A bout de souffle
Eric Bellion fait face à des conditions dantesques à environ trois jours de son arrivée aux Sables d’Olonne et il est à nouveau contraint d’incurver sa route pour éviter le plus gros d’une violente dépression. Le Néo-Zélandais Conrad Colman n’est pas épargné non plus par cette tempête. Derrière Arnaud Boissières et Fabrice Amedeo qui ont encore une semaine à patienter avant de toucher terre, Alan Roura avoue une importante baisse de moral. « Je n’en peux plus de cette torture qu’est la remontée depuis le Horn », écrit-il. Mais le Suisse s’accroche avec courage. Didac Costa, Romain Attanasio, Rich Wilson, Pieter Heerema et Sébastien Destremau trouvent eux aussi le temps long. Il faut dire qu’ils sont partis des Sables d’Olonne depuis plus de 95 jours… La force physique s’amenuise et c’est au mental qu’il faut terminer cette course.
La journée d’Eric Bellion (CommeUnSeulHomme) a été délicate. Ce matin, il naviguait avec trois ris dans la grand-voile et affrontait des vents très forts sur une mer formée. « J’ai déjà eu un grain à plus de 70 nœuds ce matin. C’est dur mais tout va bien à bord », a-t-il écrit à la Direction de Course cet après-midi. S’il avait fait route directe, Eric aurait pu rencontrer des conditions encore plus hostiles dans la journée de vendredi. En bon marin, il a choisi d’éviter cette zone très dangereuse en optant pour une route plus au Sud. La navigation reste néanmoins très animée et on surveille avec attention la progression de Bellion qui est attendu aux Sables d’Olonne à partir de dimanche après-midi. Mais il faudra peut-être patienter jusqu’à lundi pour le voir couper la ligne…
La situation n’est pas simple non plus pour Conrad Colman (Foresight Natural Energy). Naviguant plus en arrière du front, il est toutefois moins sollicité par les vents forts et il n’a pas besoin d’incurver sa route, ou dans une moindre mesure. Il perdra probablement moins de temps qu’Eric et un rapprochement entre les deux concurrents est possible dans les heures à venir. L’écart s’est déjà réduit, passant de 314 milles hier à 15h, à 256 milles aujourd’hui à la même heure.
Baisse de moral pour Alan Roura, Rich Wilson dans le dur
Bloqués par le fameux anticyclone des Açores, Arnaud Boissières (La Mie Câline) et Fabrice Amedeo (Newrest-Matmut) n’ont d’autre choix que d’obliquer vers l’Est pour le contourner. Ils seront donc obligés de longer le Portugal pour remonter vers les Sables. Arnaud Boissières : « J’espère que le vent nous permettra de passer dans l’Ouest de Madère pour éviter les dévents. La fin s’annonce un peu molle. On devrait être au cap Finisterre lundi, mais l’arrivée se fera dans le petit temps au près, donc méfiance. » Arnaud et Fabrice pourraient en finir d’ici une semaine.
Derrière, Alan Roura (La Fabrique) a, sur le papier, une trajectoire plus classique et favorable puisqu’il réalise le traditionnel « tour de la paroisse », à savoir le contournement de l’anticyclone des Açores par l’Ouest. Mais entre les fichiers et la réalité, il y a parfois un monde. « Ma route Nord est un échec total, je vais droit sur une zone sans vent et au près. Encore du près… », déplore le skipper suisse. « Je ne sais pas ce qu’il se passe, comment d’un jour à l’autre on passe de 25 nœuds de vent portant à ça ?!? Il va falloir m’expliquer. Mon moral va avec la météo. Pour la semaine à venir, ce n’est pas une météo mais une catastrophe qui s’annonce devant. Je suis au bout de ma vie, à ne pas savoir quoi faire, où aller. La situation est critique à bord. Le bateau va bien mais moi, n’en parlons pas. Je n’en peux plus de cette torture qu’est la remontée depuis le Horn. Je dois me reprendre en main et passer au dessus de tout ça, mais si proche du but, plus dure est la baffe de ne vraiment plus savoir où aller et quand arriver ! »
Le doyen américain Rich Wilson (Great American IV) a meilleur moral mais il avoue que les conditions le font souffrir physiquement : « Cela tape vraiment et le bateau gémit et fait des bruits d’enfer. Se déplacer à bord est franchement dangereux. Je dors sur le dos car si je m’allonge sur le côté, je risque de rouler vers l’avant ou l’arrière lorsque le bateau se lève sur les vagues. Je porte donc un casque. Je prends les jours les uns après les autres, on arrivera quand on arrivera… »
Environ 200 milles dans le tableau arrière de Rich Wilson, Didac Costa (One Planet One Ocean) et Romain Attanasio (Famille Mary-Etamine du Lys) ne se quittent plus. Leur duel dure depuis… le Sud de l’Australie ! Ce match fait penser à celui qui a opposé Yann Eliès à Jean Le Cam, avec pour enjeu la 5e place. Au pointage de 15h, l’Espagnol Didac Costa conservait un léger avantage de 27 milles.
Pieter Heerema (No Way Back) approche du Pot au noir et de l’équateur. « Le Pot au noir a l’air affreux sur les fichiers, c’est pourquoi j’ai décidé de partir vers l’Est. La situation météo pour la fin de course n’est pas claire, les modèles ne s’accordent pas depuis quelques jours. Mais sauf incident majeur, Sébastien Destremau ne va pas me rattraper. »
Sébastien Destremau (TechnoFirst-faceOcean) qui est à la latitude de Sao Paulo, et à plus de 1600 milles de l’équateur va être fortement ralenti jusqu’à samedi soir. Il devrait alors toucher des alizés. Il va en tout cas se sentir bien seul dans l’hémisphère Sud…
Rich Wilson (Great American IV) :
« On a beaucoup parlé du fait que je suis le doyen de la flotte, mais Nandor (Fa) n’a que quelques années de moins et il est arrivé avec deux semaines d’avance sur moi ! Il a fait un boulot remarquable. Il connaît parfaitement son bateau et il savait exactement où placer le curseur. Cela a bien marché pour lui. Je le félicite vraiment. C’est un mec sympa, très serein, très modeste, s’agit d’un grand marin. »