De premiers écarts à toute vapeur
Les eaux de l’estuaire de la Loire et les côtes bretonnes sont désormais loin dans les sillages du Queen Mary 2 et des trimarans Ultimes, qui poursuivent leur route à travers l’Atlantique, en direction de New York. Au deuxième jour de course, alors que les quatre protagonistes à voiles de la Transat du Centenaire ont tous privilégié une route au Nord, une première hiérarchie se dessine sur les grands espaces océaniques, peu enclins à leur laisser l’opportunité de rivaliser avec le paquebot qui carbure, depuis le coup d’envoi, à la moyenne aussi constante qu’impressionnante de 24 nœuds.
Macif (François Gabart) et IDEC SPORT (Francis Joyon) ont incontestablement pris un net avantage face à leurs deux poursuivants, qui accusent de premiers écarts menaçant encore de se creuser d’ici les prochaines 24 heures. Sodebo Ultim’ (Thomas Coville), qui concédait un peu de terrain hier, affiche 70 milles de retard au classement de 16h, face aux deux duettistes de tête, les plus prompts à virer, cette nuit, au passage de la première petite dépression à 100 milles au large des vers pâturages irlandais du Connemara.
« À vitesse grand V »
« C’est toute la dimension du multicoque avec des écarts qui se font et se défont à vitesse grand V. On enchaîne et on aborde les systèmes météo très rapidement. Quand cela va dans le mauvais sens comme pour nous depuis hier, on accuse vite du retard », consent Vincent Riou à bord du maxi-multicoque, détenteur du record autour du monde en solitaire, qui pointe en 3è position. De son côté, Actual (Yves Le Blévec), moins performant et moins véloce que ses concurrents, ferme logiquement la marche, près de 170 milles derrière.
À bord du célèbre « liner », où la réflexion initiée par les entreprises du Club des 100 sur le monde de demain bat son plein dans le cadre d’un huis-clos embarqué qui tient toutes ses promesses, le consultant météo, Dominic Vittet, ne s’y laisse pas tromper.
« Les premiers bateaux ont viré dans la nuit dernière et progressent désormais dans du vent de Nord. Mais dès qu’ils vont toucher du Nord-Ouest, ils vont repartir par devant, comme cela s’est déjà passé hier. En tête, les deux gros clients, Macif et IDEC, sont réputés pour ne pas faire pas beaucoup d’erreurs. Sodebo Ultim’ doit donc faire une navigation parfaite pour faire un petit coup et espérer revenir au contact », analyse-t-il.
Duel en tête au royaume de sa Majesté
À bord du Queen Mary 2, les 2000 passagers ont également traversé une petite dépression secondaire dans la nuit, générant un peu pluie. Pour autant, les conditions sont toujours très agréables sur l’Atlantique Nord sur une mer calme et dans une « jolie brise » de secteur Nord, de force 4 sur l’échelle de Beaufort. Le commandant Christopher Wells, au prix d’une navigation parfaite, au plus près de la route directe imprime toujours un rythme des plus soutenus. À bord, Armel Tripon le skipper du Multi 50 Réauté Chocolat, plus habitué à ronger son frein dans les petits, ou à faire le dos rond dans les coups de chien, ne boude pas son plaisir de vivre cette expérience inédite à bord du géant d’acier. « C’est très étonnant, et surprenant de traverser l’Atlantique à cette vitesse, sans appréhension des conditions de mer et de vent », confie-t-il à bord du paquebot, qui aura rejoint New York samedi matin à l’aube, après 5 jours et 19 heures de mer à un rythme effréné tout en garantissant un confort et un art de vivre au grand large inégalés.
Ce mardi après-midi, le Queen Mary 2 affiche une avance de plus de 430 milles sur ses deux plus proches poursuivants à voiles, qui ont néanmoins, depuis quelques heures, franchement accéléré la cadence dans les vents de Nord-Ouest qui vont fraîchir progressivement. Avec 7 petits milles pour les séparer, la bataille fait plus que jamais rage entre ces deux trimarans Ultimes qui n’ont pas fini de croiser le fer et les étraves dans le sillage du navire amiral de la Cunard, maître des lieux sur son terrain de jeu…
Classement du mardi 27 juin 2017, à 16h
- Macif (François Gabart) : à 2456 milles de l’arrivée
- IDEC SPORT (Francis Joyon) : à 7 milles du premier
- Sodebo Ultim’ (Thomas Coville) : à 69 milles du premier
- Actual (Yves Le Blévec) : à 168 milles du premier
Queen Mary 2, à 2022 milles de l’arrivée
Ils ont dit
Davy Beaudart (Actual) :
« On est au près, on monte tranquillement au Nord pour aller chercher la bascule de vent de la première dépression. C’est ambiance « saute-moutons » sous un ciel gris avec quelques grains qui passent. On devrait virer dans le milieu d’après-midi (HF). On va alors toucher un flux de Nord qui va se renforcer gentiment entre deux dépressions. On va avoir 24 heures un peu toniques au reaching avec une mer un peu croisée. Ça va être une partie un peu plus rapide, mais aussi plus délicate à gérer. On adorerait profiter des transitions pour revenir sur nos trois camarades de devant, mais en vitesse pure, cela restera dur. On va prendre ce qu’on peut prendre. On ne va rien lâcher jusqu’à l’arrivée. »
Vincent Riou (Sodebo Ultim’) :
« On a passé un petit front cette nuit. Pour nous la situation est compliquée, c’est très désavantageux d’avoir du retard, mais on est toujours à l’attaque et on attend notre heure. Devant nous, on a une zone de transition avec du vent un peu faible qui va nous ralentir toute la journée beaucoup plus que nos adversaires. Il va falloir se battre pour ressortir au plus vite. Actuellement, nous sommes au près serré dans 12/13 nœuds de vent. On a eu jusqu’à 25 nœuds cette nuit au passage de front, et là, on repart dans un vent de 10 nœuds, voire moins pour la journée.
Le choses ne sont pas super bien enchaînées pour nous, on a raté deux-trois petits coups et depuis on est un peu la peine. Cela s’est joué à peu de choses lors de la première nuit, c’est la vie des courses au large et la route est encore longue. »Sébastien Picault (IDEC SPORT) :
« On est très heureux du départ et de la façon selon laquelle se goupille ce début de course. Nous avons mis nos quarts en place de deux, avec Francis qui vient de nous donner des coups de main et supervise tout ça. Nous avons un petit décalag au Sud par rapport à Macif, qui reste quand même très à l’aise en vitesse et on ne trouvait pas très judicieux de faire une route similaire. On fait notre petit chemin. La route est encore longue, avec des petits trucs à jouer. On essaye de faire les bords rapprochants au mieux. On essaye de bien tenir nos rythmes de quarts. Jusqu’à présent, on a réussi à se reposer correctement. Au départ, cela a été plus sportif. Lais à présent, plus au large, on essaye de choisir le moment le plus judicieux pour déclencher une manœuvre afin d’être cinq sur le pont. Pour l’instant, tout se passe plutôt bien, pour le bateau, comme pour les bonhommes. »