Les skippers ont réinvesti le bassin Paul Vatine ce mercredi, toujours baigné d’un soleil frisquet. Sous les bonnets et derrière les lunettes, chacun se projette désormais dans le départ dimanche et les enchaînements qui suivront. Avant de parler parcours et météo, revue d’effectifs et des prétentions de chacun. Aujourd’hui, place aux Class40 et Multi50

Class40 : La plus ouverte
Avec 16 bateaux au départ, la Class40 est encore une fois la plus représentée de cette Route du Café. Brassage de pros en herbe, de pros tout court et d’amateurs éclairés, elle présente cette année une homogénéité unanimement saluée autour du bassin Paul Vatine.

Champion du monde 2016 de la série, le Britannique Phil Sharp (Imerys) fait naturellement partie des noms les plus cités. Il est secondé par Pablo Santurde, qui connaît le support sur le bout des doigts. Leur Imerys est un plan Manuard 2013, pas le plus rapide au reaching (il y en a au programme, après l’équateur) mais polyvalent et très bien optimisé. Côté puissance, c’est le nouveau venu Carac qui a poussé le curseur le plus loin. Ce nouveau plan Lombard remarquablement construit arbore des formes avant proches des Scow*. Son skipper Louis Duc a toujours brillé avec son vieil Akilaria les saisons passées et il s’adjoint entre Le Havre et Bahia les services de son copain Alexis Loison, formé à l’exigeante école du Figaro depuis 10 ans.

Même calibre pour Aïna Enfance et Avenir des Rochelais Aymeric Chappellier et Arthur Le Vaillant, qui ont toujours joué aux avant-postes et dont le plan Manuard 2017 est bien rodé, un podium est à portée de leurs mains. Même constat pour V and B de Maxime Sorel, deuxième en 2015, accompagné de l’expérimenté Antoine Carpentier sur un bateau sorti du même moule qu’Aïna Enfance et Avenir. Maxime dit que pour gagner, « il faut être prêt à se faire mal » et ça ne lui fait visiblement pas peur…

Viennent ensuite plusieurs sérieux outsiders comme Bertrand Delesne et Justine Mettraux (Teamwork 40), Sidney Gavignet et Fahad Al Hasni (Oman Sail). Les tandems Olivier Cardin et Cédric Château (Région Normandie Junior Senior by Evernex), Tom Laperche et Chrisophe Brachmann (Le Lion d’or) sont aussi à surveiller. Difficile enfin de clore cet inventaire des prétendants sans citer le président de la Class40 Halvard Mabire. Quand on lui parle de podium, le doyen de l’épreuve pouffe dans sa barbe « A 61 ans, si je gagne c’est qu’il y a un truc qui cloche ! », mais son Campagne de France n’a pas l’habitude d’être à la traîne. Miranda Merron, co-équipière d’Halvard, n’est-elle d’ailleurs pas la seule concurrente à avoir déjà remporté la Transat Jacques Vabre* ?

* Scow : bateau de régate des lacs américain à la carène en forme de gélule, carène reprise notamment sur les protos de la Mini Transat.
** en 1999 sur le 50 pieds Pindar, aux côtés de Emma Richards

Multi50 : Qui peut battre FenêtréA-Mix Buffet ?
« Bodybuildés » par l’ajout de foils – « sécurisés » disent les skippers -, les Multi50 ne traîneront sans doute pas entre Le Havre et Salvador de Bahia.

En chef de file, difficile de ne pas citer Erwan Le Roux, qui débarque au Havre en patron (vainqueur en 2009, 2013 et 2015). Tenant du titre, il s’aligne sur son plan VPLP foilé parfaitement optimisé. A ses côtés Vincent Riou dont on sait le talent et l’expérience, semble avoir retrouvé une seconde jeunesse à l’idée de traverser l’Atlantique sur trois pattes. Face au tandem de choc, cinq autres Multi50 sont au départ. Deux d’entre eux – La French Tech Rennes Saint-Malo (Gilles Lamiré et Thierry Duprey du Vorsent), Drekan Groupe (Eric Defert et Christopher Pratt) – sont dépourvus de foils et on voit mal comment ils pourraient tenir la cadence lorsque les conditions seront propices à accélérer. A l’inverse, Ciela Village, tout juste mis à l’eau est le seul multicoque conçu spécifiquement pour l’utilisation des foils par le cabinet d’architecte VPLP. Le bateau sort tout juste de chantier mais Thierry Bouchard connaît son sujet. Il est associé à Oliver Krauss, les deux sudistes fonctionnant ensemble depuis des années.

Reste deux sérieux concurrents. Arkema tout d’abord, skippé par Lalou Roucayrol. Vainqueur en équipage de la Transat Québec St-Malo en 2016 Lalou mettra tout son cœur et son expérience pour inscrire une nouvelle grande victoire au palmarès de son joli trimaran. Il pourra compter sur l‘expérience tous azimuts du Catalan Alex Pella qui a remplacé Karine Fauconnier, blessée à l’entraînement et qui assurera le routage à terre (contrairement aux Imoca et Class40, le routage est autorisé pour les multicoques). Un mot enfin de Réauté Chocolat, passé en mode foils aux mains d’Armel Tripon. Le vainqueur de la Mini Transat 2003, associé à son Boat Captain Vincent Barnaud a montré qu’il avait très vite pris en mains son plan Verdier à l’occasion des courses d’avant saison. Si il s’agit de sa première transat en course en multi, Armel est souvent qualifié de raisonnable, une qualité utile sur un multicoque lancé à travers l’Atlantique en novembre…

 

ILS ONT DIT

Halvard Mabire et Miranda Meron, co-skippers de Campagne de France (Class40)

« Ce serait une énorme déception de ne pas rentrer dans les dix, mais ce sera une très belle perf d’être dans les cinq ! Le plateau est exceptionnel. 10 équipages peuvent prétendre à la victoire, c’est la force de notre classe. L’intérêt de la course au large, c’est quand même le nombre. Et aujourd’hui, tu ne gagnes pas en faisant un joli coup. Tu es devant à Salvador de Bahia si tu as su exploiter les petites erreurs de la concurrence. »

Vincent Riou, co-skipper FenêtréA – Mix Buffet (Multi50)

« Le niveau est homogène. Il y a des bateaux avec de grosses qualités. Il y a l’incertitude de Ciela Village qui est complètement neuf mais a priori il va aller vite. La flotte des Multi50 a une belle gueule et il y a de nouveaux skippers. Oui, je continuerai bien en Multi50, c’est un super outil pour emmener des partenaires et le circuit qui se met en place avec les bateaux en évolution est super très attrayant. Il faut changer ! Sur cette Transat Jacques Vabre, je préfère largement naviguer avec Erwan sur ce support que d’être en Imoca. »

Maxime Sorel, skipper de V and B (Class40)

« Les bateaux sont devenus durs, ils tapent forts et pour nous en Class40, la course est longue. Tu peux être tenté de choquer un peu à un moment donné. Plus que jamais pour gagner, il faut accepter de se faire mal ! »

Louis Duc, skipper de Carac (Class40)

« Le bateau est exactement comme je l’avais pensé. On a progressé déjà, on a bossé sur les réglages du mât et des voiles. On s’est aperçu qu’en bossant qu’on avait les mêmes performances que les autres là où le bateau n’est pas forcément à l’aise, et on a un vrai gain dans la brise et aux allures débridées. Entre 60° et 130-140° le bateau est très à l’aise. Par rapport à mon ancien bateau, c’est plus violent, même une vaguelette de 10 cm on la ressent à bord ! »

Lalou Roucayrol, skipper Arkema (Multi50)

« Je me souviens d’avoir parlé à Alex à l’arrivée de la dernière Route du Rhum et j’ai suivi ensuite son parcours. Quand Karine s’est blessée, j’ai tout de suite pensé à lui. On cherchait l’excellence. Alex (Pella) a une expérience incroyable sur de nombreux supports. Il est une bibliothèque de la navigation internationale. On est sur les mêmes façons de fonctionner sur la nourriture, le sommeil, les relais à la barre. L’objectif de base c’est naviguer bien, vite et juste. »

Aymeric Chappellier, skipper d’Aïna, Enfance & Avenir (Class40)

« Le point fort, c’est que nous avons participé à la course Les Sables-Horta et que nous avons vu le bon comportement du bateau dans des conditions rudes. Nous sommes sereins car nous avons pu tester le bateau. Côté objectif, c’est très clair : arriver devant le deuxième ! Quand je m’aligne sur une ligne de départ, c’est pour gagner la course. J’ai une grande confiance dans Arthur, même s’il va découvrir la course en Class40. »

Phil Sharp, Skipper de Imerys (Class40)

« Je ne vois pas l’intérêt de s’aligner dans une course si tu n’as pas de bonnes chances de gagner. Cette année, nous avons bien préparé le bateau, optimisé et le plus important, accumulé les milles en course. C’est essentiel de pouvoir pousser les limites du bateau en compétition en avant saison. Nous avons cassé quelques petites choses et avons tout fait pour laisser derrière nous ce qui peut nuire à la performance »

Thierry Bouchard, skipper de Ciela Village (Multi50)

« On sent le bateau plus ardent, plus agile, il faut s’adapter à une nouvelle conduite. Sur ce nouveau bateau, on peut aller plus vite avec plus de sécurité. On peut attaquer sans forcer. Les années à venir seront les années foils. C’est une évidence et ça me plaît d’être dans le mouvement. Sur cette Transat Jacques Vabre, nous allons pousser le bateau pour découvrir ses limites parce que nous sommes deux, mais sans pour autant prendre de risque. Avec Oliver, nous avons couru notre première Transat Jacques Vabre en 2007 et c’était vers Salvador de Bahia… On connaît le chemin ! »

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