Grosse fatigue
90 jours de navigation H24… et une fin de course éreintante pour les 11 marins encore en mer sur ce 8e Vendée Globe. Les bateaux ont souffert et les skippers stressent chaque jour un peu plus d’une éventuelle casse. Nandor Fa a vécu l’enfer la nuit dernière : des vents de plus de 50 nœuds, une mer forte et la trouille au ventre que le gréement lâche. Le Hollandais Pieter Heerema, à 4 500 milles des Sables d’Olonne, rencontre des problèmes de lattes de grand-voile, tout comme l’Américain Rich Wilson au large de Recife. Vous l’aurez compris, tout peut encore arriver sur cette fin de parcours du tour du monde en solitaire et l’angoisse est omniprésente malgré le bonheur d’être en mer…
Contrôle obligatoire
Tout va bien à bord de Spirit of Hungary, mais le navigateur de 63 ans a prié pour que son bateau passe sans encombre la grosse dépression ces dernières 48h… Des rafales à plus de 50 nœuds après 23 270 milles parcourus, ça vous donne des sueurs froides ! Le bonhomme et son Imoca60 ont tenu le choc et Nandor a contrôlé son accastillage avec minutie. Une chose est sûre, il veut en finir et n’attendra pas le jour pour doubler la ligne d’arrivée s’il y parvient dans la nuit de mardi à mercredi. Nandor améliorera de toutes façons de près d’un mois son temps de parcours réalisé en 1992 à la cinquième place derrière Alain Gautier, Jean Luc Van Den Heede, Philippe Poupon et Yves Parlier, bouclant en 128 j et 16h son tour de la planète contre 93 jours cette année !
Coup de mou sur la flotte
« Cette fin de course sera plus dure je pense que tout ce qu’on a vécu depuis le départ, en ajoutant la fatigue il faut vraiment faire attention. Le but maintenant est de finir et si je maintiens cette 13ème place, je pense que je peux entrer dans le chenal des Sables la tête haute. » écrivait Alan Roura ce matin, qui devrait rapidement sortir du Pot au Noir. Trois mois de mer, trois mois sur le qui-vive, trois mois à vivre comme un « clochard »… La passion de la mer et de la course au large n’empêche pas la dureté de l’épreuve. Petit moral également pour Fabrice Amedeo dans les alizés de l’hémisphère Nord qui se fait secouer comme un prunier sous un ciel gris. Le skipper de Newrest-Matmut voit aussi que les conditions météo ne vont pas l’aider à rejoindre Les Sables d’Olonne rapidement : « Je cherche à contourner l’anticyclone des Açores qui va être très Ouest. On va être obligé de faire un énorme détour pour rallier la France. Je pensais arriver le 15 ou le 16 février, et le scénario pour l’instant nous fait contourner un anticyclone qui est de plus en plus gros, et donc de plus en plus long à contourner. » Les hauts et les bas sont légion pour les marins du Vendée Globe. Louis Burton l’a dit lors de sa conférence de presse à Port Olona : « J’ai fait l’erreur de penser à l’arrivée dès mon passage de l’équateur. Ca m’a mis un gros coup au moral de savoir que j’allais mettre plus de temps que prévu. » Ne pas trop penser à l’arrivée et avancer chaque jour un peu plus, tel est le quotidien des marins…
Message d’Alan Roura, La Fabrique
« La nuit ne fut pas des plus agréables, loin de là : de veille, assis dans la descente du cockpit, frontale sur la tête à attendre les grains, la molle et le vent qui tourne… Je n’ai pas eu 10 minutes tranquilles. La bonne nouvelle, c’est que même si nous n’allons pas très vite, on voit au loin le panneau « Sortie du Pot au Noir », qui n’est plus très loin quand le bateau avance. Mais quand les voiles claquent et que le bateau fait des 360°, le temps est long. Je pensais avoir plus de chance que certains à cet endroit, mais en fait non.»
Fabrice Amedeo, Newrest-Matmut
« Je suis dans les alizés de l’hémisphère Nord depuis hier, je me fais bien secouer, il fait gris, la mer est très formée. C’est un peu la fin des vacances. Dans l’hémisphère Sud, c’était poissons volants et mer bleu turquoise ! Là, c’est un changement d’ambiance radical depuis la sortie du Pot au Noir. On fait route mais le scénario de fin de course s’annonce très incertain et sûrement à rallonge. Ce n’est pas drôle du tout, on se fait beaucoup secouer. C’est difficile de se déplacer à bord du bateau, de faire des choses. On reste à la table à cartes, allongé à la bannette, prêt à intervenir, à écouter les bruits du bateau. »