Nandor Fa à bon port !
C’était jour de fête aux Sables d’Olonne avec l’arrivée d’un nouveau concurrent, le Hongrois Nandor Fa qui s’est emparé de la 8e place du Vendée Globe après un peu moins de 94 jours de course. Dix concurrents sont encore en mer : cinq Français, un Néo-Zélandais, un Suisse, un Américain, un Espagnol et un Néerlandais. Les prochains attendus en Vendée sont Eric Bellion et Conrad Colman qui, en bons marins, ont infléchi leur trajectoire pour ne pas subir le plus gros d’une dépression en approche du cap Finisterre. Eric est attendu aux Sables à partir de dimanche, Conrad lundi ou mardi.
Nandor Fa : « L’un des plus beaux moments de ma vie ! »
C’est à 11h54 ce mercredi que Nandor Fa (Spirit of Hungary) a franchi la ligne d’arrivée du Vendée Globe, après 93 jours, 22 heures, 52 minutes et 09 secondes de mer. Le Hongrois s’est ainsi emparé d’une superbe 8e place, un peu moins de 20 jours après le vainqueur Armel Le Cléac’h. Dans des conditions météo idéales, le public des Sables d’Olonne a répondu présent pour saluer à sa juste valeur la performance.
Les premiers mots de Nandor sur le ponton étaient chargés d’émotion : « C’est l’un des plus beaux moments de ma vie. Je me suis battu pendant 94 jours. Parfois, cela semblait interminable. C’était froid, humide. Je me suis transformé en machine pour résister à la difficulté. Au départ, je ne pensais pas à ma position finale, car la flotte était tellement impressionnante. Avec mon bateau et vu mon âge, j’aurais pu imaginer finir entre la 15e et 20e place. Je voulais surtout finir en moins de 100 jours, mais terminer 8e, je n’aurais pas pu l’envisager et je suis fier de ce résultat. » Il clôt de la plus belle des manières son histoire avec le Vendée Globe, débutée en 1992-1993 par une remarquable 5e place. Nandor Fa : « Je suis désolé mais je ne pourrai jamais refaire cela. Dans quatre ans, j’aurai 67 ans. Je suis jeune d’esprit et même physiquement, mais j’ai pu constater la motivation dont il faut faire preuve jour après jour. Et je n’ai plus la force. C’était donc ma dernière course. L’avenir, ce sera avec ma famille. »
Bientôt la délivrance pour Eric Bellion et Conrad Colman
Après cette nouvelle arrivée, il reste dix skippers en mer. Les prochains à toucher terre devraient être Eric Bellion (CommeUnSeulHomme) et Conrad Colman (Foresight Natural Energy). Bien que distants de plus de 300 milles, tous deux font face à la même complexité météorologique au niveau de l’archipel des Açores. Ils ont infléchi leur route pour laisser passer le plus gros de la tempête. Les conditions s’annoncent toutefois très fortes pour les prochains jours et la fin de course ne sera pas simple pour les deux marins qui ont déjà déployé une énergie folle pour en arriver là. Mais la délivrance n’en sera que plus belle. Eric Bellion : « Je vis l’un des moments les plus difficiles de ce Vendée Globe. Je ne pense pas à l’arrivée. Les Sables d’Olonne sont à des années lumières ! » Eric est attendu en Vendée dimanche, dans le meilleur des cas. Conrad pourrait en finir lundi ou mardi. Les jours d’arrivée ne sont pas faciles à estimer, tout dépendra du déplacement de la dépression…
« Ça sent l’écurie ! »
La progression est laborieuse actuellement pour Arnaud Boissières (La Mie Câline) et Fabrice Amedeo (Newrest-Matmut) qui sont toujours englués dans une dorsale. Il leur reste une dizaine de jours avant d’espérer toucher terre. Arnaud pourrait devenir le deuxième skipper de l’histoire à terminer le Vendée Globe trois fois de suite (après Armel Le Cléac’h), tandis que Fabrice bouclerait la boucle pour la toute première fois, et peut-être pas la dernière…
Alan Roura (La Fabrique) n’a pas vécu des heures faciles, au près serré, à bord de son bateau taillé pour le portant. Mais la motivation du jeune Suisse est intacte, et son envie d’en découdre décuplée : « On ne lâche rien, je n’ai jamais eu le moral aussi bas qu’hier et aujourd’hui, les larmes de bonheur aux yeux. C’est vraiment n’importe quoi le Vendée Globe ! Normalement, dans environ quatre jours, je serai déjà aux Açores. C’est bête, mais psychologiquement, c’est déjà le Portugal, donc l’Europe, ce qui veut vraiment dire que je suis proche du but. Et même si les conditions sont toujours insupportables, ça sent l’écurie, le retour à la maison ! »
Le doyen Rich Wilson (Great American IV) navigue lui aussi dans des conditions exigeantes, dans des alizés soutenus, et il fait parler toute son expérience pour gérer au mieux la situation. Il maintient à distance Didac Costa (One Planet One Ocean) et Romain Attanasio (Famille Mary-Etamine du Lys) dont le duel contribue à animer cette fin de course. Avantage Didac pour le moment, mais d’un rien : seulement 16 milles d’avance au pointage de 15h. L’Espagnol et le Français ont 3000 milles pour se départager.
Encore un mois en mer pour Sébastien Destremau
Après des journées agréables dans des conditions favorables, Pieter Heerema (No Way Back) va bientôt aborder le Pot au noir et son instabilité météorologique. Sébastien Destremau (TechnoFirst-faceOcean) profite pour le moment de très belles conditions mais il se prépare également à des heures plus difficiles, au près. « J’éprouve des sentiments mitigés en pensant à l’arrivée », dit-il. « Je ressens de l’impatience mais il faut faire attention, il reste encore un mois de mer ! Naviguer au près n’est pas anodin. Les bateaux souffrent beaucoup et je ne suis pas très rassuré par rapport à la remontée de l’Atlantique nord. Le bonhomme et le bateau ont un tour du monde dans les pattes et il ne faut surtout pas relâcher l’attention. »
Sébastien Destremau (TechnoFirst-faceOcean) :
« J’ai des conditions idéales depuis deux jours, je navigue à 130 degrés du vent, avec un temps magnifique, un ciel bleu, une mer pas trop formée. Je remonte tranquillement le long du Brésil, à la hauteur de Sao Paulo. Actuellement, le vent mollit doucement, j’ai renvoyé de la toile, je suis sous grand-voile haute et gennaker. Mais les conditions vont changer d’ici 24h, car ensuite je vais faire du près pendant quinze jours, au moins jusqu’à l’équateur, avec un bateau qui tape et qui penche. Ma prochaine dead-line c’est l’équateur, il va falloir redoubler de vigilance. Prudence, prudence ! C’est la clé pour arriver au bout de ce Vendée Globe. Deux cents fois par jour je me répète : zéro négligence. Plus la ligne d’arrivée approche et plus il faut avoir une discipline de fer. »
Eric Bellion (CommeUnSeulHomme) :
« J’ai de l’électricité et j’ai réussi à remettre en marche mon dessalinisateur, donc j’ai de l’eau ! La dépression qui arrive avait l’air super méchante mais elle est juste méchante. Hier, j’étais au fond du gouffre, je n’avais plus d’eau et une dépression énorme devant moi. Finalement je m’en sors bien mais tout ça est hyper fragile car je dépends de mes hydrogénérateurs. J’ai une épée de Damoclès au-dessus de la tête car on n’est pas à l’abri d’un truc qui traine dans l’eau. »
Alan Roura (La Fabrique) :
« On est à deux doigts de boucler notre tour du monde sans escale, une première pour le bateau et pour moi, et avec un peu de chance, notre 13e place est en sécu. Allez, jusqu’au bout, terminer à cette place là, je crois que jamais, mais vraiment jamais je n’aurais espéré ça. Je me voyais avec Sébastien (Destremau) et Pieter (Heerema), loin derrière, mais il faut croire que j’ai sous-estimé mon bateau… Peut-être un peu moi aussi, mais je pense vraiment que c’est le bateau qui fait la différence. Moi, je ne suis qu’un petit jeunot qui donne ce qu’il a dans le ventre pour rentrer la tête haute. Finir, franchir cette ligne, c’est déjà un exploit, un sacré exploit ! Si mes calculs sont bons, je devrai être le 62ème à finir le Vendée Globe « en course ». Beaucoup l’on fait plusieurs fois mais le nombre de marins qui l’ont bouclé n’est pas très élevé au final. »