40, manifestement emballé des sensations du jour et ce, malgré une petite frayeur juste avant le franchissement de la ligne d’arrivée. « Le bateau est monté très haut sur une coque et on a tous eu peur de chavirer mais tout s’est bien fini et on s’est régalé », a terminé le jeune Rochelais. La suite ? Les 53 équipages des Voiles de Saint-Barth Richard Mille ont rendez-vous pour une nouvelle régate dès demain à partir de 10 heures. Et si les conditions sont favorables, Luc Poupon, le Directeur de course et Jean Coadou, le Président du comité de course, pourraient bien décider de lancer les Maxi (1 et 2) puis les Multicoques (OMA et IMRR) à l’assaut du Richard Mille Record Trophy afin établir les premiers temps de référence sur les 47 milles du parcours entre les îles de Saint-Barth et Tintamarre, à la fois en Maxi et en Multi. A noter que si c’est évidemment le meilleur temps réel qui sera récompensé, le classement comptant pour le classement général de l’épreuve sera lui, établi, comme celui des autres courses, en temps compensé. A suivre donc.
Ils ont dit :
Richard Eames, équipier de Whistler, CSA 3 :
« Les conditions ont été fantastiques aujourd’hui ! Il a fallu être bien concentré sur la conduite du bateau, surtout au portant mais cela a rendu la navigation très excitante. Sous spi, nous avons déboulé à des vitesses tout simplement hallucinantes. A l’arrivée, nous avons terminé troisième, comme hier, et nous pointons à cette même place au général provisoire. C’est satisfaisant pour nous d’autant que nous terminons la journée avec le sentiment du travail bien fait et que le niveau dans notre classe est très relevé. C’est notre troisième participation aux Voiles de Saint-Barth. Peut-être que cette fois, nous allons parvenir à nous hisser sur le podium ! »
Jean-Noël Tourin, skipper de Blue Top (CSA 3) :
« Il y a eu pas mal d’air aujourd’hui. La journée a donc été assez virile. En ce qui nous concerne, nous avons essayé d’être assez prudents d’autant que nous sommes un équipage amateur. On a réussi à ne rien casser et ça s’est plutôt bien passé. On s’est bien bagarré avec l’équipage de Kimbe Red ! qui finit seulement quelques secondes devant nous. C’est notre deuxième participation aux Voiles de Saint-Barth puisque nous étions déjà venus en 2012. Pour cette édition, nous nous sommes inscrits dès le lendemain du passage d’Irma. Nous avons tenu à marquer le coup et à nous montrer solidaire. Nous avons convoyé le bateau aux Antilles depuis la Bretagne en novembre dernier pour faire la saison et nous avons prévu de repartir début mai. Nous sommes très contents d’être là. »
Samuel Albrecht, tacticien à bord de Camiranga (Maxi 1) :
« Nous avons bien navigué sur le plan tactique et nous avons plutôt bien exploité la vitesse du bateau. Nous avons réussi à ne rien casser, ce qui est important pour nous et nous sommes même parvenus à faire une place de mieux qu’hier en terminant 3e. C’est assez satisfaisant car c’est notre première grande course. Depuis que nous avons le bateau, c’est-à-dire depuis ces trois dernières années, nous avons régaté uniquement sur des petites courses au Brésil. Ce qu’on attend de notre régate ? Prendre un maximum de plaisir. Plus que le résultat c’est ça qui compte pour nous surtout que le bateau est préparé pour les épreuves en IRC au départ. »
George Sakellaris, skipper de Proteus (Maxi 1) :
« Ça a été une super course. Contrairement à hier où nous avons échangé la première place avec Sorcha du début à la fin, aujourd’hui nous avons mené les débats d’entrée de jeu grâce à un très bon départ. L’équipage de Peter Harrisson nous a tenu sur tout le premier tiers du parcours avant qu’on parvienne à s’échapper. »
Thierry Berry, équipier de Gordon’s (CSA 1) :
« La journée a été sport. On a assisté à quelques belles figures de style mais on en a aussi fait de très belles avec notamment un spi sous le bateau et un génois enroulé autour de l’étai avec le spi par-dessus. Tout ça nous a logiquement fait perdre beaucoup de terrain que nous avons ensuite eu du mal à rattraper. La preuve, nous terminons 7e. On va dire que c’était une journée sans. »
Arvydas Paunksnins, skipper d’Ambersail (Maxi 2) :
« Quelle belle journée ! La course n’a pourtant pas très bien débuté pour nous avons eu des problèmes techniques avec notre voile d’avant sur le premier bord de près. Sur ce coup, nous avons largement perdu vingt minutes mais au final, tout s’est bien passé car l’équipage a cravaché pour rattraper les leaders. Nous sommes super contents car nous avons pu exploiter le potentiel du bateau. Un VOR60 est évidemment plus à l’aise sur des bords longs, dans du vent soutenu et dans la mer formée que sur des petits parcours. Nous espérons que ce sera pareil demain et les jours suivants, comme prévu. Nous visons clairement le podium ! »
Romulo Moncada, équipier de Ventarron (CSA 2) :
« Comme hier, nous avons remporté la course du jour. C’est super. Nous nous sommes bien amusés. Nous avons sans doute eu un peu de chance, mais nous avons surtout bien navigué et nous avons travaillé dur. C’est bien de commencer une course par deux victoires. Ça met en confiance pour la suite mais on ne s’emballe pas pour autant car lors de notre première participation, en 2015, nous avions aussi gagné les premières manches mais pas le général. Nous sommes optimistes pour cette année car le vent souffle fort et notre bateau est très marin. »