50 jours de mer et du match à l’avant
Alex Thomson est le plus rapide de la flotte et il est encore bien revenu cette nuit sur Armel Le Cléac’h. A la fin du 50e jour de mer, il y a match de part et d’autre des Malouines entre les deux grands meneurs de ce huitième Vendée Globe.
Les plaisanteries de Noël sont terminées. Retour aux affaires pour les 19 bateaux encore en course. A la fin du 50e jour de course depuis le départ des Sables d’Olonne, la glorieuse incertitude du sport est de mise en tête de course : Hugo Boss a comblé la moitié de son retard sur Banque Populaire VIII, pour revenir à 432 milles ce matin. Pour faire simple, c’est l’équivalent en ce moment d’une journée de mer pour Alex Thomson, alors qu’il est passé au cap Horn hier avec deux jours de retard sur Armel Le Cléac’h. Cela donne une idée assez précise de la fragilité des écarts et illustre bien le propos du leader quand il répète que « rien n’est joué ». Les supporters du Breton se rassurent en faisant justement remarquer qu’après tout Armel a quasiment la même marge sur son dauphin que voilà une semaine. Les fans du Gallois préfèrent zoomer sur les dernières 48 heures qui lui ont été très favorables.
Météo complexe en Atlantique Sud
Ce qui est certain c’est que de part et d’autre des Malouines, (Armel 130 milles dans le Nord-Est de l’archipel / Alex 230 milles dans le Sud-Ouest) il y a match entre les deux grands animateurs de la course. D’autant que la situation météo à venir est (très) complexe. Si aujourd’hui et demain les écarts ont toutes les chances de faire le yo-yo – avec Le Cléac’h dans le nord d’une dépression et Thomson dans le Sud de ce même phénomène – les jours suivants paraissent bien compliqués car il n’y a que très peu de vent devant leurs étraves dans la remontée de l’Atlantique Sud. Il n’y en a pas beaucoup non plus le long des côtes d’Amérique du Sud et il faut aller en chercher dans l’Est… mais pas trop car il faut aussi respecter la Zone d’Exclusion Antarctique, sachant que le point le plus haut de cette zone interdite pour cause d’icebergs est par 40° Sud alors que Banque Populaire sort tout juste des Cinquantièmes Hurlants et navigue ce matin par 49° Sud. Bref : joli casse-tête pour nos deux leaders !
Jérémie Beyou, lui, n’a pas encore à se poser ce genre de question. Il fonce vers le cap Horn qu’il devrait doubler demain en milieu de journée avec peu ou prou deux jours de retard sur Alex Thomson et quatre sur Armel Le Cléach, mais avec une avance encore relativement confortable sur Jean-Pierre Dick. Si celui-ci va très vite ce matin – pointes à 22 nœuds – StMichel-Virbac a tout de même 840 milles de retard sur Maître CoQ. Jean-Pierre a aussi pris de la marge sur Yann Eliès (Quéguiner-Leucémie Espoir) et Jean Le Cam (Finistère Mer Vent) qui sont désormais environ 250 milles dans son sillage. Du 7e au 9e, tout va bien pour Louis Burton qui poursuit sa course remarquable à 15 nœuds dans un flux de Nord, bien calé le long de la ZEA ; puis pour le Hongrois Nandor Fa (Spirit of Hungary, 8e) dans un régime de Sud-Ouest. Le Néo-Zélandais Conrad Colman, lui, ne doit pas traîner en route pour rester le plus possible en avant de la grosse tempête attendue au Sud de la Nouvelle-Zélande, mais il est bien parti pour que ce soit effectivement le cas. Et laisser son pays d’origine en 9e position de l’Everest des mers doit booster le moral du skipper de Foresight Natural Energy. On ne l’attendait pas à pareille fête.
Alors que les deux leaders sont sortis du Pacifique, un groupe de six bateaux y entre ce matin en doublant la longitude de South East Cape, à l’aplomb de la Tasmanie. Au Nord, Arnaud Boissières monte d’un cran : le skipper de La Mie Câline a pris la 10e place, alors que Fabrice Amedeo (Newrest-Matmut), qui n’est pourtant que 100 milles derrière lui en termes de distance au but, n’est « que » 15e. L’explication se trouve 140 milles dans leur Sud, où évolue à petite vitesse un groupe très international de quatre bateaux composé de l’Irlandais Enda O’Coineen (Kilcullen Team Ireland, 11e), du Français Eric Bellion (CommeUnSeulHomme, 12e), du Suisse Alan Roura (La Fabrique, 13e) et de l’Américain Rich Wilson (Great American IV, 14e). Ceux-là ont envoyé des images extraordinaires de rencontres en pleine mer ce week-end. Ils pourraient dès ce matin renvoyer de la toile et accélérer de nouveau après avoir copieusement ralenti depuis 48 heures, sous voilure très réduite… toujours dans le but de gérer le timing de la fameuse grosse tempête attendue devant leur étrave.
Un millier de milles derrière eux, l’Espagnol Didac Costa (One Planet, One Ocean, 16e) est le plus rapide des quatre bateaux de la queue de flotte (15 nœuds). Le Néerlandais Pieter Heerema (No Way Back), a perdu beaucoup de terrain en montant très au Nord. En délicatesse avec ses pilotes automatiques, il doit rapidement trouver une solution s’il veut cesser de mettre sa course entre parenthèses, comme il dit. Enfin, Romain Attanasio, 18e, a connu des jours meilleurs : certes, il navigue dans des conditions beaucoup plus maniables après trois jours de vents forts (25 nœuds au lieu de 40, ça change la vie), mais le skipper de Famille Mary-Etamine du Lys a un petit pépin technique : il n’a plus de capteur aérien, c’est à dire que son pilote ne reçoit plus d’informations de vent, ce qui est très handicapant en solitaire. Un peu moins de 180 milles derrière Romain, Sébastien Destremau (TechnoFirst-faceOcean) ferme toujours la marche.