Yann Éliès, cinquième du Vendée Globe
Yann Élies a franchi la ligne d’arrivée aux Sables d’Olonne ce mercredi 25 janvier 2017 à 16 heures 13 minutes et 09 secondes (heure française). Il prend la cinquième place de ce Vendée Globe, tour du monde qu’il parvient à boucler pour la première fois, après son abandon sur blessure lors de l’édition 2008-2009. Son temps de course : 80 jours 03 heures 11 minutes et 09 secondes. Sa vitesse moyenne sur le parcours théorique de 24 500 milles est de 12,7 nœuds mais le skipper de Quéguiner-Leucémie Espoir a en réalité parcouru 27 132 milles sur l’eau, à la vitesse moyenne de 14,1 nœuds. Retour sur sa course.
Yann Éliès voulait absolument boucler ce Vendée Globe et avant le départ, proclamait fort justement que s’il parvenait à le finir, il ne serait « pas bien loin du podium ». Et bien, c’est chose faite. Cinquième… et premier des bateaux classiques à dérives droites, puisque Armel Le Cléac’h, Alex Thomson, Jérémie Beyou et Jean-Pierre Dick, les quatre marins qui le précèdent au classement, menaient tous des foilers. C’est une sacrée revanche sur le destin que s’offre le skipper de Quéguiner-Leucémie Espoir, quand on se souvient du très grave accident qu’il avait subi au Sud de l’Australie, pendant l’édition 2008-2009. De ce point de vue, « je suis admiratif de ce qu’a fait Yann, je vois ça comme un exploit. Y retourner après ce qu’il a vécu est extraordinaire. Je ne sais pas si j’aurais été capable d’en faire autant » a déclaré à son sujet Jérémie Beyou mardi, en conférence de presse. Bel hommage.
Joli coup dans l’Atlantique Sud
Dès le départ le 6 novembre dernier, Yann Eliès montre qu’il faudra compter avec son savoir-faire, celui qui lui a permis de gagner trois fois La Solitaire du Figaro, entre autres faits d’armes de son (très) impressionnant palmarès. Yann navigue à bord du tout premier bateau signé VPLP-Verdier, à savoir l’ex-Safran de Marc Guillemot, troisième du Vendée Globe en 2009… C’est donc à la fois la machine qui a montré la voie prise depuis par tous les IMOCA, mais aussi le bateau avec lequel Marc était venu le secourir dans les mers du Sud. Au cap Finisterre, Yann Éliès est dans le paquet des dix bateaux de tête, alors aux côtés de Paul Meilhat et Jérémie Beyou, puis de Sébastien Josse et Vincent Riou. Au Cap-Vert, il est classé huitième. Même pointage à l’équateur, malgré un pot au noir complexe. Yann navigue alors devant… Jean Le Cam et Jean-Pierre Dick, deux concurrents qu’il retrouvera très souvent tout au long du parcours. Hélas une première avarie sur son hook de grand-voile lui fait perdre une cinquantaine de milles, qui se multiplient vite en sa défaveur.
Son premier joli coup stratégique intervient dans la descente de l’Atlantique Sud : vers le 20 novembre, les sept bateaux de tête s’échappent et les circonstances météo vont faire que, toujours, cela va « partir par devant ». C’est le moment où Jean Le Cam annonce « des écarts énormes », en plusieurs milliers de milles… Ce qui se confirmera dans les grandes largeurs. Yann Éliès – qui émarge à 300, puis 800 et près de 1 200 milles derrière le groupe de tête – est fortement menacé de faire partie de la charrette subissant la double, puis triple punition… C’est-à-dire ceux qui vont se retrouver très vite dans une toute autre course, à 3 000 milles et plus des leaders. Pour garder le fil avec la tête de flotte, Yann tente alors une option très osée, via un couloir de vent étroit qui « coupe le fromage » dans l’Atlantique Sud. C’est chaud, mais ça passe et au cap de Bonne-Espérance, Quéguiner-Leucémie Espoir limite son débours au leader, à un gros millier de milles. Bien joué !
Deux fois bloqué par des tempêtes
Yann Éliès est classé en sixième position dans l’océan Indien, devant Jean Le Cam et Jean-Pierre Dick. Malheureusement, il est obligé de mettre sa course entre parenthèses une première fois pendant 24 heures, car il n’a pas d’autre choix que de ralentir volontairement afin de laisser passer devant lui une grosse tempête venue de Madagascar. Il peste. Du coup, sa traversée de l’Indien est solitaire, intercalé à longue distance entre Jérémie Beyou devant lui et Jean Le Cam derrière. Yann double la longitude du cap Leeuwin en cinquième position après 33 jours et 4 heures le 9 décembre, vingt-trois heures après le Maître CoQ de Jérémie Beyou.
Le Sud de l’Australie, de sinistre mémoire pour lui, se passe relativement bien hormis ces coups de vent qui le freinent pendant que, devant, la météo favorise encore le duo des meneurs : Armel Le Cléac’h et Alex Thomson. Nouveau coup de frein obligatoire au Sud de l’Australie, où il doit ralentir une deuxième fois pour laisser passer une furieuse tempête avec des vents prévus entre 60 et 80 nœuds ! C’est le moment où il temporise, pendant que Jean Le Cam peut passer plus au Sud et que, a contrario, Jean-Pierre Dick s’en va plein Nord emprunter le détroit de Bass, entre Tasmanie et Australie. C’est à la suite de cette option que le trio infernal se constitue, au Sud de la Nouvelle-Zélande : Jean-Pierre Dick, Yann Éliès, Jean Le Cam… On n’est encore qu’à la moitié du parcours du Vendée Globe et déjà ces trois compères-là ne se quittent plus, ou presque.
Bord à bord avec Jean Le Cam
Dans le Pacifique, Jean-Pierre Dick prend les devants par intermittences grâce aux performances de son foiler. Mais les deux « briscards » Yann Eliès et Jean Le Cam (tous deux triples vainqueurs de La Solitaire du Figaro) naviguent bord à bord. Et leur match dans le match est époustouflant. Par leur manière de naviguer bien sûr, mais aussi par leurs appels entre eux à la VHF et les vidéos qu’ils envoient au service de presse du Vendée Globe, souvent amusantes.
Au cap Horn le 30 décembre, il y a du monde au portillon : Jean-Pierre Dick passe en début de matinée à 7h34, puis Jean Le Cam à 16h48 et Yann Eliès à peine plus d’une heure plus tard, à 17h56. Yann s’accroche : il veut d’abord absolument finir ce Vendée Globe et si possible à la cinquième place. « C’est tout bête, mais on ne voit que les cinq premiers sur les home-page des sites Internet », se justifie-t-il malicieusement. Jean-Pierre Dick essaie de leur fausser compagnie via le détroit de Lemaire et l’Est des Malouines. Nouveau contretemps pour Yann quand il déchire la chute de sa grand-voile sur un double empannage. Mais l’ex maître-voilier sait réparer ce genre de chose, comme il avait su également fabriquer un dessalinisateur fonctionnel avec les pièces des deux qui ne l’étaient plus… Entre autres menues avaries.
Dans la remontée de l’Atlantique, Yann Éliès et Jean Le Cam ne se quittent plus et se taquinent par vidéos interposées quand ils ne le font pas directement entre eux. Le retour à la maison va lui aussi se faire quasiment bord à bord pour les deux Bretons. Au passage retour de l’équateur en 67 jours le 13 janvier, il n’y a qu’une demi-heure d’écart (31 minutes) entre Yann et Jean ! À grande vitesse, ils parviennent même à revenir à portée de lance-pierres de Jean-Pierre Dick, dans le dernier contournement de l’anticyclone des Açores. Tous deux tenteront d’ailleurs de lui faire l’intérieur du virage dans les deux derniers jours avant l’arrivée… Jusqu’au final dont on connaît maintenant le dénouement : Yann Eliès a bouclé le Vendée Globe. Cinquième. Et premier des « anciens » bateaux à dérives droites. On ne saura jamais quel aurait pu être son classement sans ces deux tempêtes scélérates qui l’ont contraint à copieusement ralentir dans le Grand Sud. Probablement meilleur encore, évidemment… Mais c’est déjà une sacrée performance de revenir aux Sables d’Olonne après à peine plus de 80 jours de mer ! Lui aussi a réussi son tour du monde. Bravo, Yann !