Jérémie et Martin vous offrent deux descriptions authentiques de la vie à bord ! Accrochez-vous, ils ont l’oeil aussi affûté que leurs plumes…

Jérémie Lecaudey – Vestas 11th Hour Racing

Tu sais que tu es avec un bon équipage, lorsqu’après quelques jours passés dans l’étape la plus extrême… tu peux sentir la tranquillité. Il y a maintes et maintes manières de stresser sur un bateau : l’eau qui s’engouffre à l’intérieur, le mal de mer, la nourriture, l’hydratation, et plus simplement, les autres, qui peuvent également te stresser.

« On reste cool, peu importe la situation, ça ne fait rien si on est premier ou dernier, on s’en tient à nous mêmes. Il n’y a aucun intérêt à stresser les autres, ce n’est pas comme ça que tu tires le meilleur de chacun. » Les mots du skipper Charlie Enright alors qu’on prépare des cafés pour l’équipe sur le pont… On peut voir MAPFRE sous notre vent, avec Dongfeng en second-plan de Tony Mutter, qui est à la barre dans 25 noeuds de vent.

Notre navigateur Simon Fisher est à moitié endormi à la station de navigation, tentant de se relaxer après un changement de voile pour garder le rythme imposé pas les leaders. En général, Simon dort deux heures à la fois, et se fait réveiller si quelque chose semble anormal comparé aux autres bateaux. « Tu peux devenir fou si tu commences à trop réfléchir : est-ce qu’on a le bon matossage, est-ce qu’on navigue avec les bonnes voiles, notre cap est-il le bon etc. Je trouve plus utile de rester cool et faire un changement à la fois. »

Après une semaine dans cette septième étape, à sept jours du Cap Horn, tu peux sentir l’atmosphère relax de marins professionnels, faisant leurs jobs dans des conditions extrêmes, naviguant du mieux qu’ils peuvent, au sein des bateaux de tête !

Martin Keruzoré – Dongfeng Race Team

Un premier round sans trop de dégâts. A première vue, les bonhommes et le bateau vont bien. Intérieurement c’est une toute autre histoire qui se raconte. Cela fait une semaine aujourd’hui que nous avons largué les amarres, dit au revoir. Une semaine que nous sommes éloignés de tous contact et de tout confort. En approche du point Nemo (48°52.6′S 123°23.6′W), nous serons bientôt plus proches de nos amis dans l’espace que de toute civilisation terrestre. Le morceau de cailloux le plus près se trouvant à plus de 2600 km de notre petit bateau rouge.

Une semaine, des heures d’effort et de résistance à en croire les cicatrices du temps laissées sur les gueules de nos marins. Les quarts passés sur le pont sont interminables, 4 heures sans fin, sans horizon. Le temps est gris, la mer est forte et les paysages défilent à grande vitesse sans que personne n’y porte réelle attention. On retrouve les regards d’un lundi matin, d’un retour au bureau après un beau et long week-end.

Ces visages, emprisonnés dans un ciré humide et une cagoule en néoprène en disent long. Ces yeux vident, fermés presque aveuglés par tant d’effort. Nous naviguons dans un nuage de froid, glaçant et pénétrant, frappant au coeur les équipiers, un froid qui te prend et t’affaiblît avec le temps. Cette première semaine n’était qu’un galop d’essai, une mise en bouche de ce que le Pacifique nous réserve encore.

La semaine suivante s’annonce de même goût mais d’une toute autre intensité. Plus, encore plus de vent, plus de houle, plus sud, plus froid, plus de fatigue, plus éprouvante encore. Jusqu’où ces femmes et ces hommes peuvent aller, où sont leurs limites. La réponse est simple, Ils n’ont pas le choix, il n’y a pas d’échappatoire, la dépression est trop importante pour prendre les chemins de traverse. Il faut y aller, la réussite à la clé, cible de toutes motivations, le Cap Horn comme trophée.

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