Retour sur la conférence de presse de Louis Burton
Heureux d’en finir avec son tour du monde en solitaire, qu’il boucle pour la première fois, le skipper de Bureau Vallée arrivé en septième position aux Sables-d’Olonne a répondu aux questions des journalistes, lors de sa conférence de presse.
Est-ce que tu te sens différent ?
Je viens de me voir dans un miroir et je me sens complètement différent. C’est un problème, j’étais vraiment pas mal avant et là je fais plus clochard ! Cette transformation arrive sans qu’on s’en rende compte, c’est quand on regarde le chemin parcouru que l’on prend conscience de la difficulté de l’épreuve que l’on vient de traverser. C’est un peu difficile à expliquer.
Tu as été le chef de file du peloton, tu as marché fort dans l’Indien !
J’ai pris un départ prudent, dans le but de faire l’inverse d’il y a 4 ans. Ensuite j’ai attaqué fort, avec tous les bateaux de 2008, il y avait un bon match. J’ai pris la route le long du Portugal et c’était une bêtise, ça n’a pas fonctionné. Après j’étais énervé, la descente dans l’Atlantique je l’ai faite le couteau entre les dents ; C’était comme une course de voitures qu’il faut ravitailler. La 1ère moitié arrive quand la station est ouverte et quand l’autre moitié arrive, les cuves sont vides. Derrière ils sont revenus, ils allaient vite, il ne fallait pas dormir, mais naviguer avec les nuages, passer du bon côté, ça se jouait à quelques milles. C’était un combat de tous les instants et dans l’Indien ça s’est transformé en centaines de milles. C’était fou !
Quel sont les moments les plus forts de ta course ?
Un moment fort c’est le départ quand on est porté avec tous ces gens, ces passionnés qui nous accompagnent lors de la sortie du chenal. Ensuite, l’entrée dans l’Océan Indien où je suis en tête du peloton, ça a été un gros moteur pour moi. La découverte des mers du Sud, c’est un truc de malade. Tu es à fond pendant des jours et des jours, quand tu aimes ça c’est tellement grisant, c’est génial, les surfs incroyables, des vitesses fantastiques. Après Kito a perdu sa quille, je me suis dit qu’il fallait peut-être ralentir un peu. C’est des moments assez effrayants, puis il y a des icebergs qui d’un seul coup tombent sur ta trajectoire, donc il faut prier un petit peu. Je ne les ai pas vus mais je n’étais vraiment pas loin. Je me suis fait massacré au Cap Horn, ça a été ma plus grosse épreuve, j’ai vraiment eu peur. Je n’aurais pas dû le serrer aussi près, c’était une vraie connerie…
Est-ce que tu t’es fait peur ?
C’est violent, ça souffle tout le temps, on enchaine les systèmes météos… On a une forte responsabilité vis à vis du matériel, et cela fait qu’on est une poussière. S’il y a un problème, ça peut vite être dramatique. Ce n’est pas une peur, c’est une angoisse permanente. Tout le monde se relâche un peu après le cap Horn, alors qu’en soi le cap Horn est tout aussi dangereux ! On se sent bizarrement plus en sécurité, cela vient du fait qu’on se rapproche de la terre.
Est-ce que tu as eu des problèmes techniques ?
Aucun ! J’ai une équipe vraiment formidable. Si je pouvais continuer à naviguer sur des bateaux préparés par eux je signe tout de suite. Bravo à eux ! Depuis 2011, on navigue sur cet Imoca Bureau Vallée et on a toujours fait les choix en corrélation avec nos objectifs. On a travaillé sur la fiabilité du bateau pendant 5 saisons. On n’a jamais cherché à suréquiper le bateau ou à mettre des chevaux en plus. Moi je n’ai pas fait de Figaro ou d’Optimist, ni toutes ces filières classiques. Le Festival de la Voile dans le Golfe du Morbihan jusqu’en 2010 constituait ma plus grande victoire. Il fallait donc apprendre et mes partenaires m’ont fait confiance. On a fait un bateau solide.
Est-ce que tu as vraiment lu Germinal ?
C’est le seul livre que j’ai lu alors que ce n’était pas du tout comme ça que c’était censé se passer. Ma belle-mère m’avait offert une liseuse avec pleins de bouquins dessus, et il y avait Germinal. J’ai attaqué ça et quand je l’ai fini il y a eu un empannage asiatique on va dire et la liseuse est partie à l’eau. Donc ma course littéraire se réduit à la lecture de Germinal.
Physiquement te sens-tu fatigué ?
Je n’ai pas passé assez de temps à m’occuper de la partie avitaillement. Dans ma vie à terre la nourriture est assez secondaire. Je n’ai donc pas vraiment pris le temps de bien préparer cette partie et c’est ma plus grosse erreur sur ce Vendée Globe.Globalement j’ai eu des petits soucis d’alimentation qui font qu’aujourd’hui je me sens fatigué. Jusqu’à la moitié de la course j’étais assez en forme, après ça a été un peu rock n roll. En me regardant tout à l’heure je me suis dit « ce n’est pas beau à voir ». Je suis fatigué mais ça ne va pas m’empêcher de veiller tard ce soir!