Chaud devant !
Le scénario offert par le huitième Vendée Globe ravit les amateurs de suspense. En à peine six jours, l’écart entre les deux leaders, Armel Le Cléac’h et Alex Thomson, est passé de plus de 800 milles à… moins de 75 milles ! Attendu au cap Horn tôt demain matin (heure française), Jean-Pierre Dick a aussi vu revenir ses poursuivants : bord à bord, Jean Le Cam et Yann Eliès devraient passer le Horn une dizaine d’heures après lui. Derrière Louis Burton, Nandor Fa et Conrad Colman qui naviguent isolés au milieu du Pacifique, c’est Eric Bellion qui emmène le peloton de cinq coureurs. En queue de flotte, Didac Costa a repris sa route après avoir résolu des soucis de pilote et de barre.
Armel Le Cléac’h (Banque Populaire VIII) est surnommé « le chacal » mais en ce moment c’est bien Alex Thomson (Hugo Boss) le prédateur ! Profitant du net ralentissement du leader, englué dans une cellule anticyclonique, le Britannique croque les milles. En bon chasseur, Alex saute sur l’occasion pour attaquer : il a été le plus rapide de toute la flotte ces dernières 24 heures avec 432 milles parcourus. L’écart se resserre donc de manière significative : 194 milles à 5h, 158 milles à 9h, 131 milles à midi, 101 milles à 15h et 74 milles à 18h. La performance d’Alex est d’autant plus bluffante qu’il a cassé son foil après seulement deux semaines de course, suite à un violent choc avec un OFNI.
Armel en a vu d’autres et prend le retour de son poursuivant avec philosophie. « Ce n’était pas la bonne semaine pour jouer au loto », plaisante-t-il. « La situation est compliquée. J’avais une bonne avance au cap Horn mais depuis je subis les phénomènes météo. La barrière anticyclonique bloque la route de Banque Populaire VIII et ça revient derrière. Les 800 milles d’avance sur Alex Thomson au cap Horn se sont vite réduits à pas grand chose. Pas de chance mais c’est le jeu de la course au large et il faut faire avec. Je reste positif. Alex butera lui aussi dans l’anticyclone et nous ferons les comptes dans quelques jours quand nous toucherons les alizés. »
Actuellement en 8e position sur Spirit of Hungary, Nandor Fa résume bien la situation dans laquelle se trouve Le Cléac’h : « Les avantages acquis grâce à des nuits blanches et à de grands efforts peuvent disparaître très rapidement. Vous pouvez toujours essayer de faire le maximum, mais si votre adversaire trouve des conditions plus favorables, vous ne pouvez rien. »
En 3e position, Jérémie Beyou (Maître CoQ) profite d’un vent de Sud-Ouest soutenu. Comme ses deux prédécesseurs, il est passé à l’Est des Malouines.
Attendu au cap Horn tôt demain matin, Jean-Pierre Dick est sous la menace de Jean Le Cam et Yann Eliès
Cela a été une mauvaise surprise pour Jean-Pierre Dick : le skipper de StMichel-Virbac s’est fait prendre dans une zone de calme inattendue sur la route du cap Horn. « Ça a été un peu l’horreur. J’ai passé ma journée d’hier dans la bulle. J’ai perdu 12h et au moins 100 ou 150 milles sur Jérémie (Beyou) mais aussi sur Yann (Eliès) et Jean (Le Cam). C’est un peu décevant et rageant de se faire piéger comme ça. C’est la vie. Le bateau est reparti, je vais me concentrer sur la trajectoire pour aller jusqu’au cap Horn. »
D’après les routages, Jean-Pierre franchira pour la cinquième fois ce cap mythique tôt demain matin. Il aura d’ici-là au moins deux empannages à négocier dans des conditions sportives.
Jean Le Cam (Finistère Mer Vent) et Yann Eliès (Quéguiner-Leucémie Espoir) devraient passer le Horn une dizaine d’heures plus tard, en début d’après-midi. L’écart entre ces deux-là est toujours aussi mince : 1 mille au pointage de 18h, en faveur de Jean Le Cam !
Du jeu dans le Pacifique et l’Indien
Louis Burton (Bureau Vallée), Nandor Fa et Conrad Colman (Foresight Natural Energy) profitent de belles conditions autour d’un anticyclone. Ils affichent de bonnes vitesses moyennes et ont tous les trois parcouru plus de 330 milles ces dernières 24 heures.
Derrière, c’est toujours Eric Bellion (CommeUnSeulHomme) qui emmène le peloton. « Je n’ai jamais imaginé être dans le top 10. Ce n’était pas un objectif et ce n’en est pas un », assure Eric. « Je suis très content de ce classement mais je ne suis pas dupe. Dans le Sud, il n’y a pas vraiment de classement. Nous sommes tous là pour ramener le bateau de l’autre côté du cap Horn, et après la course pourra reprendre. » Quatre coureurs sont lancés à ses trousses : Arnaud Boissières (La Mie Câline), Alan Roura (La Fabrique), Fabrice Amedeo (Newrest-Matmut) et Rich Wilson (Great American IV), le doyen du Vendée Globe (66 ans) dont la performance est à saluer. Quand on sait l’engagement physique et mental que demande un tour du monde en solitaire en IMOCA… Enda O’Coineen (Kilcullen Voyager-Team Ireland) poursuit sa route vers l’île Stewart (au Sud de la Nouvelle-Zélande) où il va se mettre au mouillage pour effectuer des réparations. A 18h, l’Irlandais était à environ 150 milles de son point de chute.
Les quatre concurrents encore dans l’océan Indien sont à nouveau en route. Didac Costa (One Planet One Ocean) est venu à bout de soucis de pilote et de barre. Il navigue en 16e position devant Romain Attanasio (Famille Mary-Etamine du Lys), Sébastien Destremau (TechnoFirst-faceOcean) et Pieter Heerema (No Way Back). Pour eux, la mi-parcours et l’entrée dans le Pacifique ne sont plus si loin…
Armel Le Cléac’h (Banque Populaire VIII)
« Je suis rentré dans la zone de vent faible hier soir. J’espère en sortir demain et attraper du vent plus stable pour m’échapper de cette situation compliquée. Il faut avancer et se concentrer sur la météo à venir pour trouver le bon chemin jusqu’aux alizés brésiliens. Un anticyclone n’est jamais simple à traverser. Il y a souvent des différences entre les fichiers de vent et la réalité sur l’eau. Il peut y avoir des trous de vent, difficile de cerner tout ça. J’espère avoir plus de réussite dans les prochaines heures. »
Jean-Pierre Dick (StMichel-Virbac) :
« Il y a toujours une émotion particulière au Horn, c’est un cap mythique. C’est même LE cap. Après un mois dans le froid, j’ai hâte que cette partie se termine. Cela marquera une forme de délivrance. Je quitterai la navigation engagée pour trouver quelque chose d’un peu plus normal. »
Nandor Fa (Spirit of Hungary) :
« Les avantages acquis grâce à des nuits blanches et à de grands efforts peuvent disparaître très rapidement. J’étais bord à bord avec Conrad (Colman) pendant longtemps. Il n’y avait pas de différence significative entre nous jusqu’à ce que nous nous trouvions dans des systèmes différents. J’ai travaillé dur pour rattraper un front, ce qui m’a permis de cavaler à haute vitesse pendant plusieurs journées. Son avantage de 60 milles est devenu un déficit de 600 milles. Cela n’a rien à voir avec la capacité de nos bateaux et s’explique seulement par le fait que nous étions dans un système météo différent. »
Eric Bellion (CommeUnSeulHomme) :
« Je me sens très bien en mer. Je suis en train de me dire qu’il ne faut pas que j’arrive trop vite car je veux profiter. J’ai la chance incroyable de vivre un Vendée Globe. Evidemment je suis trempé, tout est mouillé à l’intérieur… Mais je veux savourer ce moment. La terre me manque un peu, la solitude est extraordinairement présente. A un moment, je vais avoir envie que cette solitude cesse car ces bateaux sont compliqués, les conditions le sont aussi. On se fait des cheveux blancs… »