Un Rhum au goût d’inconnu pour Eric Bellion
Plus de 100 jours après son arrivée aux Sables d’Olonne, la magie du Vendée Globe continue d’opérer pour Éric Bellion. Le skipper de COMMEUNSEULHOMME, 9ème et 1er bizuth du tour du monde, annonce qu’il participera à la Route du Rhum 2018, au départ de Saint Malo et à destination de Pointe à Pitre.
Plus qu’une suite logique au Vendée Globe, cette Route du Rhum est un nouveau saut dans l’inconnu. Après le marathon de la course autour du monde, le marin doit trouver les clés de la performance sur un sprint transatlantique et cela est indissociable, selon Eric Bellion, de la recherche de l’état de grâce atteint dans les mers du Sud. « L’état de grâce, c’est quand tu survoles les difficultés. Non seulement tu vas vite mais en plus tu te sens très bien. C’est ce que les Anglais appellent être ‘In the zone’ » explique-t-il. En effet, après un début de course incertain, il avait fini par oser lâcher prise, naviguer à sa main et écouter son instinct : cet « état de grâce » avait permis, au cœur de l’Indien, de révéler un marin rapide, efficace et en parfaite osmose avec son bateau.
Esprit pionnier
Pour beaucoup, ce sentiment de plénitude est un heureux hasard mais Éric veut aller plus loin dans sa compréhension. Vendée Globe et Route du Rhum ne sollicitent pas les mêmes aptitudes et c’est tout l’intérêt pour celui qui veut démontrer par l’expérience la pertinence de ses principes d’action, à commencer par cet esprit pionnier sans quoi rien n’est possible. « Il faut toujours tenter des choses que l’on n’a jamais faites. C’est dans l’inconnu que l’on se connaît » rappelle Eric Bellion qui préfère se définir comme aventurier et non comme compétiteur.
Ego et Figaro
Face à ce nouveau défi et toujours avec la même volonté de sortir des chemins tracés, Eric a concocté, dans l’esprit de COMMEUNSEULHOMME et avec la complicité de Michel Desjoyeaux, un plan d’entraînement solide sur 2018. « Je n’ai pas envie d’arriver comme un touriste. Je vais me remettre au travail à terre comme en mer, humblement, et prendre cette course très au sérieux » explique-t-il. Il passera notamment beaucoup de temps en Figaro, un petit monocoque de 10 mètres de long incontournable pour celui qui veut travailler les fondamentaux de la course au large. Il pourra ainsi enchaîner les sorties en entraînement et participera à plusieurs courses en 2018. Face à des routiers du circuit, biberonnés à la régate au contact, il sait qu’il sera à nouveau un amateur. Qu’importe, il a déjà mis son égo dans sa poche, conscient que les déconvenues font partie du chemin d’apprentissage. Mais il a dans son jeu, le Vendée Globe dont il est revenu riche d’une force morale du dépassement de soi hors du commun.
Contagion positive
Comme dans toutes ses aventures, c’est la volonté de partager le message sur la différence qui prime. La Route du Rhum, course populaire par excellence, est un formidable canal de communication. « Depuis l’arrivée du Vendée Globe, je mesure l’engouement incroyable qui est né autour de la différence. L’essentiel est aujourd’hui pour moi de poursuivre l’aventure COMMEUNSEULHOMME pour véhiculer ce message encore plus largement, et de chercher ensemble les clés de la performance. »
DECLARATION
Pourquoi le Rhum ?
« Au même titre que le Vendée Globe, la Route du Rhum est une course populaire en cohérence avec l’objectif de COMMEUNSEULHOMME de véhiculer le message sur la différence. Tout le monde a été très heureux avec le Vendée Globe, que ce soit les mécènes ou le public, et toute l’équipe est en place pour prolonger la magie de la course. Je veux participer à la Route du Rhum pour chercher les clés de l’état de grâce. Je veux comprendre comment, en visant l’harmonie, j’ai fait ce résultat sur le Vendée Globe. Je ne m’attendais pas à vivre ce que j’ai vécu, et je veux comprendre comment cela s’est passé. Je veux surtout découvrir si la différence est bien la source de l’état de grâce collectif en entreprise et dans la société. »
Quelle est votre définition de l’état de grâce ?
« C’est ce que les Anglais appellent être « in the zone » et c’est ce que j’ai eu la chance de connaître entre les Kerguelen et le Cap Horn sur le Vendée Globe et aussi d’une certaine façon sur la Transat Jacques Vabre avec Sam Goodchild en 2015 et à bord de Team Jolokia en 2013. A ce moment-là, quand tu vis un état de grâce, tu te trouves au-dessus de la difficulté. Tu es performant et en même temps tu récupères, tu te préserves, tu es heureux. Sur le Vendée Globe, le premier mois de course, je n’avais pas une minute à moi et ensuite, la tendance s’est inversée. Plus j’accélérais, plus je me faisais confiance, et plus j’avais de temps pour moi. Je me sentais super bien. »
C’est quelque chose qui peut se reproduire ?
« Je pense que oui. Avec ce Rhum, je veux tout mettre à plat pour comprendre, étape par étape, comment cela se met en place. On parle souvent de l’état de grâce mais jamais des clés qui permettent de l’atteindre. J’ai le sentiment que les clés de COMMEUNSEULHOMME sont une piste intéressante. »
Et quelles sont ces clés ?
« La première est de toujours tenter des choses que l’on n’a jamais faites et c’est pour ça que je me lance ce nouveau défi. La deuxième clé est de faire confiance pour découvrir nos ressources infinies. La troisième c’est se forger un état d’esprit de pionnier en étant persuadé que l’innovation vient de la contrainte. La quatrième montre que pour atteindre la performance, il ne faut pas viser la performance, mais chercher l’harmonie. La cinquième enfin, et c’est celle que je veux affiner, c’est tout simplement parier sur l’intelligence collective pour atteindre l’état de grâce. »
Quel est votre programme de préparation ?
« Je ne participerais pas à la Transat Jacques Vabre cette année car ma priorité aujourd’hui est de faire avancer la cause. Il y a l’exposition, le film, le livre et le manifeste sur lequel nous travaillons. Je vais cependant beaucoup me préparer. J’ai envie de garder la même dynamique que sur le Vendée Globe. On a discuté avec Michel (Desjoyeaux, ndlr) de la meilleure manière pour aller vite. On a parlé de mettre des foils, de changer les dérives et on est arrivés à la conclusion que le plus efficace serait d’améliorer le skipper ! Je vais donc faire du Figaro. C’est un petit bateau et c’est facile de passer du temps en mer, contrairement à l’IMOCA. Je vais faire des compétitions car c’est le meilleur moyen pour me perfectionner même si je sais que je vais ramasser les bouées. Je vais devoir mettre mon égo dans ma poche mais c’est une étape essentielle pour être à ma place au départ de la route du Rhum. »