Coup de chien au cap Horn
C’est dans un méchant coup de vent que le « club des quatre » s’engage ce dimanche dans le détroit de Drake : 35 à 40 nœuds de vent avec des rafales à plus de 50 nœuds soufflent au large de la Patagonie ! En tête du Vendée Globe, la bataille fait toujours rage entre Armel Le Cléac’h et Alex Thomson.
Ce sont les conditions les plus dures que la flotte des solitaires aura connu au passage du cap Horn ! Une dépression australe génère des vents de Nord-Ouest qui se renforcent en butant sur la cordillère des Andes. La situation devrait perdurer toute cette journée de dimanche avec une accalmie passagère la nuit prochaine avant l’arrivée d’une nouvelle perturbation qui va passer au-dessus de la Patagonie lundi. L’état de la mer est dans cette zone particulièrement dangereux en raison de l’étranglement du détroit de Drake (un peu plus de 400 milles de large) et en sus, les concurrents du Vendée Globe doivent respecter la Zone d’Exclusion Antarctique (ZEA) qui n’est qu’à 80 milles dans le Sud du cap Horn.
Grande vigilance
Les quatre solitaires concernés ont donc déjà pris des mesures pour se préparer à cette tempête australe : Fabrice Amedeo (Newrest-Matmut), Arnaud Boissières (La Mie Câline), Alan Roura (La Fabrique) et Rich Wilson (Great American IV) ont franchement ralenti depuis samedi tout en glissant au maximum vers le Sud pour raser la ZEA, là où le vent est moins fort. Pour autant, à 250 milles de la Terre de Feu, le vent souffle déjà à plus de vingt nœuds et le « club des quatre » devrait passer dans l’Atlantique avec 35 à 40 nœuds de brise voir 50 nœuds sous les grains.
Pour les quatre autres solitaires encore dans le Pacifique, Didac Costa (One Planet-One Ocean) et Romain Attanasio (Famille Mary-Étamine du Lys) ont eu un début de week-end propulsif avec un vent de Sud soutenu qui mollissait avec l’arrivée de la nuit australe. Quant à Pieter Heerema (No Way Back) et Sébastien Destremau (TechnoFirst-faceOcean), ils sont tous les deux poussés par deux dépressions qui leur permettent de gagner rapidement vers l’Est, le long de la ZEA.
D’un archipel à l’autre
Changement de décor dans l’Atlantique où le duel pour la victoire finale est toujours aussi intense : ce dimanche, le vent de Sud-Est est de retour avec une vingtaine de nœuds et les compteurs commencent à s’affoler. Armel Le Cléac’h (Banque Populaire VIII) a été le premier à toucher ce nouveau flux mais pas avec suffisamment de décalage temporel pour faire le break sur Alex Thomson (Hugo Boss), toujours dans son sillage à une centaine de milles. Après les Canaries, les deux hommes sont ce dimanche matin, au grand large de l’archipel de Madère et visent les Açores : ils devraient passer à raser l’île de Santa Maria, la plus orientale. Un très long bord tribord amures est au programme jusqu’à la latitude des Sables d’Olonne, une course de vitesse qui sera déterminante avant de pénétrer dans une dorsale redoutée pour le sprint final dans le golfe de Gascogne…
500 milles plus au Sud, Jérémie Beyou (Maître CoQ) remonte dans des alizés encore poussifs qui ne vont pas lui permettre de rattraper son retard alors que Jean-Pierre Dick (StMichel-Virbac) bénéficie d’une bonne pression au large de l’archipel du Cap-Vert. Le Niçois peut être plus serein vis à vis du duo suivant car Yann Éliès (Quéguiner-Leucémie Espoir) et Jean Le Cam (Finistère Mer Vent) toujours aussi collés-serrés, ont dû se recadrer vers le Nord-Ouest et sont désormais alignés sur la même trajectoire. Et cela devrait durer toute la semaine, jusqu’à la hauteur des Canaries.
Enfin, Louis Burton (Bureau Vallée) trace sa route dans les alizés de l’hémisphère Sud à 1 000 milles de l’équateur quand Nándor Fa (Spirit of Hungary) persévère vers le Nord-Est poussé par la dernière dépression australe qu’il connaîtra sur ce tour du monde. La configuration météorologique est un peu plus complexe pour Éric Bellion (Commeunseulhomme) et pour Conrad Colman (Foresight Natural Energy) qui cherchent à se recaler vers les côtes argentines où un flux de secteur Sud les attend en fin de semaine. Mais la remontée vers l’Uruguay s’annonce laborieuse dans du petit temps, puis une brise de Nord-Est.
Romain Attanasio (Famille Mary-Étamine du Lys) :
« J’étais un peu sous l’eau ces deux derniers jours avec du vent de travers dans du vent fort. C’était sport mais ça s’est bien calmé ce soir. Le problème, c’est que j’avais du vent de Sud et maintenant, il y a de la mer de Sud et il faut que je lofe dedans : ça tape beaucoup face au vagues. On a l’impression que tout va casser sur le bateau. Mais cela commence à s’arranger. On m’avait vendu la grande houle pacifique, et la mer est aussi chaotique que dans l’océan Indien ! Avec cette brise venue de l’Antarctique, il fait un froid de canard et c’est super humide : je fais tourner le moteur deux heures par jour pour assécher l’intérieur. J’ai bien tiré sur le bateau ces derniers jours et le groupe de devant n’est pas si loin que ça : sait-on jamais dans l’Atlantique ! »
Arnaud Boissières (La Mie Câline) :
« Je me suis décalé dans le Sud, près de la ZEA pour éviter le vent fort qui souffle le long de la cordillère des Andes. Là j’ai empanné vers 3h00 dans une vingtaine de nœuds en bâbord amures : j’attends le coup de chien prévu sur le cap Horn. Il fait encore très froid, mais c’est la fin annoncée des mers du Sud. J’ai un peu temporisé pour ne pas me retrouver dans le plus fort de la tempête mais je m’y engage progressivement. La mer s’est un peu clamée mais elle est croisée : il bruine et la nuit est tombée. J’espère que je n’aurais pas 60 nœuds ! J’ai fait le tour du bateau pour tout vérifier, j’ai mis deux voiles qui étaient sur le pont dans le cockpit, j’ai pris le troisième ris, j’ai bien rangé ma grand-voile sur la bôme pour qu’il n’y ait pas une poche d’eau et j’ai checké l’intérieur du bateau pour qu’il n’y ait rien qui traîne. C’est un peu stressant mais en 2009, on s’était pris une tempête australe juste après le cap Horn avec Dee Caffari et Brian Thompson… C’était super chaud ! On avait aussi pas mal temporisé en échangeant par mail en anglais. »