François Gabart entre concentration et émotion
Si tout va bien, François Gabart en terminera en fin de semaine avec son tour du monde en solitaire, après moins de 45 jours de mer. Joint ce mardi lors d’une vacation avec les collaborateurs de la Macif, le skipper du trimaran MACIF, secoué dans une mer violente, s’est montré très concentré sur la bonne marche de son bateau, tout en ne cachant pas son émotion à l’évocation de l’arrivée qui approche.
AVANCE SUR LE RECORD DE THOMAS COVILLE (Sodebo Ultim)
2499,80 MILLES
Le lieu : l’anticyclone des Açores
Depuis qu’il a franchi l’équateur dimanche après 36 jours de mer, François Gabart a connu un début d’Atlantique Nord à haute vitesse, au point de traverser le Pot-au-noir sans être freiné, avant d’attaquer par la face ouest le contournement de l’anticyclone des Açores, vaste zone sans vent dont le centre est à peu près positionné au niveau de l’archipel des Açores. Depuis lundi après-midi, il rencontre des conditions de navigation très difficiles avec un alizé fort et une mer en travers de la route d’un trimaran MACIF fortement ballotté. « C’est un peu chaud parce qu’il y a encore pas mal de mer, je me fais bien secouer depuis hier soir. Ça devait se calmer ce matin, mais il y a toujours 30 nœuds. Normalement, la mer va prendre de la droite ce qui me permettra d’être un peu plus dans son axe, ça devrait être un peu mieux », a commenté François Gabart mardi lors de ce qui devrait être l’ultime vacation hebdomadaire avec les collaborateurs de la Macif. Dans ces conditions, le marin prête une très grande attention à son trimaran, bien conscient de la nécessité de le ménager sur cette dernière semaine de mer. « Il faut trouver le subtil mélange entre avancer suffisamment vite et ne pas forcément aller à 40 nœuds, parce que ça tape. C’est un peu la difficulté, mais c’est mon job, il faut arriver à avoir du feeling avec le bateau. Pour le moment, il va bien, mais on ne sait jamais trop où est la limite entre le moment où ça passe et celui où ça ne passe pas. J’espère sortir de cette zone le plus vite possible, il devrait y avoir ensuite plus de glisse jusqu’à l’arrivée ».
Le chiffre : 5
Soit le nombre de jours d’avance, à plus ou moins quelques heures près, que compte François Gabart sur le temps de passage il y a un an de Thomas Coville, détenteur du record du tour du monde en solitaire. Comment l’intéressé explique-t-il cet écart alors même qu’il n’envisageait au départ d’Ouessant au mieux qu’une faible marge sur les 49 jours 3 heures 4 minutes et 28 secondes du skipper de Sodebo ? Interrogé par un collaborateur de la Macif, il a répondu : « J’avais dit avant le départ que ça serait dur et que pour battre le record, il faudrait trois paramètres : une bonne météo, un bon bateau et bien naviguer. La météo, on a clairement eu une super fenêtre. Même si ça s’annonce plus compliqué sur la fin et que je ne vais pas aller vite sur les trois derniers jours, sur les 41 précédents, à part la dépression dans l’Indien, j’aurai été plutôt chanceux. Ensuite, le bateau : il va très vite et surtout, il est capable d’aller vite longtemps. C’est une grande fierté pour tout le boulot fait en amont avec l’équipe. Enfin bien naviguer : pour l’instant, je ne vais pas me jeter des fleurs, mais je pense quand même avoir fait du bon boulot. Maintenant, j’espère que ça va tenir jusqu’au bout ». S’il ne se lance pas des fleurs, nombreux sont, aujourd’hui, ceux qui le font à sa place…
La phrase : « Ça fait du bien aussi de penser à des choses positives… »
Au moment de commenter mardi son état d’esprit alors que la ligne d’arrivée se rapproche des étraves de MACIF, François Gabart a été submergé par l’émotion, preuve de l’engagement extrême qu’il met depuis maintenant 38 jours dans son tour du monde. « C’est assez bizarre, il faut faire hyper gaffe à rester concentré sur le moment présent et à ne pas s’emporter, mais en même temps, la nuit dernière, les conditions étaient tellement dégueulasses que ça fait du bien aussi de penser à des choses positives… » Une chose est certaine : ce défi l’aura une fois de plus fait considérablement mûrir : « Ces tours du monde sont de sacrés voyages intérieurs. On en apprend un paquet sur soi, on découvre de nouvelles limites, des capacités à aller toujours un peu plus loin. Je trouve ça beau, c’est assez douloureux aussi, mais ça vaut le coup de vivre ça ».
Le programme : le tour de l’anticyclone et une zone de calme
Filant à 30 nœuds dans un alizé d’est-nord-est, MACIF poursuit donc le contournement de l’anticyclone des Açores. C’est jeudi matin qu’il devrait passer dans son nord et empanner pour mettre le cap vers la Bretagne. La suite (et fin) du programme s’annonce en revanche compliquée avec une zone de vent assez large qui lui barre la route. « J’ai peur de ne pas avoir beaucoup le choix, il va falloir être patient. Ça fait partie du jeu, mais c’est un peu frustrant car j’ai envie d’aller à fond la caisse jusqu’au bout. Ce n’était certes pas le but du jeu, mais ça ne m’aurait pas déplu d’arriver dans un temps proche de celui de Francis Joyon en équipage (40 jours 23 heures 30 minutes en janvier dernier sur le Trophée Jules Verne, ndlr). La météo ne le permet pas du tout, mais en même temps, quand voit la grosse dépression que vous avez eue ces derniers jours, ce n’est pas plus mal d’arriver dans une période assez calme, ça permet d’assurer le coup. Sur les routages, l’heure d’arrivée est quasiment la même qu’on mette un bateau rapide ou lent. » A savoir dimanche dans l’après-midi, ce qui donnerait un temps d’un peu plus de 43 jours !