C’est dans les gènes de la Mini-Transat d’avoir toujours été à la pointe de l’architecture navale. Des prototypes de Casimir Jarkowski en 1997 et Norton Smith en 1979, aux derniers-nés comme le Lilienthal de Jörg Riechers ou l’audacieux Arkema 3 de Quentin Vlamynck.

Des premières éditions de la Mini-Transat on tend à retenir les bateaux de série trafiqués (Muscadet, Gros-Plant, Serpentaire, Surprise coupés) que les quelques prototypes qui ont pourtant participé à l’histoire de la course et son évolution. Dès 1977 le navigateur polonais Casimir Jarkowski partait sur un plan Caroff très particulier puisque dépourvu de grand-voile et doté de deux grands génois endraillés sur deux étais séparés. Ce bateau conçu uniquement pour les allures portantes exploitait le règlement de cette première édition qui voulait que le parcours entre Penzance et les îles Canaries ne soit qu’un convoyage et ne compte pas pour le classement de l’épreuve.

Premiers prototypes : dix ans d’évolution

« De mon point de vue, le premier prototype vraiment conçu pour la Mini-Transat fut American Express, vainqueur de l’édition 79 aux mains de Norton Smith. On avait là un vrai bateau polyvalent, à la fois marin et rapide. » Etienne Bertrand, architecte de nombreux prototype dont Lilienthal, le tout nouveau bateau de Jörg Riechers, est particulièrement bien placé pour déceler les étapes clés de l’architecture des Minis.
Jusqu’en 1987, les carènes évoluent peu. On gagne un peu en puissance, en ergonomie, mais la philosophie qui préside au dessin des carènes reste identique.

1989, la révolution Finot

En 1987, deux nouveaux protos dessinés par le groupe Finot font leur apparition. Thom Pousse, mené par Philippe Vicariot et Mistral Gagnant skippé par Hervé Devic tranchent radicalement avec l’ensemble de la flotte. La carène gagne en puissance, les francs –bords diminuent drastiquement et l’ensemble gagne en légèreté. « La diminution des francs-bords n’était pas une fin en soi. On a surtout voulu travailler sur la puissance de forme et gagner en légèreté grâce à un travail très fin sur l’échantillonnage. On a pu bénéficier de la collaboration de Thierry Fagnent qui a réalisé un travail d’orfèvre avec son chantier… » témoigne Pascal Conq. Cette combinaison gagnante, sonne le début d’une ère de domination quasiment sans partage des plans Finot-Conq. De 1989 à 2013, les plans Finot s’imposent par six fois. Mais c’est surtout la philosophie induite qui s’impose comme devant être la règle. Le cabinet Finot Conq peut aussi s’enorgueillir d’avoir un même bateau Eva Luna vainqueur de la Mini-Transat en 2009 (avec Thomas Ruyant) puis en 2013 (aux mains de Benoît Marie). En 2015, Eva Luna accédait de nouveau au podium. Seul Karen Liquid, le plan Magnen skippé par son architecte a fait aussi bien, double vainqueur en 1997 et 1999.

1991 la synthèse Desjoyeaux

« Michel Desjoyeaux a eu un vrai talent. Celui de rassembler une foule de solutions techniques comme la quille basculante, le bout-dehors orientable, le hale-bas circulaire et d’en faire un ensemble homogène. Aujourd’hui, plus personne ne penserait à naviguer avec un spi symétrique et un tangon amuré sur le mât… » L’analyse d’Etienne Bertrand sonne juste. Quand Michel Desjoyeaux prend le départ de la Mini-Transat en 1991 au départ de Douarnenez, tout le monde n’a d’yeux que pour son prototype, un vieux plan Fauroux véritablement passé à la moulinette de la créativité des frangins Desjoyeaux, Michel associé pour l’occasion à ses frères Bertrand et Hubert, maîtres à penser du chantier CDK. A l’arrivée à Fort-de-France, les Ministes se pressent en masse pour faire un tour à bord du voilier vainqueur de la deuxième étape, encouragés par les conseils jamais avares du professeur Desjoyeaux qui n’avait jamais autant mérité son surnom.

1985 les bateaux de série changent de statut

Philippe Harlé, l’architecte de l’emblématique Muscadet a couru la Mini-Transat sur un Gros-Plant, un Muscadet survitaminé dans l’optique de la course au large. Mais plus les éditions passent et plus il devient évident que le fossé se creuse entre bateaux de série et prototypes. Aussi en 1985, il décide de lancer avec l’aide du centre nautique des Glénans, un nouveau bateau de série spécialement conçu pour la Mini-Transat. Les Glénans envisagent même de s’en servir pour établir une formule de promotion qui permettrait à un équipage en double d’être au départ. Le Coco est né.
Viendra ensuite, à partir de 1997, la dynastie des Pogo 1, puis Pogo 2 qui règneront en maîtres jusqu’en 2013. Aujourd’hui Pogo 3 et Ofcet ont tiré les conséquences de la révolution introduite par David Raison. La victoire ne devrait pas leur échapper.

2011 les scows sur le sentier de la guerre

En 2009, David Raison, coureur et architecte, décide de mettre en application son intuition. Petit à petit, les carènes gagnent en puissance, mais on doit pouvoir faire mieux, plus radical. David Raison s’inspire alors des carènes des scows, ces bateaux à fond plat de la baie de Chesapeake, dotés d’une puissance et d’une stabilité sans égal grâce à leur étrave ronde. Il faudra près de deux ans à David Raison pour optimiser son bateau, essentiellement gommer les quelques points faibles initiaux comme la surface mouillée dans le petit temps. Mais en 2011, son Magnum domine de la tête et des épaules la course, ouvrant la voie à une nouvelle génération de bateaux. Au départ de cette Mini-Transat La Boulangère, Ian Lipinski qui navigue sur Griffon.fr, la version bis du plan Raison, aura entre autres pour adversaires deux autres scows, Arkema 3 de Quentin Vlamynck et Lilienthal de Jörg Riechers. En attendant dès 2018, un nouvel adversaire dessiné par le cabinet Finot-Conq. « On ne quitte jamais vraiment la Mini-Transat », conclut Pascal Conq.

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