Ils ne sont plus que 20 bateaux en course. Après le démâtage de La Compagnie du Lit-Boulogne Billancourt (Stéphane Le Diraison) samedi soir et l’avarie structurelle sérieuse du Souffle du Nord pour le projet Imagine (Thomas Ruyant) hier après-midi, le nombre d’abandons sur le 8e Vendée Globe, à ce jour, se porte à 9 : 3 démâtages, 5 collisions avec des ofni (objets flottants non identifiés) et 1 avarie de foil . Un tour du globe en solitaire qui parfois joue de malchance, si talentueux et prudents soient les marins… A moins de 1 500 milles du cap Horn, Armel Le Cléac’h (Banque Populaire VIII) accroît son avance sur le Britannique Alex Thomson (Hugo Boss) avec 511 milles d’écart. Un Noël au Horn !

Coup de vent de Nord demain midi pour Thomas Ruyant, la longue route de Stéphane Le Diraison

Choqué, très attristé de stopper si brutalement son premier Vendée Globe porté par des milliers de personnes du Souffle du Nord pour le projet Imagine, Thomas veut plus que tout ramener son bateau à Bluff en Nouvelle-Zélande, même s’il se trouve sur le fil du rasoir. Son Imoca menace de s’ouvrir en deux et il manque de gasoil pour parcourir la totalité des 200 milles qui le séparent de la terre ferme. Pour couronner le tout, une grosse dépression arrive du Nord et dès demain midi les vents pourraient porter jusqu’à 50 nœuds. « Il y a un vent de Nord qui va rentrer assez fort mais le bateau n’est plus capable de le supporter. J’essaye d’aller à l’avant du bateau toutes les 15 minutes pour vérifier que l’avarie ne se dégrade pas » soulignait Thomas au Vendée Live ce midi. Actuellement à 7,7 nœuds, à la voile et au moteur, Le Souffle du Nord pour le projet Imagine ne doit surtout pas traîner en route…
Stéphane Le Diraison, lui, a mis le cap sur Melbourne en Australie. Son gréement de fortune qu’il a mis en place la nuit dernière lui permet d’avancer à 4,7 nœuds à la voile poussé par 25 nœuds de vent d’ouest-sud-ouest. Il reste au skipper de La Compagnie du Lit – Boulogne Billancourt 810 milles à parcourir ! Une très longue route en perspective, au moins dix jours de mer, avant de mettre pied à terre…

Petits et grands écarts

Il est fort à parier qu’au cap Horn les leaders auront au minimum 24 heures d’écart. Certains routages prévoient même deux jours entre Armel Le Cléac’h et Hugo Boss. « J’ai demandé au père Noël de passer le cap Horn en tête, on verra bien. » confiait cet après-midi Armel à la vacation. Derrière, Paul Meilhat (SMA) a bien du mal à se défaire d’un Jérémie Beyou (Maître CoQ) diablement accrocheur et ultra rapide toute la journée (18,5 nœuds ces quatre dernières heures !). 24 milles d’écart seulement, une goutte d’eau au regard des 9 800 milles qui restent encore à parcourir. Du côté des trois Mousquetaires, Le chevalier noir Jean-Pierre Dick (StMichel-Virbac) contient Yann Eliès (Queguiner-Leucémie Espoir) et Jean Le Cam (Finistère Mer Vent). Yann espère recoller à ses copains figaristes : « J’aimerais bien qu’on revienne sur ceux de devant, qu’on ne soit pas trop loin d’eux au cap Horn. Si on pouvait jouer la troisième marche jusqu’à la fin ça serait bien. »

S’échapper avant le gros temps

De Louis Burton (Bureau Vallée), qui continue de creuser l’écart avec ses poursuivants (600 milles avec Nandor Fa sur son Spirit of Hungary), à Pieter Heerema (No Way Back), les conditions s’améliorent. « Ca va mieux. On vivait un peu dans la niche, à quatre pattes. La mer s’est beaucoup calmée depuis ce matin. Il y a 28/30 nœuds. J’approche de la limite de la ZEA, il faudra que je fasse un empannage dans une heure pour enfin glisser plus sereinement » expliquait Arnaud Boissières il y a quelques heures. En queue de flotte, les marins s’attendent à « prendre cher ». Dans 48 heures, 50 à 55 nœuds de vent sont attendus. « Je me barre de là, je pars vers le nord ! » confiait Romain Attanasio (Famille Mary-Etamine du Lys) dans une vidéo envoyée à l’organisation. Les trois derniers doivent donc faire le dos rond et se préparer au pire. Sébastien Destremau (TechnoFirst-faceOcean) qui a stabilisé son mât espère pouvoir renvoyer sa grand-voile rapidement pour résister au mauvais temps : « C’est une crainte d’être si lent, car on est vraiment à la merci de la mer qui peut rouler le bateau comme une crêpe. » expliquait Sébastien dans un message envoyé du bord… au fin fond de l’océan Indien.

Thomas Ruyant (Le Souffle du Nord pour le projet Imagine)

« Le Vendée s’arrête ici pour moi. C’est une très grosse déception. J’avais dit que j’irais au bout coûte que coûte, mais j’ai un bateau qui ne peut plus faire le tour du monde. Je suis triste parce que c’est un beau projet, le projet de toute une région. On a un beau message à faire passer avec ce colibri dans les voiles. Vu la violence du choc, ça devait être un conteneur. Je suis trop Nord pour que ce soit un iceberg. Je pense être sur une route maritime entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Ca a été très violent. Le bateau s‘est plié.»

Yann Eliès, Queguiner-Leucémie Espoir

« Je suis à 14 milles de la zone. J’essaye de lui lécher les babines sans rentrer dedans. J’espère qu’avec Jean (le Cam) et Jean-Pierre (Dick) on pourra être en portée AIS ou VHS pour qu’on puisse discuter. J’aimerais bien qu’on revienne sur ceux de devant, qu’on ne soit pas trop loin d’eux au cap Horn. Si on pouvait jouer la troisième marche jusqu’à la fin ça serait bien. »

Armel le Cléac’h, Banque Populaire VIII

« Je suis attristé par les nouvelles qu’on a eues de Thomas et Stéphane. Ils faisaient tous les deux une super course et menaient bien leur barque. C’est la dure loi du Vendée Globe. J’ai une pensée pour eux et j’espère qu’ils pourront ramener leur bateau à bon port en toute sécurité. J’ai demandé au père Noël de passer le cap Horn en tête, on verra bien.»

Arnaud Boissières, La Mie Câline

« A 44 ans, c’est différent qu’à 35 ans quand tu fais ton premier Vendée. Je mets plus qu’avant mon harnais quand je me déplace, est ce que c’est ma double parentalité ? Est-ce parce que je suis plus sage ? J’espère. Pour Noël j’aimerais bien un peu de soleil et un truc à manger sympa. Ah sinon, j’aimerais bien voir le nouveau Star Wars qui vient de sortir. »

Eric Bellion, CommeUnSeulHomme

« Je suis en train de trouver mon rythme. Je suis à la meilleure place, la mienne. Je fais mon chemin tant que je peux. J’ai 30 nœuds, j’avance à 18. Ca glisse. On n‘est pas rattrapé par le front. Les grains arrivent. J’ai envie d’aller au bout depuis le début, mais le Vendée Globe est tellement incroyable comme aventure que je ne pense qu’aux prochaines 24 heures depuis 43 jours. Il y a quelque chose qui s’est débloqué. »

Alan Roura, La Fabrique

« Mine de rien, ça fait 43 jours qu’on est parti, mais je n’ai pas l’impression que ça fait si longtemps. Bon, après tout ce temps, je ne sens pas la rose mais le moral est bon. Entrer dans le Pacifique pour Noël c’est sympa, on va passer en mode : chaque mille nous rapproche de la maison. »

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