A couteaux tirés vers le Pot-au-Noir
Comme on pouvait s’y attendre, la première étape de la Volvo Ocean Race entre Lisbonne et Le Cap donne lieu à une régate de tous les instants entre les sept VO 65 engagés. Vendredi, c’est l’équipage de Dongfeng Race Team, mené par Charles Caudrelier, qui mène les débats, alors que la flotte approche du redouté Pot-au-Noir.
Plus de cinq jours de mer sur la deuxième étape de la Volvo Ocean Race entre Lisbonne et Le Cap et déjà quasiment 3000 milles avalés, preuve que la flotte n’a quasiment jamais cessé de cavaler depuis le coup de canon sur le Tage dimanche dernier. Certes, les sept skippers en lice ont parfois pesté au moment où leur VO 65 passait sous les 15 nœuds de vitesse, mais force est de constater que leurs moyennes descendent rarement sous cette limite, preuve de l’intensité de cette régate. Les écarts parlent d’eux-mêmes : au moment où la flotte évolue au large des îles du Cap Vert, les cinq premiers se tiennent en moins de 40 milles, seuls Team Sun Hung Kai/Scallywag et Turn the Tide on Plastic, passé jeudi soir en mode furtif, étant un peu décrochés, mais à moins de 100 milles de l’actuel leader, Dongfeng Race Team.
Grand animateur du départ à Lisbonne, ce dernier n’a eu de cesse depuis de jouer aux avant-postes, à coup de petits décalages bien sentis par le navigateur Pascal Bidégorry, même si l’élastique a souvent tendance à se tendre puis se détendre. « Cette course va être super stressante, les bateaux sont très proches, ça se joue mètre par mètre, chaque erreur se paie cher, tu as toujours l’impression que l’autre a beaucoup plus de vent que toi », confiait le skipper Charles Caudrelier jeudi au moment d’être ralenti dans une zone de vents faibles dont il est depuis ressorti, parvenant même, grâce à un meilleur angle dans l’alizé de nord-est, à grappiller quelques milles à ses concurrents directs dans la journée de vendredi. « Il y a encore beaucoup de route devant nous et beaucoup de choix à faire avant l’Hémisphère Sud », tempère l’intéressé qui apprécie tout de même les conditions plus maniables et plus stables de cette fin de semaine, ce qui permet à l’équipage, au four et au moulin lors d’un début de course « fast and furious », de souffler.
Les 12 milles d’avance vendredi après-midi sur MAPFRE (15 sur Vestas 11th Hour Racing, 23 sur Team AkzoNobel) ne sont en tout cas pas grand-chose à l’échelle d’une étape de 7000 milles, alors qu’approche l’un des gros obstacles de cette Volvo Ocean Race, le Pot-au-Noir. Dans cette zone de convergence inter-tropicale, où se croisent alizés de nord-est de l’hémisphère Nord et de sud-est de l’hémisphère Sud, tout peut arriver : calme plat dans lequel les bateaux peuvent englués de longues heures, voire des jours, violents orages synonymes de grains subits susceptibles de provoquer des dégâts s’ils ne sont pas bien anticipés. A bord des sept VO 65, les navigateurs ont en ce moment les yeux rivés sur leur écran pour trouver les meilleurs points de passage. « Pour l’instant, c’est une course de vitesse, l’objectif est d’aller le plus rapidement possible vers le sud ; une fois que nous nous approcherons du Pot-au-Noir, il s’agira d’affiner notre position, à l’ouest ou à l’est, pour passer le plus en douceur possible », confirme Simon Fisher, navigateur à bord de Vestas 11th Hour Racing, vainqueur de la première étape à Lisbonne.
Derrière, David Witt, skipper de Team Sun Hung Kai/Scallywag, 6e vendredi, ne cache pas compter sur un coup de pouce du Pot-au-Noir : « C’est fou de voir comment la course flotte reste compacte. Il y aura à peine plus de 50 milles d’écart entre le premier et le dernier à l’entrée du Pot-au-Noir, et dans le passé, on a vu des bateaux y perdre de 50 à 300 milles, la route est encore longue… » Reste que pour Marcel Von Triest, conseiller météo de Dongfeng Race Team (le routage extérieur est interdit sur la course, mais chaque team a son expert), la traversée du phénomène météo, prévue ce week-end, ne s’annonce pas trop difficile : « Tout se présente de façon claire, avec du vent tout du long. Après, ce n’est jamais une science exacte et un nuage suffit pour tout chambouler ».
Dans ce contexte, certains tenteront-ils de profiter de la possibilité offerte par le règlement de la Volvo Ocean Race, une fois par étape, de passer en mode furtif, à savoir de devenir invisibles de leurs concurrents pendant 24 heures ? A voir, mais un des sept concurrents a d’ores et déjà utilisé ce joker, Turn the Tide on Plastic, passé en mode furtif jeudi soir et qui le restera jusqu’à ce vendredi, 21h (heure française). De quoi lui permettre de ne plus fermer la marche ? « On remonte doucement sur Scallywag et Brunel, on voudrait miser là-dessus. C’est un pari, on verra bien ce que ça donnera. On va essayer dans le même temps de naviguer le plus vite possible pour rattraper notre retard au classement », confiait jeudi au moment de commenter cette décision la skipper britannique Dee Caffari, secondée à la navigation par le vainqueur de la Solitaire du Figaro 2017, le Français Nicolas Lunven.
Bref, que ce soit à l’avant ou à l’arrière de la flotte, le suspense n’a en tout cas pas fini de durer sur cette deuxième longue étape de la Volvo Ocean Race et sur la course dans son ensemble. « La Volvo est une course très longue, les performances des bateaux sur les premières étapes ne seront pas forcément les mêmes qu’à la fin : certains équipages vont progresser, d’autres régresseront parfois pour des causes humaines, de cohésion d’équipage, parce que c’est dur de vivre ensemble pendant un an », conclut Christian Dumard, prévisionniste météo pour Great Circle, le prestataire météo de la course.