Dans l’hémisphère Nord, Armel Le Cléac’h et Alex Thomson bataillent ferme pour tenter d’avancer dans ce Pot au Noir devenu marmite. Ils sont séparés de 134 milles ce soir et devraient être libérés demain dans la journée des vents faibles et instables. Dans le Pacifique Sud, Arnaud Boissières, Fabrice Amedeo et Alan Roura pestent de ne pas avancer depuis 24h dans un anticyclone des plus collants. Le skipper hongrois Nandor Fa trouve lui aussi le temps bien long alors que le Horn se profile à l’horizon. « J’avais l’impression que cela n’allait jamais se terminer et que je n’arriverai jamais au cap Horn » confiait ce midi le marin de 63 ans qui doublera pour la 5e fois le passage de Drake. 63 jours de course et encore du chemin à parcourir même pour les premiers, car les transitions météo vont être légion jusqu’à la ligne d’arrivée du 8e Vendée Globe devant Les Sables d’Olonne !

Nandor Fa, héros malgré lui

A 63 ans, le Hongrois, qui participe pour la 2e fois au Vendée Globe, ne compte plus les milles avalés et les fonds de cirés qu’il a usés. Il devrait doubler son 5e cap Horn cette nuit vers 3 heures du matin, guidé par le phare du bout du monde, ce qui ne l’enchante pas : « C’est ma cinquième fois par ici et peut-être la dernière, je verrai la lumière du phare et cela me contrarie un peu, mais je ne veux pas ralentir ou m’arrêter pour cela. » Sur son Spirit of Hungary qu’il a dessiné et construit, Nandor, à la huitième place, réalise un magnifique Vendée Globe. Pour la petite histoire, le bonhomme s’était lancé dans la course au large il y a 30 ans, parce qu’il avait entendu parler du Boc Challenge (course en solitaire par étapes) au moment même où il doublait le Horn pour la première fois de sa vie (à bord d’un petit bateau de croisière de 10 m…). Tout un symbole !

« Dès que le vent soufflera, je repartira »

4 nœuds, faible pluie, ambiance tropicale dans le Pot au Noir qui, comme prévu par Great Circle, a pris ses aises jusqu’au cap Vert. Banque Populaire VIII et Hugo Boss se traînent à 2 nœuds, parfois 4, pauvres oiseaux collés au miroir de la mer lisse comme une toile cirée… Demain sera un autre jour, comme chaque journée jusqu’à la ligne d’arrivée. Car s’ils devraient toucher des vents de Nord-Est dès demain, les deux leaders du 8e Vendée Globe vont travailler dur pour se placer au mieux au gré des transitions météo, la faute à une dépression entre Madère et les Canaries qui perturbe l’ensemble de la remontée de l’Atlantique Nord. Il va falloir ne pas s’énerver, rester zen !

Au regard des vidéos envoyées par Arnaud Boissières et Fabrice Amedeo, le Pacifique Sud le long de la barrière des glaces ressemble à une belle balade sous le soleil… mais dans la pétole. « C’est infernal, le bateau ne dépasse pas les 5 nœuds, la mer ressemble à un miroir et les voiles n’arrivent pas à gonfler. Dur pour les nerfs et aussi pour le bateau. » écrivait cet après-midi Alan Roura qui navigue dans les mêmes conditions à 60 milles de Newrest-Matmut.

Réglages, matossage…

Derrière Jean-Pierre Dick qui est parvenu à sortir en premier de l’anticyclone de Sainte-Hélène, Yann Eliès et Jean Le Cam ont « mouillé le maillot » pour s’échapper de la zone sans vent qui leur barrait la route. « Hier, on a eu une journée de cagnard. Envoyer, affaler, on a transpiré… Il y a juste Yann qui se barre par devant mais je vais revenir au Pot au Noir, je vais matosser et optimiser. » racontait le skipper de Finistère Mer Vent à la vacation de la mi journée. La belle bagarre continue entre les triples vainqueurs de La Solitaire du Figaro.
Sébastien Destremau sur son TechnoFirst – faceOcean pointe désormais vers l’Est à 1 100 milles de son plus proche concurrent (Pieter Heerema sur No Way Back). Il affiche une vitesse supérieure à 10 nœuds depuis 24 h, heureux de pouvoir régler et matosser son bateau comme il se doit…

Alan Roura, La Fabrique

« C’est infernal, le bateau ne dépasse pas les 5 nœuds, la mer ressemble à un miroir et les voiles n’arrivent pas à gonfler. Dur pour les nerfs et aussi pour le bateau. Je ne vois pas comment sortir d’ici autrement que d’attendre et de voir, derrière, le reste de la flotte revenir sur moi. Du coup j’ai pas mal bricolé. Je n’en peux plus de voir les voiles battre, le pilote qui n’arrive pas à tenir son cap… C’est comme ça depuis presque 24 heures et ça risque de durer 24 h de plus. Au moment où je vous écris, je « fonce » à 1,6 nœuds. C’est absolument fantastique ! »

Jean Le Cam, Finistère Mer Vent

« Je prends des douches à l’eau douce, on ne va pas tergiverser. Je suis nickel. Je ne m’étais pas lavé pendant un mois et demi donc je peux bien prendre deux douches par jour. On ne peut pas rêver mieux pour la course. Yann se barre par devant mais je vais revenir au Pot au Noir, je vais matosser et optimiser. J’ai fait un routage ce matin. Nous serons à l’équateur, messieurs et mesdames, le 13 à 18h36. »

Fabrice Amedeo, Newrest-Matmut

« Les conditions étaient faciles mais l’euphorie a été de courte durée. On a une barrière anticyclonique devant nous. La ZEA nous empêche de descendre donc on doit la traverser. J’ai passé plusieurs heures à 1,5 nœuds. Je préfère quand il y a 35 nœuds. C’est somptueux mais d’un point de vue vélique c’est l’enfer. J’ai rangé le bateau il y a deux jours. Il n’y a plus grand chose à faire à part attendre le vent. J’ai des films et des livres mais je ne fais rien car je suis en attente du moindre souffle. Il faut tenir, rester zen. Quand le vent reviendra on repartira, comme la chanson. »

Conrad Colman, Foresight Natural Energy

« J’ai tellement souffert cette fois-ci avec les problèmes techniques, que ça va être spécial. Je serai encore plus content de pointer mon étrave vers le Nord et la maison. Ça va mieux maintenant. J’ai remis ma côte en place et les mains ce n’est qu’une question de temps. J’ai passé longtemps dans le baudrier et j’ai terminé avec les mains comme du steak haché. C’était inévitable avec les couteaux, ça glissait. Il faut faire gaffe. On est vraiment au bout du monde. »

Nandor Fa, Spirit of Hungary

“Il fait nuageux et il pleut, tout comme hier. On a beaucoup de grains car on est proche du centre de la dépression. Le vent est plus fort que prévu. J’ai environ 27 nœuds. J’avais espéré doubler le cap à la lumière du jour, mais j’ai l’impression que cela se fera la nuit. Je ne veux pas ralentir ou m’arrêter pour cela. Je verrai la lumière du phare et cela me contrarie un peu. C’est ma cinquième fois par ici et peut-être la dernière. Parfois je me sens épuisé car j’ai trop de petits travaux à faire. Je ne suis pas si jeune, mais je me sens bien en ce moment. Je fais du footing et de la gymnastique à l’intérieur du bateau pour me garder en forme. Ce n’est facile car je porte cinq couches de vêtements et malgré cela j’ai froid ! »

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