La magie des Voiles ne peut se résumer au défilé tout en élégance et en bonne humeur des plus beaux yachts classiques et modernes au monde. Elle doit, pour être complète et ravir les quelques 4 000 marins internationaux présents dans le golfe, se conjuguer à cette météo estivale qui résiste toujours et encore aux frimas hivernaux continentaux. Ce fut le cas aujourd’hui, quand généreux soleil et vent tonique se sont mariés pour combler les équipages et produire cet étonnant spectacle si propre aux Voiles, quand gréements centenaires mêlent leurs reflets aux designs les plus futuristes. Le Comité de course ne s’est donc pas trompé en envoyant toutes les Classes de voiliers Modernes, ainsi que les grands Wally, dans un long côtier vers Cavalaire, tandis que les classiques s’évadaient du golfe en direction des Issambres. Le vent bien établi sur une mer de plus en plus agitée, n’a guère posé d’embûches aux navigateurs, et c’est sans surprise qu’on observait dès le début d’après midi le retour toutes voiles dehors des plus grandes et des plus véloces unités de la flotte, Rambler, My Song ou Babsy chez les IRCA, Magic Carpet3 et Galateia chez les Wally, en attendant l’arrivée des sloops et cotres bermudiens The Blue Peter, Stormy Weather ou Galvana chez les Classiques…

L’effet Cammas

Le VOR 70 Babsy, ex Puma, sistership de Groupama IV, n’a guère de secret pour Franck Cammas. Puissamment épaulé par Lionel Péan, ses hommes, Charlie Dalin et une bonne partie des Teams France, le marin Aixois a tiré aujourd’hui le meilleur parti des formidables conditions de navigation proposées. Troisième en temps réel, il reste jusqu’au terme des 25 milles du parcours suffisamment accroché au tableau arrière du Maxi américain Rambler pour s’imposer en temps compensé. C’est Spectre, le plan Frers de 60 pieds Britannique qui complète le podium du jour. Superbe lutte dans chacun des 5 groupes IRC en lice. Les 50 et quelques pieds ne se départagent qu’à coups de minutes, et c’est le Swan 53 de James Blackmore qui l’emporte chez les IRC B.

Magic Carpet3 maître en ses eaux

Le Wally Cento Magic Carpet3 a fait de Saint-Tropez son port d’attache. Gagner ici revêt naturellement une saveur particulier, et larges sont ce soir les sourires chez chacun des 26 membres d’équipage. Au terme d’un affrontement de tous les instants, dans des rafales enregistrées à la Fourmigue à plus de 27 noeuds, le tapis volant a su enchainer avec bonheur les bons changements de voiles pour maintenir en permanence le cent pieds au maximum de son potentiel. Au compteur il a au passage battu le record de vitesse du bord avec 25,6 nœuds ! Il a, fort de cette belle navigation, pu damer le pion à Open Season, et battre à la régulière, lors d’un dernier croisement d’anthologie juste avant la ligne d’arrivée l’autre Wally Cento Galateia. De son côté, le tout nouveau Tango qui tirait aujourd’hui ses tout premiers bords en course a fait forte impression, monte en puissance et devrait très rapidement être en mesure de se mêler aux meilleurs.

Les 12 m JI se prennent au jeu.

Parmi les nombreux représentants des classes métriques qui naviguent aux Voiles figurent évidemment des 12 m JI. Du vent, de la mer, et un beau parcours ver les Issambres avaient aiguisé les appétits des marins qui ont tous mis un point d’honneur à faire briller les couleurs de ces unités supports de l’America’s Cup de 1958 à 1987. Sovereign prenait le meilleur départ et tenait crânement le leadership jusqu’en bordure du golfe. Ikra, décidément très à l’aise dans les 24 noeuds et plus qui soufflaient alors en rafales depuis la mi-journée, s’emparait du commandement, et résistait jusqu’à la ligne aux assauts de France. Le ton est donné, et l’intensité des débats ne fera assurément que monter tout au long de la semaine.

Les 15 mètres malmenés

En forcissant à l’entrée du golfe, avec des rafales à près de 30 noeuds, le vent de sud-ouest a quelque peu malmené les vénérables 15 mètres, tous centenaires, qui régatent aux Voiles dans le cadre du trophée Rolex. Hispania (Fife 1909) a fait les frais du coup de vent et déplore une avarie de mât. Prudent, l’équipage de Mariska choisissait de se retirer de la course, laissant Tuiga fondre vers la victoire. Cette deuxième course au compteur des beaux panas Fife redistribue ainsi sérieusement les cartes.

En bref

Alexia Barrier sur le Vendée Globe

Familière des Voiles, l’Antiboise Alexia Barrier est présente aux Voiles avec une triple actualité. Son Figaro Bénéteau navigue en IRC, barré par Romain Gaillant, le préparateur d’Adrien Hardy. Elle même tiend la barre de Nada, un 6 m JI de 1930 signé Fife. Mais l’information à laquelle la jeune et opiniâtre femme tient le plus est certainement son annonce demain mercredi à 19 heures à l’Hôtel de Paris, du lancement de son projet Vendée Globe 2020. « Un premier partenaire, Pitchoune du monde, qui finance des orphelinats en Asie, s’est déclaré pour me soutenir dans cette aventure. » explique t’elle. « Son président ne comprenait pas pourquoi il n’y avait pas de femme au départ du dernier Vendée Globe. On a, à partir de ce postulat, décidé de mettre la puissance de la course au large en solitaire au service de cette cause des enfants orphelins. Il s’agit donc d’un projet à la fois sportif, aventurier et aussi humanitaire. On a fait le choix d’acquérir un bateau ancienne génération dès cette fin d’année, et le début d’une construction d’un voilier neuf début 2018. Vincent Riou m’aide sur la partie sportive et organisation. La Route du Rhum 2018 me servira de qualification. »

Femmes chefs d’entreprise de Saint-Tropez et de Monaco

Les Voiles de Saint-Tropez 2017 servent cette semaine de cadre au rapprochement et à des communications entre les femmes chefs d’entreprise du golfe de Saint-Tropez et celles de Monaco. C’est la navigatrice Alexia Barrier, engagée aux Voiles, qui sert de traits d’union entre ces groupes d’entrepreneurs féminins. Placée sous la Présidence de Véronique Russo-Cornec, la délégation du golfe de Saint-Tropez tiendra dans le cadre des Voiles sa réunion mensuelle, sur le thème du Feng Shui, qui signifie littéralement « le vent et l’eau », un art millénaire d’origine chinoise qui a pour but d’harmoniser l’énergie environnementale. Jeudi, ces dames se retrouveront sur l’eau pour profiter au plus près des régates.

Un Québécois aux Voiles

La sécurité sur le plan d’eau est, on le sait, une des grandes priorités des organisateurs des Voiles de Saint-Tropez. D’importants moyens humains et techniques sont ainsi déployés pour encadrer les régates, et faire respecter les règles de navigation. Parmi les hommes en charge de ce primordial rôle de police, Patrick Salvail, nouveau venu dans l’équipe dirigée par Philippe Martinez, et qui présente la singularité d’être… Québécois! Déjà amicalement surnommé « le caribou » par les équipes de Georges Kohrel, il distille une bonne humeur parfaitement en phase avec l’esprit des Voiles. « J’ai vendu mon entreprise de réhabilitation de sites industriels en juin dernier, et j’ai décidé de voir le monde » explique-t’il candidement. « J’ai regardé sur internet où l’on trouvait les plus belles régates, et j’ai spontanément proposé mes services de bénévoles à l’équipe… qui m’a accepté. Je connais le monde de la voile, et de la régate, ayant collaboré à la Transat Québec Saint Malo, mais ce que je vois ici dépasse en splendeur tout ce que j’ai vu auparavant. L’ambiance est extraordinaire. Je me méfie pourtant de mes collègues qui tentent depuis mon arrivée de me piéger avec une drogue locale appelée… pastis. »

Tilly XV tire ses premiers bords aux Voiles.

Encore un voilier centenaire à découvrir aux Voiles cette année. Tilly XV est un témoin bien vivant d’une élégance et d’un savoir faire de la fin du 19ème siècle. C’est en effet en 1898 que les Yacht Club de Lûbeck et de Kiel en Allemagne du Nord, ont lancé la conception d’un voilier de régate à la journée. Ainsi est né la SonderKlass, taillée pour un équipage exclusivement masculin de trois marins, long de 9,75 mètres pour un poids total de 1 800 kg, aux lignes fines et épurées, bas sur l’eau et remarquablement véloce. Tilly XV a été dessiné selon cette jauge par Wilhelm von Hacht et construit à Hambourg en 1912 pour le Prince Heinrich de Prusse, frère de l’Empereur Guillaume II. Il a depuis été méticuleusement restauré par Siggi Ritter.

Ils ont dit :

Danny Gallichan, boat captain de Magic Carpet3

Danny Gallichan, originaire de Jersey, est l’homme à tout bien faire à bord de Magic Carpet3, le redoutable Wally Cento. Des performances en mer, à la gestion humaine, il garde un regard scrutatif, et pourtant amical et bienveillant sur la marche du géant. Réflexions :

« Si on veut régater en configuration course, il faut des bras, et 26 personnes sont nécessaires. Mais en croisière, 4 personnes sont suffisantes. Il y a quatre Wally Cento aux Voiles, et c’est très excitant. Il nous faut travailler dur sur l’eau et à quai pour rester au même niveau que les unités les plus récentes. On cherche en permanence à rendre le bateau plus véloce. Nous sommes 4 permanents à l’année, et trois en hiver, lorsque nous entrons dans une phase de recherche et développement pour améliorer le bateau. Nous travaillons sur tous les secteurs du bord, de la quille au mât. Cela devient chaque année plus difficile de progresser, mais les matériaux et les technologies évoluent si vite qu’il faut vraiment rester en alerte. Nous avons énormément de voiles à bord en fonction de parcours, des programmes. Chaque matin, selon les programmes et les conditions, nous chargeons les voiles les mieux adaptées pour la journée. Il y a un très bon esprit à bord. L’équipage se connaît et navigue ensemble depuis longtemps. D’une manière générale, c’est toute la classe qui fait preuve d’un excellent esprit très en rapport avec le yachting. Il y a une véritable éthique au sein de la famille Wally. On veut gagner mais nous sommes tous amis. »

Charlie Dalin (VOR 70 Babsy)

« Une journée idéale pour ce bateau qui a besoin de vent fort pour s’exprimer. Nous avons navigué très proprement, sans bords inutiles, en profitant bien du renforcement du vent vers Cavalaire, et en négociant parfaitement les effets de sites et pointes. Naviguer avec Franck Cammas est un bonheur. On apprend en permanence à ses côtés. Son équipage, mêlé à celui de Lionel Péan est impeccable. Nous terminons 3ème en temps réel, derrière les Maxis Rambler et My Song. Une journée parfaite, avec des pointes de vitesse à plus de 22 noeuds. »

Antoine Carpentier, Black Pepper 2

« Le vent soutenu nous a bien aidé, car nous disposons d’une large carène, très planante. Nous avons ainsi prolongé loin notre bord en bordure du golfe pour prendre tout le vent frais possible, et pour ainsi nous détacher de notre groupe des Tofinous 12,50 et autres Code 0. Le bateau est très marin, très agréable dans les 24 noeuds de vent que nous avons connus aujourd’hui. Avec le skipper propriétaire Christophe Delachaux, nous sommes 9 hommes d’équipage. »

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