Des foils sur La Fabrique pour la Route du Rhum
Après une Transat Jacques Vabre aux objectifs atteints aux côtés de Frédéric Denis, durant laquelle Alan Roura a pu apprivoiser son nouvel IMOCA La Fabrique, tout en livrant une belle bataille avec les bateaux de même génération (d’ailleurs remportée face à Arnaud Boissières et Fabrice Amédéo, ses concurrents du dernier Vendée Globe), le skipper suisse de 24 ans se lance un nouveau défi : modifier sa nouvelle monture en « foiler » pour la prochaine Route du Rhum. Début du chantier au retour du bateau en France, mi-janvier, pour une remise à l’eau quatre à cinq mois plus tard, tandis que préparation et entraînements sur différents supports seront au programme pour Alan.
Il l’avait annoncé lors du rachat de l’ex-MACSF de Bertrand de Broc par son partenaire principal La Fabrique : Alan Roura veut des foils, ces plans porteurs permettant aux bateaux de « voler » au-dessus de l’eau, pour le Vendée Globe 2020. Si cette volonté était affichée et que le budget nécessaire était trouvé, l’inconnu demeurait quant à la date d’ajout de ces appendices en forme de moustaches. « Nous hésitions entre les implanter à l’hiver 2019, afin de ne pas se précipiter et attendre de voir ce qui se faisait sur les nouveaux IMOCA, ou bien s’y atteler dès début 2018 dans le but de naviguer un maximum sur le bateau dans sa nouvelle configuration », dévoile le Genevois. C’est finalement la deuxième option qui a été retenue après que le skipper de 24 ans a achevé sa première transatlantique en course à la barre du nouveau La Fabrique. « L’objectif de cette Transat Jacques Vabre 2017 était de trouver les manettes et d’étudier les éventuelles améliorations à apporter, explique-t-il. En seize jours de course avec Fred, notre connaissance et notre utilisation du bateau ont évolué de façon considérable, ce qui nous offre une vision beaucoup plus approfondie de ce que nous pouvons modifier à bord. La priorité a ainsi été mise sur le temps d’adaptation aux foils. »
Mise en chantier mi-janvier
Actuellement en mer pour le convoyage retour depuis le Brésil avec l’équipe technique à bord, le monocoque rouge à croix blanche devrait être de retour en Bretagne en début d’année 2018 – après un bref arrêt aux Açores le temps des Fêtes – et remis immédiatement en chantier dans le hangar de La Fabrique Sailing Team, à la Base des sous-marins de Lorient. « Un chantier d’ajout de foils implique beaucoup plus que la simple greffe de deux appendices, détaille Gilles Avril, Directeur technique du projet. Il faut d’abord enlever les dérives classiques actuellement à poste, reboucher les trous traversant la coque et le pont, créer et insérer les puits de foils sur le profil de la coque, dessiner et construire lesdits foils, renforcer et/ou modifier chaque élément du bateau susceptible de subir des forces augmentées en navigation, apporter d’autres modifications structurelles… C’est un travail de longue haleine que nous avons entamé avant même le départ de la Transat Jacques Vabre, avec la rencontre des différents intervenants et le début des calculs et dessins inhérents à toutes ces modifications. » C’est donc entourés de professionnels reconnus du milieu de la voile que l’équipe du jeune skipper conduira ce travail colossal : le cabinet Finot-Conq, architecte du bateau, sera en charge du dessin de ces nouveaux appendices avec l’hydrodynamicien Michel Kermarec, tandis que leur confection sera confiée au chantier JPS Production et les modifications structurelles de la coque à Gepeto Composite. Après quatre à cinq mois de chantier, La Fabrique devrait être remis à l’eau durant le printemps 2018 et participera au maximum de courses ouvertes au circuit IMOCA avant le départ de la Route du Rhum, le 4 novembre.
Alan, entre déplacements et entraînements
D’ici là, le programme d’Alan Roura s’annonce d’ores et déjà bien chargé. Toujours soucieux de participer à la vie de son équipe, le jeune skipper passera avant tout beaucoup de temps au chantier, tant à superviser qu’à participer aux travaux, tout en honorant les nombreuses demandes dont il fait l’objet dans son pays natal. « Mon début d’année sera marqué par la sortie d’eau du bateau et par quelques déplacements en Suisse, confirme-t-il. Je vais aller voir mes sponsors et ma famille, j’ai aussi quelques rendez-vous médiatiques et déjà plusieurs conférences à donner. J’aime toujours autant aller à la rencontre des gens et toute occasion est bonne pour, peut-être, donner envie à d’autres entreprises de rejoindre notre projet. » Car si le budget du chantier « foils » est couvert, La Fabrique reste ouverte à la venue de nouveaux partenaires et le projet en lui-même nécessite encore quelques fonds supplémentaires, dans le but de se donner les meilleures chances de performance – à hauteur de 100 000 à 200 000 euros par an jusqu’au Vendée Globe. « Ce chantier s’inscrit dans l’esprit de notre nouveau projet sur quatre ans avec La Fabrique, ajoute-t-il. Évoluer techniquement, grandir humainement et s’élever sportivement. C’est pourquoi j’aurai également à travailler de mon côté pendant cette mise en chantier, tant sur la stratégie, la météo, l’analyse de trajectoire, la préparation physique et mentale… Mais aussi et surtout en multipliant les entraînements sur l’eau, sur différents supports. Voire même en embarquant en tant que co-skipper ou équipier sur d’autres courses et circuits, avec pourquoi pas une Transat AG2R en Figaro ? Je suis ouvert à toute proposition ! (Rires) » De quoi s’occuper – et progresser encore – en attendant de pouvoir retrouver La Fabrique !
Tout ce qu’il faut savoir sur le chantier de La Fabrique
Design des foils
Finot-Conq (Vannes) a été choisi par Alan pour concevoir les foils, en collaboration avec lʼingénieur en hydrodynamique Michel Kermarec. Il est en effet apparu évident de travailler avec l’architecte originel de La Fabrique. Outre sa connaissance du bateau et le palmarès de ses voiliers (4 victoires dans le Vendée Globe), le cabinet vannetais exprime également une forte volonté de se tourner vers les foils. Un Mini 6.50 à foils sur plans Finot-Conq est d’ailleurs actuellement en construction.
Finot-Conq a, pour l’occasion, proposé de s’entourer d’un expert reconnu et avec lequel il avait déjà collaboré par le passé : responsable, entre autres, des appendices et des prédictions de performance chez Oracle dès 2007 puis chez Artemis, Michel « Mick » Kermarec travaille sur la Coupe de lʼAmerica depuis 1995. Depuis, il accumule les campagnes et est considéré comme l’un des meilleurs spécialistes de l’aéro et de l’hydrodynamique au monde.
Au premier coup d’oeil, les foils de La Fabrique pourront sembler assez intermédiaires entre les versions 3 des IMOCA de la génération 2015 et ceux dʼHugo Boss. Cependant, des raffinements discrets en feront des appendices optimisés pour un maximum de polyvalence. « Lʼidée est dʼêtre dans le gain de vitesse pur, sans altérer les performances existantes du bateau, précise Alan. Il devra aller plus vite au portant et au reaching, sans pour autant se retrouver pénalisé dans les allures de près ». Les calculs et les dessins sont en cours et devraient être finalisés dʼici quelques semaines.
David de Prémorel, chef de projet chez Finot-Conq : « Le projet des modifications que nous allons apporter à La Fabrique est passionnant à plus d’un titre ! Il nous permet de mettre en pratique les recherches que nous menons en continu depuis 4 ans sur les foils grâce à nos outils CFD. Nous avons aussi grand plaisir à re-travailler avec Mick Kermarec. Cette collaboration nous permet de brûler les étapes : elle confirme notre bonne compréhension du fonctionnement de ces appendices, tout en approfondissant encore certains aspects. Enfin, c’est une joie de faire évoluer notre IMOCA de 2008, une plateforme idéale pour cela, et de se joindre à une équipe aussi enthousiaste et dynamique que celle d’Alan ! »
Construction des foils
Le chantier JPS Production (Trinité-sur-Mer) – entre autres constructeur des Mach 40, qui ont trusté les quatre premières places au classement Class 40 de la dernière Transat Jacques Vabre – s’est vu confier la confection des deux plans porteurs, notamment grâce à sa méthode de fabrication en monobloc de carbone fraisé. Le foil selon La Fabrique sera donc fabriqué en une seule et unique pièce, lorsque la majorité des anciennes versions étaient constituées d’un tip et d’un shaft reliés par un coude. À noter que JPS Production est également le constructeur des foils des anciens Safran et No Way Back du dernier Vendée Globe.
Greffe des foils
C’est à Gepeto Composite (Lorient) que reviendra la tâche de déposer les puits de dérives existants et d’implanter ses nouveaux appendices à La Fabrique. À la fois polyvalente et performante, constructeur du Lift 40 Carac de Louis Duc, dernier né de la Classe 40, l’entreprise lorientaise a fait des modifications et optimisations structurelles sur les bateaux existants son cœur de métier. Elle compte ainsi parmi ses oeuvres la reconstruction de Groupama 3 après son chavirage ou encore de Sodebo 4 après sa collision avec un cargo. Gepeto Composite présente aussi l’avantage de sa proximité géographique d’avec la base de La Fabrique Sailing Team : tous les travaux se feront ainsi dans le hangar de l’équipe d’Alan, sans que le bateau n’ait à être déplacé.
Modifications annexes
Gepeto Composite sera également l’artisan d’un important travail d’allégement de la partie avant de La Fabrique, corroboré au chantier d’hiver classique mené par l’équipe d’Alan. Certains renforcements structurels, nécessaires suite à la modification des forces exercées sur le bateau par l’ajout de foils, seront également conduits par l’entreprise lorientaise, qui a déjà modifié de nombreux IMOCA tels Banque Populaire VI, PRB, Queguiner ou encore St-Michel Virbac, ainsi que plusieurs maxi-trimaran de la catégorie ULTIM (Banque Populaire V, Sodebo 4, Actual Ultim…).