Le vainqueur de La Solitaire 2009 n’avait jamais remporté d’étape alors que Nicolas Lunven cumule déjà huit participations : cette victoire magistrale à Gijón est non seulement un déclic psychologique mais surtout un ascendant énorme sur la flotte, et en particulier sur certains favoris qui ont soit abandonné, soit encaissé un mauvais résultat à la suite de problèmes techniques.

Le final a été à l’inverse de la nuit précédente : de plus en plus mou au fur et à mesure que le vainqueur de cette première étape de La Solitaire URGO Le Figaro s’approchait du dénouement. Nicolas Lunven (Generali) avait dès le départ de Pauillac, animé la course, virant en tête la marque ATT Arcachon après un bord de spinnaker paisible, puis remontant au près vers le plateau de Rochebonne en suivant la route directe quand plusieurs de ses concurrents choisissaient le large. Mais ce n’est qu’après 24 heures de mer que le vent de Sud-Ouest est rentré, d’abord maniable au large de l’estuaire de la Gironde, puis de plus en plus soutenu en remontant vers l’île de Ré. Au point que les leaders alignaient des surfs à plus de 17 nœuds…

Nicolas 1er, Tsar de Gascogne

Et au passage de cette marque de parcours, sur un plateau de Rochebonne déjà particulièrement agité, le vent montait encore d’un cran, toujours de Sud-Ouest, avec des rafales à plus de 30 nœuds. Dans le tableau arrière de Yann Eliès (Quéguiner-Leucémie Espoir), Nicolas Lunven, en compagnie d’Adrien Hardy (Agir Recouvrement), ne cherchait pas à serrer le vent mais à gagner le plus à l’Ouest possible pour aller chercher la bascule du vent. Bonne pioche puisque ces deux solitaires prenaient alors le commandement alors que la brise grimpait parfois à plus de quarante nœuds dans les grains. Mais surtout la mer devenait extrêmement chaotique au point de provoquer nombre d’avaries, à l’image de la barre de flèche cassée pour Erwan Tabarly (Armor Lux), contraint de se détourner vers les Sables d’Olonne, tout comme Damien Guillou (Domino Pizza) et Anthony Marchand (Ovimpex-Secours Populaire) ou Marc Pouydebat (Auto Malin), dérouté vers La Rochelle tandis que Yannig Livory (Lorient Entreprendre) continuait sa route vers Gijón tant bien que mal, tous suite à une déchirure de leur grand-voile…

Ce n’étaient d’ailleurs pas les seuls solitaires à affronter les assauts de la mer et à en subir les conséquences : plusieurs skippers annonçaient, qui un étai creux en vrac (Jérémie Beyou-Charal), qui une panne d’AIS (Éric Péron-Finistère Mer Vent), qui une avarie de grand-voile (Thierry Chabagny-Gedimat). Incontestablement, le choix de persévérer le plus à l’Ouest possible était bénéfique car les deux compères de tête réussissaient à faire un petit break sur une « bande des quatre » sous leur vent : Yann Éliès, Sébastien Simon (Bretagne CMB Performance), Charlie Dalin (Skipper Macif 2015) et Alexis Loison (Custo Pol). Quatre mousquetaires qui ne purent réellement inquiéter le duo majeur de cette première étape, Nicolas Lunven réalisant la performance de doubler Adrien Hardy à mi-descente vers l’Espagne. L’état de la mer était alors extrêmement désordonné et progresser au près sous voilure réduite n’était pas une sinécure !

Des écarts conséquents

La victoire de Nicolas Lunven 13 minutes 23 secondes devant Adrien Hardy ne doit toutefois pas cacher la très belle performance de Julien Pulvé (Team Vendée Formation) qui s’adjuge la huitième place à une heure du vainqueur alors que cette 48ème édition de La Solitaire URGO Le Figaro marque sa première participation ! Ou celle de la Suissesse Justine Mettraux (TeamWork) qui termine à la douzième place pour sa deuxième participation, dix secondes seulement devant le deuxième « bizuth », Pierre Leboucher (Ardian). Quant à l’Anglais Hugh Brayshaw (The Offshore Challenge), il s’octroie le nouveau classement provisoire des amateurs créé par la Classe Figaro.

Mais surtout de mémoire de monotype Figaro Bénéteau, c’est la première fois qu’une première étape est aussi musclée ! Et elle a fait beaucoup de dégâts parmi les favoris annoncés à Bordeaux : Erwan Tabarly, Damien Guillou et Anthony Marchand ont abandonné sur cette manche, Jérémie Beyou et Thierry Chabagny terminent très loin de la tête… Et les écarts marquent déjà un profil particulier puisque seuls sept solitaires finissent en moins d’une heure, une ligne de démarcation qui va devenir difficilement franchissable au fil des trois étapes à suivre…

Classement de la première étape Bordeaux-Gijón :

  1. Nicolas Lunven (Generali) en 2j 07h 31’ 36
  2. Adrien Hardy (Agir Recouvrement) à 13’23 du vainqueur
  3. Sébastien Simon (Bretagne CMB Performance) à 27’46
  4. Charlie Dalin (Skipper Macif 2015) à 28’53
  5. Yann Éliès (Quéguiner-Leucémie Espoir) à 39’40
  6. Alexis Loison (Custo Pol) à 48’26
  7. Xavier Macaire (Groupe SNEF) à 53’56
  8. Julien Pulvé (Team Vendée Formation) à 1h02’56 – Premier bizuth
  9. Gildas Mahé (Action contre la faim) à 1h06’54
  10. Pierre Quiroga (Skipper Espoir CEM-CS) à 1h08’55

Ils ont dit :

Nicolas Luven (Generali), 1er :

« Je suis vraiment très très heureux, parce que ce matin au lever du jour quand j’étais derrière Adrien Hardy, je me suis dit : « Ce n’est pas possible, je ne vais pas faire second pour la huitième fois, je crois, sans jamais avoir gagné une étape. Donc trouve la solution, mais double-le. » Je me suis énervé toute la journée pour réaliser cet objectif. C’est vrai que je cours après une victoire d’étape depuis des années maintenant, c’est chose faite maintenant. »

Adrien Hardy (Agir Recouvrement), 2e :

« C’est un peu dommage de faire une super course, de faire une belle stratégie, de faire des belles manœuvres et de se louper sur quelque chose d’un peu évident. Mais je suis content quand même. J’ai très peu dormi sur cette étape. J’aurais souhaité dormir plus mais je n’ai pas réussi, les conditions étaient telles que l’on ne pouvait pas du tout mettre le pilote. »

Sébastien Simon (Bretagne-CMB Performance), 3e :

« Je suis super content pour une première étape, c’est la première que je réussis aussi bien. En plus c’étaient des conditions de bûcheron, donc m’en sortir comme ça, c’est plutôt pas mal. La course n’est pas jouée du tout, même pour la première place, il peut se passer encore plein de choses. »

Charlie Dalin (Skipper Macif 2015), 4e :

« J’aimerais bien partir mieux, parce que je suis en train de me transformer en remonteur professionnel, pas en navigateur. Une erreur de bouée, ce n’est pas tolérable, je ne suis pas très content contre moi. J’ai couru après tout le monde depuis le début, il n’y avait pas trop le choix, il fallait trouver des solutions. Il y a eu quelques bords où j’ai été assez inspiré, en fin de nuit, j’avais une super vitesse, ça m’a permis de remonter juste derrière Seb Simon au pied du podium. Je suis à 29 minutes de Nico (Lunven), il reste du temps. »

Yann Eliès (Queguiner-Leucémie Espoir), 5e :

« J’ai un peu lâché prise quand il y avait du vent. Pendant huit heures, tu reçois en long en large et en travers, j’ai eu beau être bien équipé, j’ai eu un petit moment de faiblesse, c’est tout à fait humain dans ces conditions-là. Idéalement, il n’aurait pas fallu lâcher, c’est là où j’ai perdu le gros, après, il n’y avait plus grand-chose à faire, c’était du tout droit. Mais ce que je retiens, c’est cette première partie de course où j’ai fait de belles trajectoires, j’ai été devant, je me suis fait plaisir, j’ai navigué comme j’aime le faire. Au bout, c’est 40 minutes à l’arrivée, c’est un delta raisonnable. »

Julien Pulvé (Team Vendée Formation), 8e et 1er bizuth :

« Je suis vraiment ravi ! Ça a été à bord, quelques petites bricoles techniques, mais grosso modo, tout va bien et youpi, quoi ! Je n’ai rien lâché, j’ai tâché de me reposer pendant le coup de vent, j’ai évidemment beaucoup barré pendant le coup de vent et puis derrière, je me suis forcé à ne pas retourner dormir pour essayer de cravacher et revenir, je suis content que ça ait fonctionné, c’est cool. Premier bizuth et 8e, c’est excellent, je suis ravi, pourvu que ça dure ! »

Justine Mettraux (Teamwork), 12e :

« Le sentiment est plutôt positif, je suis contente de finir autour de la 10e place. Je devais finir 10e, mais j’ai zappé de décroché mon écoute avant le virement, ça ne l’a pas fait et les deux autres me sont passés devant. Mais je suis contente, j’ai osé faire des trucs, en vitesse ça va, même s’il y a des moments où c’est encore difficile. L’année passée, j’avais fait une mauvaise première étape, là, je commence bien, donc ça me met plus en confiance pour la suite, c’est cool. »

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